Vous revenez là sur un problème très grave, qui a beaucoup prêté à confusion dans le débat public : j'en profiterai pour rétablir quelques vérités essentielles.
Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une question de souveraineté. La Pologne, comme tous les membres de l'Union européenne, est et demeurera un État souverain. On entre dans l'Union parce qu'on le choisit, par référendum dans le cas de la Pologne ; bien que je ne le souhaite à personne, on peut en sortir à tout moment, comme le Brexit nous en a malheureusement fourni l'illustration. Tant que l'on fait partie de cette famille et de ce projet politiques, on participe à l'intégralité des prises de décision. Ne confondons pas les choses : nul ne conteste sa souveraineté à la Pologne, non plus qu'à aucun autre État membre.
Ensuite, la primauté du droit européen, que vous avez évoquée, a également été en quelque sorte mise à toutes les sauces. Son principe est pourtant très simple : pour qu'un projet politique partagé puisse durer, chacun doit respecter les règles fixées en commun. Il s'agit donc non pas d'une folie technocratique, mais de la condition même d'existence du projet européen. Que chaque juge fasse respecter la Constitution de son pays relève de l'évidence : lorsque des points de contestation surgissent, c'est le moment de ce que l'on appelle le dialogue des juges, que nous avons connu partout. En revanche, jamais encore une juridiction n'avait remis en cause l'existence même de l'Union européenne, le fonctionnement même de sa Cour de justice : or c'est bien cela qui est en jeu en Pologne. Il convient donc de ne pas être timide ou de ne pas renier ses convictions quand le vent géopolitique ou électoral souffle vers d'autres cieux.
Soyons clairs : nous maintenons le dialogue avec la Pologne et, à l'occasion du Conseil européen de la semaine dernière, nous nous sommes montrés très précis concernant le fait que, si aucun recul de sa part n'était enregistré, si les échanges n'aboutissaient pas, des procédures juridiques ou politiques, y compris in fine en matière budgétaire, pourraient être engagées à son encontre. Il s'agit non pas de combattre un pays ou un peuple, mais de lutter pour les valeurs européennes que nous devons défendre sans faiblir.