Nous nous retrouvons donc aujourd'hui pour commencer l'examen du PLFSS pour 2022. Celui-ci étant le dernier du quinquennat, j'aurais aimé qu'il soit celui du retour à l'équilibre. Je le dis sans détour, puisque, en tant que ministre délégué chargé des comptes publics, je ne peux évidemment pas me satisfaire des équilibres que nous vous proposerons de voter, même s'ils ont vocation à s'améliorer au cours de la navette parlementaire, et ce, grâce à la révision à la hausse des hypothèses macroéconomiques.
Les chiffres que nous vous soumettons, fruits de l'engagement de la sécurité sociale contre le covid-19 et pour accompagner les Français, contrastent évidemment fortement avec les ambitions que nous nourrissions avant la crise sanitaire, quand le retour à l'équilibre de la sécurité sociale était proche et quand l'amortissement de la dette sociale avait vocation à s'arrêter en 2024.
Ainsi, selon les dernières projections dont nous disposons, le déficit de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – devrait s'établir à 34,6 milliards d'euros en 2021, puis à 21,6 milliards en 2022, mais il dépassera encore 13 milliards en 2025. Il faut noter que le déficit pour 2021 est inférieur à celui de 2020, qui s'établissait à presque 39 milliards. Il est également inférieur à celui que nous avions envisagé à l'occasion des différents débats budgétaires, notamment lors du débat d'orientation des finances publiques portant sur le programme de stabilité 2021-2027, puisque la vigueur de la reprise économique entraîne une hausse des recettes de 6 %. Néanmoins, la persistance de la crise sanitaire conduit à une augmentation des dépenses de 2,5 milliards. Ainsi, par rapport au début de l'année 2021, la prévision du déficit s'est d'ores et déjà améliorée de 3,9 milliards.
Si la dégradation durable des comptes sociaux doit nous interpeller, elle ne doit pas non plus nous faire oublier l'amélioration des comptes intervenue avant la crise sanitaire. Ainsi, le déficit de la sécurité sociale et du FSV avait atteint un niveau historiquement bas à 1 milliard en 2018, s'élevant ensuite à 1,9 milliard en 2019. Ces chiffres montrent que la majorité n'a rien à prouver en matière de sérieux budgétaire. Ils nous donnent aussi une leçon précieuse pour l'avenir : c'est parce que les comptes étaient en ordre que la sécurité sociale a pu protéger les Français aussi vite, aussi bien et aussi fort dans la période que nous connaissons. Tous les Français sont conscients de l'immense effort que le système de santé a fourni et continue de fournir pour lutter contre la crise sanitaire, pour les protéger au quotidien et pour préserver leur emploi.
D'abord, c'était bien entendu celui des soignants que je tiens encore à saluer. C'est également un effort financier colossal que je rappellerai en quelques chiffres : 135 millions de tests de dépistage effectués, plus que tout autre pays en Europe, et une estimation du coût de la campagne vaccinale à 4,7 milliards d'euros – le meilleur investissement qui soit non seulement pour la santé de nos concitoyens, mais aussi, bien entendu, pour l'économie et pour la France.
À l'évidence, la crise sanitaire a rendu plus concrète que jamais la raison d'exister de la sécurité sociale : protéger les Français. Ne jamais prendre cette mission comme acquise, chercher continuellement à mieux protéger nos concitoyens, font partie des objectifs que nous nous sommes fixés durant ce quinquennat. Je ne reviendrai pas sur chacune des avancées sociales réalisées sous celui-ci : elles sont trop nombreuses et, par ailleurs, vous les connaissez.
Les principales d'entre elles sont le déploiement du 100 % santé – une réforme qui a changé le quotidien de millions de nos concitoyens – et la création de la cinquième branche de la sécurité sociale, dont l'édification amènera, dans ce PLFSS, de nouvelles avancées en matière de prévention et de lutte contre la perte d'autonomie, que ma collègue, la ministre déléguée Brigitte Bourguignon, vous présentera plus en détail. Je ne reviens pas non plus sur le Ségur de la santé, un investissement inédit en direction des soignants et des établissements de santé, élargi depuis aux établissements médico-sociaux.
Les différents PLFSS présentés durant ce quinquennat ont permis de mettre en lumière un autre fil rouge de l'action menée sous celui-ci : celui de la revalorisation du travail et de notre engagement en faveur de l'emploi et de la croissance. Depuis 2017, nous avons ainsi transformé le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en un allégement pérenne de charges sociales, pour plus de 23 milliards d'euros. Nous avons également supprimé les cotisations salariales d'assurance chômage et d'assurance maladie, soit un effort supplémentaire de 6 milliards d'euros en faveur des actifs. Nous avons aussi supprimé les cotisations sociales sur les heures supplémentaires, par ailleurs défiscalisées. Enfin, nous avons étendu les allégements généraux à l'ensemble des contributions sociales, afin qu'il n'y ait plus de cotisations ou de contribution patronale au niveau du SMIC.
Cette politique en faveur de la croissance, de l'emploi et du pouvoir d'achat a été une constante de notre action – de votre action, vous les membres de la majorité. Nous l'avons poursuivie sous une autre forme en déployant des dispositifs massifs d'aide aux entreprises et aux salariés en activité partielle durant la crise sanitaire, en un temps record. Nous l'avons prolongée en déployant France relance, un plan inédit de relance de l'activité de 100 milliards d'euros, qui servira notamment à renforcer l'investissement dans notre système de santé. Enfin, nous comptons amplifier cette politique pour l'emploi, pour le travail et pour le développement grâce au plan d'investissement présenté par le Président de la République le 12 octobre dernier, qui prépare la France de 2030.
J'assume d'autant plus facilement cette politique en faveur de la croissance que je suis convaincu que c'est d'abord grâce à cette dernière que nous rétablirons nos finances publiques, notamment nos finances sociales. J'en suis d'autant plus convaincu qu'elle porte ses fruits. Nous avons ainsi été conduits à relever nos prévisions de croissance pour 2021, de 6 % à 6,25 %, et nous proposerons des équilibres améliorés sur l'ensemble de la trajectoire pluriannuelle de la sécurité sociale au cours de la navette parlementaire.
À ceux qui auraient aimé que le PLFSS pour 2022 contienne des mesures brutales de rétablissement des comptes, nous répondons que telle n'est pas la politique que nous avons choisie et que, contrairement à la période d'après-crise en 2009 et en 2010, nous voulons privilégier la croissance. La révision à la hausse des prévisions de recettes sociales engendrée par le surcroît de masse salariale, associée au dynamisme de la reprise, nous donne raison. Les chiffres des embauches de plus d'un mois du troisième trimestre 2021, publiés ce matin, nous confortent dans cette stratégie : les déclarations d'embauche ont de nouveau augmenté de 11,4 %, après une hausse de 16,6 % au deuxième trimestre. Elles concernent à la fois les CDD de plus d'un mois, en augmentation de 12,8 %, ainsi que les CDI, en hausse de près de 10 %.
Notre politique visant à soutenir la croissance nous permet également de vous proposer une trajectoire de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) à 3,8 % hors crise, sans compter les 5 milliards d'euros de provisions pour faire face aux effets de la crise sanitaire, inscrits dans le PLFSS. Cet objectif va au-delà des engagements pluriannuels pris par le Président de la République et par le Gouvernement : 2,6 % correspondent à l'ONDAM dit de base, tandis que 1,2 % est dédié au financement de la mise en œuvre progressive de nouvelles actions et de nouveaux objets, issus des accords du Ségur de la santé. Le PLFSS ne contient pas de mesures d'économies brutales : pour la première fois, nous ne sollicitons aucune économie de la part des hôpitaux et nous avons même prévu de leur restituer les économies réalisées en cas de réorganisation, à titre volontaire.
Le présent texte n'en est pas moins un PLFSS de transformation, qui s'inscrit dans la lignée de ceux qui vous ont été présentés depuis 2017. J'en veux pour preuve qu'il marque une nouvelle étape dans le chantier, structurant, de l'unification du recouvrement social. Celle-ci est en effet porteuse de gains d'efficience significatifs, ainsi que d'une plus grande fiabilité des cotisations collectées et des droits sociaux enregistrés. Elle constitue également un levier majeur de simplification pour les entreprises, qui n'auront plus à terme qu'un seul interlocuteur au titre des cotisations sociales.
Vous aviez adopté une trajectoire ambitieuse d'unification dans le cadre du PLFSS pour 2020. Certains des jalons ont pu ou devront être aménagés, afin de prendre en compte l'impact de la crise sanitaire et de sécuriser les transferts. Le transfert des cotisations collectées par l'AGIRC-ARRCO sera amorcé en 2022 par un pilote, puis mis en œuvre en 2023. Si nous sommes pragmatiques, nous n'en restons pas moins ambitieux : le PLFSS vous propose d'acter le transfert des cotisations collectées par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (CIPAV) à l'issue de premiers travaux techniques, dont je salue la qualité.
J'évoquerai rapidement deux autres mesures de transformation prévues par le PLFSS. Nous vous proposons de généraliser le versement en temps réel des aides fiscales et sociales du secteur du service à la personne, à commencer par le crédit d'impôt au titre du service d'aide à la personne. Dès le 1er janvier 2022, les particuliers employeurs qui utilisent le dispositif Cesu+ – chèque emploi service universel+ – pourront bénéficier d'une avance de leur crédit d'impôt en temps réel. En avril 2022, cette généralisation sera étendue aux clients de services intermédiés : mandataires, prestataires et plateformes.
À partir de 2023, les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) entreront dans le dispositif, une fois que nous aurons conclu des conventions de partenariat avec chaque conseil départemental. En 2024, cette généralisation sera élargie à la garde d'enfants, après les travaux techniques nécessaires concernant le dispositif Pajemploi. Cette réforme simplifiera la vie de millions de nos concitoyens, qui doivent actuellement avancer le montant de leur crédit d'impôt, et contribuera à accompagner le virage domiciliaire et l'essor du secteur des services à la personne, ainsi que la lutte contre le travail clandestin. Elle simplifiera le développement du travail déclaré et l'ouverture des droits sociaux associés aux salariés concernés.
Enfin, le présent texte traduit une partie des mesures de transformation sociale du plan annoncé par le Président de la République en faveur des travailleurs indépendants. Elles permettront également de neutraliser les effets de la crise, de faciliter l'ajustement des échéances de cotisations sociales par les travailleurs indépendants eux-mêmes, en fonction des revenus perçus, et de moderniser le statut de conjoint collaborateur.
Vous le voyez, nous avançons et nous faisons le choix de réformer jusqu'au dernier jour. Le travail devra être poursuivi, s'agissant notamment du rétablissement des comptes sociaux. Il n'est pas envisageable d'en reporter indéfiniment le retour à l'équilibre, sans quoi ce sont nos enfants qui devront assumer le poids des déficits actuels. J'insisterai, à cet égard, sur quelques axes.
En premier lieu, une vision et d'un pilotage global des finances publiques et d'une gouvernance modernisée des finances sociales est nécessaire. Telle est l'ambition de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale déposée par le rapporteur général Thomas Mesnier et adoptée le 19 juillet dernier. Son adoption nous donnera des outils bienvenus pour améliorer la maîtrise des comptes sociaux. Nous avons aussi besoin d'un pilotage unifié des finances sociales, ce qui implique, au vu du déficit global, de ne pas considérer les éventuels excédents isolés comme des marges de manœuvre, mais plutôt de renforcer la solidarité interbranches. Nous devrons également poursuivre les réformes structurelles, telles que la réforme des retraites,…