Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du mardi 26 octobre 2021 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Nous voilà réunis pour le vote, en première lecture du dernier budget de la sécurité sociale avant les élections. Où en sommes-nous quatre ans et demi après votre accession au pouvoir ? Rendons à César ce qui est à César : de PLFSS en PLFSS nous avons vu des augmentations. Il y a eu, en particulier, l'augmentation constante des amendements jugés irrecevables.

Alors qu'en 2018 Emmanuel Macron pérorait devant des soignants inquiets et exténués leur expliquant qu'il n'y avait pas « d'argent magique », la crise de la covid-19 a montré avec fracas les lacunes de la stratégie gouvernementale : manque de matériels essentiels, pénuries de médicaments et de personnels toujours plus graves chaque année, conditions de travail indignes, insuffisance du nombre de lits… Bilan du mandat ? Au total, 13 300 lits d'hospitalisation fermés, dont 5 700 en pleine pandémie ! Votre excuse consistant à expliquer que vous avez fermé les chambres doubles ne fonctionne pas, puisque nous avons ouvert des lits de réanimation.

En quatre ans, 4 milliards euros d'économies ont été réalisées sur les hôpitaux, et 8 milliards sur le dos de l'assurance maladie durant les deux premières années de la législature. Le Conseil scientifique lui-même annonce qu'à l'échelle nationale, 20 % des lits sont fermés faute de personnels. Seuls 23 % des internes voient leur avenir à l'hôpital public, tandis que 26 % des postes de praticiens hospitaliers ne sont pas pourvus. Dans le même temps, vous n'avez eu de cesse de saboter les fondements même de notre système de sécurité sociale en déclarant la guerre aux cotisations. Vous les allégez : 74 milliards sont ainsi retirés à la sécurité sociale, et 34 milliards à l'assurance maladie. Combien de vies perdues et de santés gâchées à cause des restrictions budgétaires ?

Cette année, les restrictions sur la santé perdurent malgré des chiffres qui paraissent en hausse. Vous pouvez dire merci à l'inflation et à la pandémie ! Tout cela fait dire à un professeur d'économie de Paris 8 que la pandémie a fait exploser les coûts de façon conjoncturelle mais que, sur le plan structurel, la logique n'a pas changé. Malgré le Ségur, ajoute-t-il, la politique de fermeture de lits continue.

Du côté de la branche autonomie, l'indigence du budget prévu persiste. Comment osez-vous traiter ainsi 3 millions de personnes âgées en perte d'autonomie et les 830 000 professionnels qui les accompagnent ? Nous avons dénoncé la maltraitance institutionnelle durant tout le mandat. Par son inaction, le Gouvernement est désormais coupable de maltraitance.

Au minimum, il conviendrait d'abonder la branche autonomie d'un point de PIB supplémentaire si nous voulions prendre en charge correctement nos personnes âgées en perte d'autonomie, et répondre à l'augmentation de leur nombre. Ne me dites pas que c'est impossible ! La famille Bernard Arnault – ce dernier étant ami intime d'Emmanuel Macron – a gagné, à elle seule, 60 milliards d'euros en un an, soit l'équivalent de trois points de PIB !

L'indécence des mesures que vous proposez ne choque pas que sur les bancs de la gauche. Le secteur public et associatif est exaspéré. Les seuls à se dire satisfaits de vos mesures en matière de perte d'autonomie sont la Fédération française des services à la personne et de proximité (Fédésap) et le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (SYNERPA), c'est-à-dire les syndicats du secteur privé lucratif qui bénéficieront largement de la détérioration du secteur public et de la mise en place d'un système à l'américaine, à la fois inefficace et injuste. Jamais, jamais nous ne cautionnerons un tel système.

Mais toucher au porte-monnaie des profiteurs de crise, c'est visiblement en dehors de vos compétences, et surtout, de votre volonté. Il est tellement plus simple de voler les ménages déjà précaires, pourquoi s'en priver ? Les seuls gagnants de cette ruine de notre système social sont les cliniques privées et les EHPAD privés lucratifs : ORPEA, Ramsay Santé, Vivalto Santé, DomusVi, ELSAN, Korian, etc. Tous se font du beurre sur le dos de nos personnes âgées et des malades. Ce sont même nos impôts qui, par l'intermédiaire de la Caisse des dépôts, financent ces grands groupes. Jamais, pas une seule fois, je ne vous ai entendus vous en émouvoir. Pas une seule fois, vous ne vous êtes insurgés contre ces pratiques abjectes qui rendent petit à petit notre système de soins payant au bénéfice des actionnaires. Ambroise Croizat, le père de la sécurité sociale, doit se retourner dans sa tombe.

Alors que vous nous proposez le vote d'un budget qui s'inscrit dans la continuité austéritaire des années précédentes, vous avez même eu le cran de nous promettre des mesures austéritaires pour les années futures, notamment le recul de l'âge de départ à la retraite. Sous couvert de mesurettes sectorielles, nous devrions même vous féliciter. L'accès à la contraception pour les moins de 25 ans, c'est l'arbre qui cache la forêt que vous êtes en train de raser au bulldozer.

Vivement 2022, que nous soyons élus avec Jean-Luc Mélenchon…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.