Intervention de Michèle Tabarot

Séance en hémicycle du mardi 26 octobre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Tabarot, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères :

Ce dernier budget du quinquennat nous permet de faire un premier bilan de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire 2019-2025. Ce bilan tient en deux constats. Tout d'abord, l'exécution est jusqu'ici conforme à la LPM, même si les réserves sont importantes. Ensuite, le plus dur reste à faire pour garantir le respect de la LPM jusqu'en 2025.

Rappelons, pour commencer, que les budgets de la défense pour 2019, 2020 et sans doute 2021 ont suivi la trajectoire de la LPM. Le projet de budget pour 2022 respecte, lui aussi, la programmation. Les principaux enjeux d'avenir sont pris en compte, des livraisons importantes sont prévues et l'effort en matière d'entretien des équipements va se poursuivre. Des inquiétudes demeurent toutefois quant au financement des OPEX – cela vient d'être évoqué –, au service de santé des armées, confronté à une pénurie de médecins, et aux livraisons de petits équipements, dont les cibles ne sont pas atteintes.

S'agissant de l'avenir, il nous faudra consentir des efforts bien plus difficiles encore au cours des prochaines années. Cette situation résulte des choix, assumés ou non, du Gouvernement. Au titre des choix assumés, il y a celui de reporter l'essentiel de l'effort au prochain quinquennat. À partir de 2023, la hausse des crédits devrait représenter 3 milliards d'euros par an. La marche sera donc deux fois plus haute, et rien ne garantit qu'elle sera franchie. Nous aurions préféré une augmentation progressive du budget de la défense, mais nous n'avons pas été entendus. Je le déplore parce que, comme l'a souligné le Sénat, nos armées avaient la capacité d'absorber des hausses plus importantes.

J'en viens aux choix non assumés du Gouvernement. Cela a été dit, contre toute attente, l'actualisation de la LPM en 2021 n'a pas pris la forme d'une loi. Nous y voyons, une fois de plus, l'illustration de la défiance du Gouvernement à l'égard du Parlement. Cette actualisation est insuffisante, l'ensemble des surcoûts n'étant pas pris en compte.

S'agissant de l'export, les contrats conclus avec nos partenaires européens constituent une bonne nouvelle, mais les équipements vendus seront prélevés sur nos contingents. En clair, nous allons déshabiller nos armées pour vendre des avions de chasse et des navires à la Croatie et à la Grèce. Nos frégates seront livrées avec des mois de retard. Nous aurons aussi moins de Rafale que prévu.

Ces ruptures capacitaires sont inacceptables. Madame la ministre, vous avez parlé d'une nouvelle commande de Rafale pour compenser ces ventes. Nous vous demandons de la confirmer sans délai, de nous donner un calendrier précis et de mettre tout en œuvre pour accélérer les livraisons. Nous ne pouvons plus demander à nos militaires de préparer des conflits de haute intensité avec les armes d'hier ! Sur ce point, le Sénat a été clair : la LPM est évidemment affectée par les ventes qui ne sont pas prises en compte dans l'actualisation. Vous avez retenu un périmètre de 1 milliard d'euros ; le Sénat l'estime en réalité à 8,6 milliards. Avec cette sous-évaluation, vous faites le choix de ne pas assumer. Vous annoncez quelques reports de programmes et vous renvoyez de fait les arbitrages difficiles à après 2022. J'espère que la future majorité saura prendre ses responsabilités et adoptera une véritable loi d'actualisation. C'est un impératif de sincérité que nous devons à nos armées et à nos soldats.

Je veux, pour conclure, évoquer l'opération Corymbe, à laquelle j'ai consacré une partie de mon rapport pour avis. Elle a pour théâtre le golfe de Guinée, c'est-à-dire la zone maritime la plus dangereuse au monde. Les trafics et la piraterie y ont atteint des niveaux alarmants : ils ont des conséquences pour les États côtiers, mais aussi pour nos intérêts dans la région. La marine nationale mène une action déterminante pour protéger la zone par une présence de 330 jours par an. Pour espérer mettre fin à l'insécurité dans cette zone, il faudrait renforcer nos efforts, en privilégiant l'envoi de bâtiments dotés de moyens aéroportés et en convainquant les pays riverains d'accepter l'emploi d'équipes de protection embarquées à bord des navires. Alors que l'instabilité persiste au Sahel, notre présence dans le golfe de Guinée doit se renforcer pour éviter un élargissement du front.

La commission des affaires étrangères s'est prononcée en faveur des crédits de la mission "Défense" . Pour ma part, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, je ferai le choix de l'abstention lors du vote.

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