Intervention de Philippe Naillet

Séance en hémicycle du jeudi 21 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Naillet :

Ce que le présent nous enseigne, c'est que les inégalités en matière de santé persistent. Le taux de mortalité évitable des hommes est deux fois plus élevé dans les Hauts-de-France et en Bretagne qu'en Île-de-France ; l'espérance de vie des 5 % les plus aisés dépasse de treize ans celle des 5 % les plus pauvres. Les écarts sont encore plus importants entre l'Hexagone et les territoires ultramarins, en particulier La Réunion, qui ont connu avant même le covid de graves crises sanitaires : chikungunya, virus Zika, chlordécone, offensives régulières de la dengue. Le rapport Pittet du 18 mai 2021, fruit d'une mission indépendante nationale sur l'évaluation de la gestion de la crise covid-19 et sur l'anticipation des risques pandémiques, a émis à ce sujet des propositions, à commencer par la révision du plan « pandémie ».

En milieu insulaire, la question de la gestion des stocks est primordiale. Au plus fort de l'épidémie – vous le savez, madame la ministre déléguée –, nous avons conçu de grandes inquiétudes au sujet de l'approvisionnement de nos hôpitaux en oxygène. La présence médicale pose également problème outre-mer, où il peut être difficile, voire impossible d'accéder à un professionnel : il y a là des mesures d'encouragement à prendre. Il faut des médecins, des infirmiers, des assistants de service social dans l'éducation nationale, la prévention, la protection ! Le bien-être des jeunes scolarisés est nécessaire à l'apprentissage.

Nous sommes en 2021, et la question du coefficient géographique reste en suspens : je salue Olivier Serva et David Lorion, dont le rapport – il n'est pas le seul – a démontré la nécessité de le revaloriser. Du reste, demander cette revalorisation n'est pas demander l'aumône, puisque ce coefficient sert tout simplement à compenser les surcoûts que subissent les hôpitaux ultramarins. Ainsi, avant la crise, le mètre cube d'oxygène coûtait 0,50 euro à un CHU de l'Hexagone, contre 3,16 euros à La Réunion. Nous attendons d'ailleurs toujours que vous vous conformiez aux dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui obligeait le Gouvernement à remettre un rapport au Parlement sur ce sujet.

Nos systèmes de santé restent fragiles : vous le savez très bien. Selon une enquête de 2019, un Réunionnais sur dix s'estime en mauvaise ou en très mauvaise santé. Récemment, l'application de la loi dite Lurel du 3 juin 2013, concernant la teneur en sucre des aliments vendus dans les territoires ultramarins, est revenue dans l'actualité. Si les Français d'outre-mer absorbent davantage de sucre et de sel que les autres, ce n'est pas par tradition culturelle : les grands industriels de l'agroalimentaire, plus soucieux de leurs profits que de la santé des consommateurs, continuent d'inonder nos commerces de produits néfastes pour la santé. Les conséquences : surpoids, obésité, avec tout ce que cela implique au quotidien. Il y a deux fois plus de diabète à La Réunion qu'en métropole. Par manque de prévention et de promotion des actions en faveur de la santé, bon nombre de familles sont confrontées à des traitements lourds, qui n'empêchent malheureusement pas toujours les amputations ou les comorbidités périlleuses, par exemple lors de l'épidémie de covid.

Par ailleurs, dans ces territoires comme dans nombre d'autres, la santé mentale est trop longtemps restée le parent pauvre de la santé publique. Je me réjouis à cet égard des efforts résultant des assises de la santé mentale et de la psychiatrie : ils répondent en partie – je dis bien en partie – aux demandes que nous formulons depuis des années.

Nous rencontrons également toujours des difficultés pour établir les certificats de décès. Ce n'est malheureusement pas une surprise : nous avions fait une autre proposition que celle que vous avez retenue. Les heures, les jours d'attente cruelle pour les familles des défunts, contraintes de passer à répétition des appels sur les radios locales, continuent.

En revanche, nous saluons la gratuité de la contraception féminine pour les majeures de moins de 25 ans, ce qui permettra de diminuer le nombre de grossesses précoces – moins de 2 % des naissances en moyenne au niveau national, près de 6 % à La Réunion, 10 % en Guyane ou à Mayotte. Cette mesure ne sera d'ailleurs pas suffisante : il faut amplifier les moyens de prévention, comme le fait le lycée réunionnais Vue-Belle.

Le PLFSS, c'est aussi pour les territoires ultramarins la transformation des aides économiques attribuées en 2019. Les députés du groupe Socialistes et apparentés – mais pas seulement – souhaitent intégrer le bâtiment et les travaux publics à la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite LODEOM. Il s'agit de renforcer un secteur dont la situation, en 2019, était déjà la pire qu'il ait connue en une décennie. Même temporaire, cet outil favoriserait les entreprises et donc les emplois locaux, les infrastructures, surtout la réhabilitation et la construction de logements.

Par ailleurs, les plans d'apurement des dettes fiscales et sociales prévoient un délai trop court : trente-six mois. Compte tenu des difficultés déjà recensées fin 2019, il conviendrait de le rallonger, tant pour nos entreprises et nos emplois dans des territoires au taux de chômage bien plus élevé qu'en métropole – la moitié des Réunionnais entre 18 et 25 ans n'est ni employée ni en formation, soit la même situation qu'il y a dix ans – que pour les organismes sociaux et pour l'État. Dans l'intérêt de tous, nous espérons que vous serez favorables à cette mesure.

Nous avons ainsi déposé un certain nombre d'amendements, la plupart du temps sans beaucoup d'espoir, mais avec détermination, afin de faire entendre la voix de la France océanique.

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