Monsieur le ministre, je vous l'ai déjà dit en commission, les mises en doute évasives et non documentées et les menaces à l'égard d'enseignants qui, selon vous, ne respecteraient pas les valeurs de la République sont non seulement injustes, mais aussi insultantes pour une profession dont les attentes sont par ailleurs très fortes. L'implication des enseignants auprès des enfants dans une école publique chaque jour toujours plus abîmée par vos réformes autoritaires suffit à démontrer l'authenticité de leur engagement. Les suspicions formulées ne nous étonnent pas : elles sont dans la droite ligne de l'article 1er de la loi pour une école de la confiance, que nous avions dénoncé et qui vise à museler les professeurs.
Nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission "Enseignement scolaire " du dernier budget de la législature. Ils s'inscrivent dans la logique générale des précédents, celle de l'ère de la méritocratie où le théorème de Bercy s'applique en tous lieux : à savoir faire plus avec moins – et même faire mieux avec moins. Cela se concrétise par une augmentation du travail précaire, des suppressions d'emplois et la multiplication des heures supplémentaires.
Le budget de l'éducation n'échappe donc pas à cette logique, à ce théorème, étant entendu, monsieur le ministre, que vous avez été formé à la meilleure école de casse du service public de l'éducation, celle de Nicolas Sarkozy, sous la présidence de qui près de 80 000 postes d'enseignant avaient été supprimés sans jamais être recréés ensuite. Depuis votre arrivée rue de Grenelle, ce sont près de 8 000 emplois d'enseignant qui ont été supprimés, et ce dans un contexte de hausse très soutenue du nombre d'élèves.
Par ailleurs, si les crédits de la mission "Enseignement scolaire " sont en augmentation de 1,7 milliard d'euros pour 2022, une partie de cette hausse est destinée à honorer des mesures prises avant 2017. Sur cette somme, seuls 400 millions d'euros concernent la revalorisation des personnels, et non 700 millions comme vous l'affirmez. Ainsi, malgré la grave crise sanitaire et sociale que nous traversons et malgré les alertes répétées qui ont fait suite à la fermeture des écoles pendant le confinement, particulièrement dans les quartiers populaires, seuls 50 emplois sont créés dans l'enseignement – sachant que 470 sont supprimés dans un second degré décidément maltraité lors de chaque projet de loi de finances.
Vous répétez à l'envi qu'il faut faire du primaire la priorité, mais prioriser n'est pas léser le secondaire, or c'est bien ce que vous faites. À cet égard, nous pourrions revenir longuement sur le fait qu'accorder la priorité au primaire pourrait passer par d'autres mesures que le dédoublement des classes de CP et de CE1, qui a été réalisé au détriment de nombreux autres dispositifs.
Je le dis chaque année, je le répète à nouveau : ce budget se réfugie derrière le dédoublement des classes de CP et CE1, alors que les suppressions de postes se multiplient dans le second degré et que les heures supplémentaires et l'exploitation des stagiaires sont présentées comme la panacée qui remédiera au manque d'adultes dans les écoles.
À titre d'exemple, vous soutenez que le passage à temps complet des stagiaires permettra de dégager des moyens d'enseignement. C'est vrai : un stagiaire à mi-temps qui passe à temps plein crée des heures d'enseignement en plus. Mais est-ce la même chose qu'une création d'ETP qui induirait la présence d'un enseignant formé devant les élèves, enseignant formé qui, à son tour, formerait un stagiaire ? Non !
Il en va de même de la multiplication des heures supplémentaires, qui oblige un nombre croissant de professeurs à travailler plus dans l'illusion de gagner davantage. Cette politique reprend une ritournelle que vous connaissez bien : travailler plus pour gagner plus. Or les enseignants n'en peuvent plus de vous le rappeler, les heures supplémentaires ne constituent pas une revalorisation salariale : c'est la revalorisation du point d'indice qu'ils exigent.
L'analyse de l'exécution budgétaire de l'exercice 2019 montre d'ailleurs que les heures supplémentaires annualisées programmées n'ont pas été totalement consommées, car les enseignants n'en peuvent plus de pallier les carences d'un système à bout de souffle. J'insiste : alors que nous manquons d'adultes dans les écoles, les emplois supprimés n'ont pas été compensés. Tout cela pèse lourd aussi bien sur les conditions d'étude des élèves que sur les personnels, qui en plus de voir les effectifs des classes augmenter voient leur pouvoir d'achat baisser.
J'ajoute que ce budget n'évoque jamais la crise de la vocation que traverse le métier d'enseignant : en une décennie, le nombre de démissionnaires a plus que triplé. Face à ce constat, aucune politique ambitieuse de recrutement n'est menée. Le budget pour 2022 ne garantit pas une élévation du niveau de recrutement, ne répond pas à l'exigence d'un prérecrutement qui assurerait une véritable formation aux futurs personnels et ne crée pas non plus un statut d'élève-fonctionnaire, qui serait un préalable au passage des concours d'enseignant. Pire encore, des écoles privées sont désormais intégrées à l'expérimentation des contrats locaux d'accompagnement.
Pour ces nombreuses raisons, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne votera pas les crédits de la mission "Enseignement scolaire" .