Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du mardi 26 octobre 2021 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Nous avons à nous prononcer aujourd'hui sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Il comporte de bonnes mesures et nous les avons votées, mais il y a aussi tout ce qui manque et, comme souvent, le Gouvernement semble faire mais fait surtout semblant. Il nous faut dissiper plusieurs écrans de fumée.

Le premier est financier. C'est pourtant le cœur d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale. L'absence de stratégie en matière de finances sociales est fort loin des propos tenus notamment par le ministre délégué chargé des comptes publics ici présent, qui indiquait il y a quelques semaines qu'un redressement des comptes via, entre autres, une réforme des retraites, serait nécessaire. Mais rien de tel n'apparaît dans ce PLFSS. Vous masquez d'évidence des mesures futures qui seront sans aucun doute particulièrement violentes, réservant à vos successeurs les mauvaises nouvelles – ou bien les mauvais coups à porter si vous pensez vous succéder à vous-mêmes.

En outre, vous ne revenez pas sur le choix injuste de confier à la CADES la dette covid, ce qui ne vous empêche pas d'augmenter les impôts pour tous, y compris pour ceux que nous avons applaudis à vingt heures. Or, pour redresser les comptes de ce trésor public qu'est notre sécurité sociale, nous avons pourtant formulé de nombreuses propositions, notamment relatives à la taxation du capital pour instaurer un peu de justice fiscale, mais vous les avez toutes refusées au nom de la stabilité fiscale – une pudeur dont vous n'aviez pas fait montre lorsqu'il s'est agi de baisser la fiscalité applicable aux industriels du médicament. Il y a là évidemment un double discours.

Le deuxième écran de fumée, c'est la mise en œuvre en matière d'investissements du Ségur de la santé. Vous avez annoncé, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, 19 milliards pour l'hôpital public, que nous ne retrouvons pas dans ce texte. Où sont les 13 milliards de reprise de la dette hospitalière ? Zéro budgété en 2021, alors que, je vous le rappelle, nous avions proposé cette reprise dès le PLFSS pour 2019 et que la représentation nationale n'est toujours pas informée de l'échéancier de reprise de la dette jusqu'en 2031. Et où sont les 6 milliards d'investissement ? Selon nos calculs, en retirant les investissements déjà consentis avant le Ségur et ceux relatifs au numérique, vos efforts réels pour 2022 à destination des personnels et des patients se monteront seulement à 870 millions d'euros. Enfin, si vous élargissez la portée des mesures salariales du Ségur, une décision nécessaire que nous saluons, c'est sans rétroactivité et surtout sans stratégie globale pour l'attractivité des métiers de la santé et du médico-social, ce qui m'amène à me faire le relais de nombreuses voix inquiètes : comment comptez-vous réarmer l'hôpital public en personnels soignants ?

Votre politique en matière de santé constitue un troisième écran de fumée. Dès lors que notre système de santé est au bord de la rupture, que les inégalités d'accès aux soins explosent et que l'écart d'espérance de vie en bonne santé entre les hyperurbains et les hyperruraux se creuse, que celui entre un cadre et un ouvrier continue d'être béant, vos efforts demeurent modestes. Certes, vous avez accordé la gratuité de la contraception aux femmes de moins de 25 ans – une bonne nouvelle –, mais vous savez bien que le taux de non-recours est identique pour les femmes jusqu'à 35 ans. Et si vous avez procédé à des aménagements pour les tâches effectuées par les orthoptistes, vous n'avez pas pris de mesures utiles et définitives s'agissant des déserts médicaux, en dépit des propositions sur le conventionnement sélectif et sur le conventionnement territorial, que mon collègue Guillaume Garrot ne cesse depuis 2017 de porter au débat dans cet hémicycle. La comparaison des crédits consommés en 2021 par rapport à ceux prévus en 2022 montre que vous réussissez à baisser l'ONDAM – même en incluant les dépenses de crise et les dépenses du Ségur – de 0,3 %, et que vous allez jusqu'à proposer une hausse de 0,5 % du sous-ONDAM hospitalier, inférieure donc à l'inflation, et une baisse draconienne du sous-ONDAM consacré aux soins de ville de 2,3 %.

Nous avons également à déplorer le fait que vous ayez saupoudré votre texte d'une ou deux mesures sociales pour masquer votre inaction devant la hausse des inégalités. Vous proposez ainsi d'automatiser l'attribution de la complémentaire santé aux allocataires du RSA, tout en refusant de lutter contre le non-recours au RSA qui touche un allocataire potentiel sur deux, et vous en refusez surtout, en plein cœur de cette crise, le bénéfice aux jeunes de moins de 25 ans. De même, si vous généralisez l'intermédiation des pensions alimentaires – une bonne chose –, vous en ignorez les effets de bord et les situations dans lesquelles le paiement de ces pensions ampute le pouvoir d'achat des familles concernées.

En conclusion, vous l'aurez compris, en dépit d'un certain nombre de mesures que nous avons soutenues et saluées au cours du débat parlementaire, le groupe Socialistes et apparentés ne peut pas voter ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.