Avant de m'exprimer sur le fond, je tiens à exprimer, au nom de l'ensemble du groupe UDI-I, le désarroi que nous ressentons face aux conditions d'examen de ce texte : 70 % de nos amendements ont été déclarés irrecevables. Faut-il que nous nous habituions à ce que les trois quarts des amendements déposés soient désormais déclarés irrecevables ? À ce que l'on n'accorde que vingt-quatre heures à nos débats en commission ? Pour le Président de la République, la réponse semble sans équivoque. En effet, il a réitéré son intention de restreindre le droit d'amendement des parlementaires lors des états généraux de la justice. C'est pourtant un droit légitime. La méthode est peu respectueuse du travail de la représentation nationale.
Venons-en au fond : nous constatons avec inquiétude que les comptes de la sécurité sociale se maintiennent à un niveau de déficit jamais atteint auparavant, 34 milliards d'euros, tandis que la dette sociale culmine, elle, à 166 milliards d'euros. Les comptes sociaux restent donc très marqués par la crise sanitaire mais il n'est, pour l'heure, envisagé de faire aucun choix budgétaire, aucune réforme structurelle pour retrouver, à terme, l'équilibre.
On ne peut raisonnablement faire reposer les politiques publiques d'aujourd'hui sur la dette. Sans réforme structurelle, vous laissez le soin aux générations futures de payer pour les dépenses d'aujourd'hui. C'est d'ailleurs la position de la Cour des comptes dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale : « Faire revenir les comptes sociaux à l'équilibre est indispensable afin que les prestations sociales d'aujourd'hui cessent d'être en partie financées par l'emprunt, et donc par les générations futures ».
Ceci est d'autant plus paradoxal que le Président de la République disait encore, il y a quelques années, que « la dette, c'est l'impôt au carré ». Même chose pour Édouard Philippe, il y a quelques jours, qui prône désormais le rétablissement de l'ordre dans les finances publiques.
Notre groupe n'a eu de cesse de vous proposer des pistes d'économies pour retrouver le chemin de l'équilibre des comptes sociaux.
Il s'agit, premièrement, de la lutte contre la fraude aux prestations sociales. Un chapitre entier du texte lui est consacré mais il ne contient qu'un seul article. Nous vous invitons à vous référer aux propositions de l'excellent rapport que mes collègues Pascal Brindeau et Patrick Hetzel ont publié à la suite d'une commission d'enquête.
Comment ne pas être alarmé lorsque l'on constate que l'écart entre le nombre de cartes Vitale actives et le nombre de personnes pouvant bénéficier de ces droits se chiffrerait en millions ? Comment ne pas être interpellé lorsqu'on lit des faits divers montrant que des réseaux de fraude sont organisés de manière récurrente – deux familles roumaines ont ainsi constitué plusieurs centaines de faux dossiers d'autoentrepreneurs afin de percevoir indûment des indemnités, détournant 1,7 million d'euros de prestations ! Selon le rapport, ce sont plusieurs dizaines de milliards d'euros qui pourraient aller vers ceux qui en ont vraiment besoin.
Enfin, souvenons-nous que vous aviez rejeté la proposition de loi de notre collègue Patrick Hetzel sur l'établissement d'une carte vitale biométrique alors qu'il n'a fallu que trois mois pour établir le QR code du passe sanitaire.
Deuxièmement, une politique de santé publique davantage tournée vers la prévention permettrait de sortir d'une logique exclusivement curative, moins avantageuse tant d'un point de vue médical qu'économique. Nous comptions vous proposer une série d'amendements afin de développer le recours au dépistage mais nous ne pourrons pas en parler parce qu'ils sont, eux aussi, irrecevables.
Troisièmement, nous devons réussir le virage domiciliaire. Recevoir les soins chez soi plutôt qu'en établissement, mettre l'accent sur l'autonomie autant que possible et le plus longtemps, c'est ce à quoi aspirent nos concitoyens. En plus de favoriser la qualité de la prise en charge et d'assurer au patient la sérénité de son domicile, cette solution est pourvoyeuse de formidables économies pour l'assurance maladie.
Pour moderniser notre système de santé, il nous faut réinterroger l'ONDAM comme nous vous le proposons depuis plusieurs années maintenant.
Notre groupe milite pour l'instauration d'un ORDAM – objectif régional des dépenses d'assurance maladie – sous la forme d'un ONDAM décentralisé auprès des régions. Le Gouvernement serait chargé d'établir des lignes directrices afin d'assurer à chacun de nos concitoyens un égal accès aux soins, à charge ensuite pour les régions d'adapter, territoire par territoire, les politiques de santé. Notre système de santé ne peut s'articuler indistinctement, que l'on se trouve en Occitanie ou dans les Hauts-de-France ! Ayez confiance dans les territoires : ils sont responsables et connaissent les problématiques locales.
Notre groupe demande la pluriannualité de l'ONDAM pour une plus grande visibilité à moyen terme des politiques de santé. C'est d'ailleurs ce qu'évoque la Cour des comptes dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, et c'est ce que demandent toutes les associations, tous les syndicats, tous les organismes que nous avons pu rencontrer. Les acteurs de la santé ont besoin d'une plus grande visibilité. Projetons-nous durablement vers l'avenir !
Notre groupe plaide aussi pour que l'on se concentre davantage sur la pertinence des soins et la qualité de la prise en charge plutôt que sur la seule croissance de l'ONDAM. Nous ne considérons pas que la hausse continuelle de la dépense du système de santé soit le seul indicateur de l'amélioration de la santé publique.
De récents graphiques de l'OCDE démontrent que « dans les hôpitaux français, 405 600 personnes œuvrent à des tâches autres que médicales, soit 54 % de plus qu'en Allemagne, dont la population est pourtant près de 25 % supérieure à celle de la France ». Restituons du temps médical aux médecins en favorisant l'accès direct et en simplifiant considérablement leurs tâches administratives. Tous les acteurs de la santé que nous avons rencontrés nous ont dit combien ils avaient gagné en souplesse durant la crise sanitaire et la crainte qu'ils ont de sentir de nouveau le poids de l'administration sur leurs épaules.
Une telle réflexion sur le système de santé doit être définie autour de grandes priorités, et l'une d'elles est assurément l'accès de tous les citoyens aux soins, quel que soit leur lieu de vie : c'est la lutte contre les déserts médicaux.