Intervention de Thomas Mesnier

Séance en hémicycle du jeudi 21 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

La LFSS pour 2018 et les suivantes ont également creusé le sillon d'une simplification en faveur des employeurs mais aussi et surtout des travailleurs indépendants. L'intégration de l'ex-régime social des indépendants (RSI) au sein du régime général a conduit à améliorer sensiblement la qualité de service, tout en prenant le temps de la réforme. Elle constitue l'exemple d'une transformation réussie, saluée d'ailleurs à ce titre par les travaux du Printemps social de l'évaluation de 2020, conduits par des rapporteurs d'opposition.

Ce souci de transformation est encore plus visible dans un domaine pour lequel j'ai naturellement une affection particulière et qui a occupé une part déterminante des débats en commission : celui de la santé. Les lois de financement successives, sur le volet financier, en même temps que la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, sur les volets institutionnels et organisationnels, ont apporté des changements fondamentaux au système de santé qui souffrait à la fois d'un manque de financement, d'une inertie des organisations pas toujours les plus efficaces et d'un mode de financement excessivement centré sur la tarification à l'activité (T2A).

C'est ainsi que la trajectoire a été fixée dès le début de la législature avec une augmentation de l'ONDAM de 2,3 % sur l'ensemble de la période, alors que l'augmentation de l'ONDAM avait été fixée à 2 % pour 2015, 1,8 % pour 2016 puis 2,2 % pour 2017, des taux que chacun s'accorde aujourd'hui à considérer comme trop faibles. Cette trajectoire a été par la suite révisée à deux reprises : en 2019 avec le plan d'urgence pour l'hôpital, qui a relevé l'ONDAM à 2,5 %, puis en 2020, avant la crise, à 2,45 %.

Ces marges dégagées avant la crise ont été rejointes et dépassées par les conséquences d'un accord hors norme, tant par l'effort immense de concertation de tous les acteurs qu'il a nécessité que par ses conclusions. Le Ségur de la santé a conduit à une revalorisation sans précédent des rémunérations des personnels soignants et non soignants à l'hôpital comme dans les établissements médico-sociaux, à hauteur de 9 milliards d'euros, ainsi qu'à une politique d'investissement tout aussi massive, de 19 milliards d'euros, reposant sur 6 milliards d'euros de crédits liés à France relance et 13 milliards d'euros de reprise de dette. De tels chiffres engagent, tant vis-à-vis des bénéficiaires de ces mesures que de la nation, qui sera amenée à moyen terme à les assumer financièrement de manière plus directe. C'est pourquoi la surenchère, voire l'hypersurenchère, à laquelle il peut être si facile de se livrer sur certaines estrades, est profondément décalée au regard de ces montants inédits.

Sur le plan des organisations, la loi de financement pour 2018 a mis en place un cadre particulièrement ambitieux concernant les expérimentations : les fameuses expérimentations prévues par son article 51. Ce PLFSS voit arriver les premières généralisations d'expérimentations, avec l'entrée dans le droit commun de l'expérimentation « Retrouve ton cap » pour lutter efficacement contre l'obésité infantile. Le recours à la télémédecine a été encouragé, à l'instar de la télésurveillance dont l'article 24 prévoit la prise en charge dans le droit commun.

La dynamique de transformation est aussi particulièrement visible dans le secteur des produits de santé. La loi de financement pour 2021 a permis une refonte totale des autorisations temporaires d'utilisation. Les articles 33 et 36 du présent projet de loi poursuivent dans cette lancée en créant l'accès direct pour les médicaments et la prise en charge anticipée pour les dispositifs médicaux numériques. Ce sont donc des changements très profonds qui sont à l'œuvre et devront être poursuivis au service d'une sécurité sociale plus efficace pour l'ensemble des acteurs et, en tout premier lieu, pour les assurés.

Dans le cadre de cette ambition réformatrice pour la sécurité sociale, les plus fragiles ont occupé une place toute particulière, en matière de santé, d'autonomie comme de retraite. Afin de mieux couvrir les frais de santé de tous, la loi de financement pour 2019 a permis de fusionner la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et l'aide au paiement d'une complémentaire santé en un nouveau dispositif : la complémentaire santé solidaire (C2S). Le présent texte renforce le caractère protecteur de ce dispositif en prévoyant son attribution systématique aux bénéficiaires du RSA et la facilitation de son attribution aux bénéficiaires du minimum vieillesse. Ce faisant, la sécurité sociale, transformée par cinq lois ou projets de loi de financement aura continué d'œuvrer à ce qu'elle a de meilleur : diminuer, dans le contexte social et économique qui lui est propre, l'incertitude du lendemain.

Ce bilan, nécessairement partiel, oublierait toutefois une de ses composantes les plus importantes s'il ne rappelait ce que ces cinq années ont apporté à l'exercice de la LFSS. Les heures de débats au sein d'une commission des affaires sociales plus investie que jamais dans son rituel budgétaire et au cours de séances souvent passionnées – et donc passionnantes – témoignent naturellement de sa place incontournable parmi les travaux parlementaires. La force et la sincérité de notre investissement commun ont justifié deux initiatives qui méritent d'être soulignées. Il s'agit d'abord de la création et de l'approfondissement d'un Printemps social de l'évaluation permettant aux commissaires, et plus particulièrement aux rapporteurs de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), de confronter les objectifs de mesures votées en LFSS à la réalité de leur application sur le terrain.

Il s'agit ensuite des textes organique et ordinaire de mon initiative, destinés à revoir le cadre des lois de financement. Outre des changements importants du contenu des lois de financement et de ses annexes informatives, le nouveau schéma proposé pourrait radicalement modifier nos conditions d'examen. Nous disposerions en effet au printemps d'une loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale nourrie d'annexes qualitatives et enrichissant ainsi potentiellement les travaux actuels du Printemps social de l'évaluation. Nous profiterions surtout d'une date de dépôt du projet de loi de financement et de ses annexes anticipée au 1er octobre, sur le modèle du projet de loi de finances, ouvrant la voie à un délai supplémentaire pouvant aller jusqu'à dix jours pour garantir le respect de la qualité et de la sincérité des débats parlementaires.

Je crois en effet sincèrement que c'est par l'amélioration de nos débats que les politiques de sécurité sociale sortiront grandies. Je pense pouvoir dire qu'au-delà de nos désaccords légitimes sur les orientations à prendre, nous nous retrouvons tous dans la volonté sincère de transmettre à nos enfants une sécurité sociale solide, protectrice et humaine.

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