Intervention de Jean-Jacques Ferrara

Séance en hémicycle du mardi 26 octobre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

L'armée de l'air et de l'espace expérimente quotidiennement le durcissement de l'environnement stratégique. Au Levant, par exemple, les Rafale évoluent dans un environnement de plus en plus contesté, en raison de la présence croissante d'acteurs et de systèmes russes, turcs ou iraniens.

Aujourd'hui, c'est bien à l'hypothèse d'un conflit de haute intensité qu'il faut nous préparer, y compris dans le cadre d'un affrontement entre puissances étatiques. En témoignent les tensions qui persistent en Méditerranée orientale, comme les menaces à peine voilées de la Chine, dont la presse nous apprend qu'elle aurait testé une arme hypersonique. Je n'oublie pas la Russie, qui continue de déployer régulièrement des avions à long rayon d'action au large de nos côtes. La chasse a déjà décollé à six reprises, cette année, afin d'intercepter et d'escorter de tels appareils.

Dans ce contexte, la France s'est livrée à quelques exercices de démonstration de puissance aux quatre coins du globe. Le déploiement d'un Reaper en Méditerranée centrale, au printemps dernier, l'exercice Rhéa en Méditerranée orientale et la mission Heifara en Polynésie française ont démontré notre capacité à protéger nos concitoyens rapidement et partout dans le monde. Aujourd'hui, il ne faut donc plus nous atteler à construire une armée de temps de paix, mais bel et bien une armée de temps de guerre. Et malgré quelques motifs de satisfaction à mettre à votre crédit, madame la ministre, je suis préoccupé. C'est pourquoi je m'abstiendrai sur le vote des crédits de la mission.

Ma première inquiétude porte sur le respect de la trajectoire prévue par la LPM pour les dernières années de la programmation. Jusqu'à présent, nul ne peut vous prendre en défaut, les engagements pris ont été tenus. Mais chacun sait que l'essentiel de l'effort financier porte sur les dernières années de la programmation, et je crains que nos marges budgétaires, éprouvées par la crise sanitaire, ne permettent pas d'augmenter encore de 3 milliards, l'an prochain, le budget de la défense.

Ma deuxième inquiétude a trait aux conséquences de l'ajustement annuel 2021 et de l'actualisation sur la trajectoire de la programmation. Plusieurs mesures coûteuses – et heureuses – ont été intégrées à la programmation par l'ajustement annuel de la programmation militaire. C'est notamment le cas des mesures du plan de soutien au secteur aéronautique ou de la commande des douze Rafale, que vous avez annoncée en début d'année. De nouvelles priorités ont aussi été définies par l'actualisation stratégique, parmi lesquelles la lutte antidrone.

Tout cela était nécessaire, mais l'addition se compte en milliards et nous ne savons toujours pas quelles économies ont été décidées pour les compenser. Nous avons toutefois récemment appris le retrait anticipé de l'ensemble de la flotte Transall. Les C-160 Gabriel étaient pourtant dotés de capacités de renseignement d'origine électromagnétique des plus performantes, auxquelles ne pourront pleinement se substituer nos satellites ou nos drones.

Aussi, j'aimerais que vous puissiez enfin nous dire quels autres renoncements ou ruptures capacitaires ont dû être décidés dans le cadre de l'actualisation.

Dans ce contexte, s'il est bien un point sur lequel nous devons être particulièrement vigilants, c'est l'aviation de combat, car celle-ci se trouve sous tension, à maints égards.

En premier lieu, son niveau d'engagement use prématurément les hommes et les matériels. Si la situation n'est pas aussi tendue qu'au plus fort de l'opération Chammal, une vingtaine d'avions de combat restent engagés en permanence sur les théâtres extérieurs. Ce surcroît d'engagement n'est pas sans incidence sur la préparation opérationnelle, d'autant que la chasse assure aussi les missions permanentes de posture nucléaire et de sûreté aérienne.

En deuxième lieu, la chasse souffre paradoxalement des succès remportés par le Rafale à l'export. Ces succès, s'il faut s'en féliciter, doivent aussi être compensés au plus vite, pour éviter d'accentuer le décalage entre la cible fixée par votre LPM et la réalité. Entre dix et vingt Rafale manqueront à l'appel en 2025 ; combien en manquera-t-il en 2030 ?

Le rehaussement capacitaire doit aussi porter sur les équipements de mission : pods, ROVER – Remote Operations Video Enhanced Receiver –, capteurs OSF – optronique secteur frontal –, MIDS – Multifunctional Information Distribution System – et lance-missiles sont en nombre ou en qualité insuffisants.

En troisième lieu, je m'interroge sur nos futurs avions de combat. Pas tant sur le système de combat aérien du futur, qui semble en bonne voie, mais sur l'avion qui le précédera, à l'horizon 2035. Ne baissons pas la garde sur les prochaines évolutions du Rafale, car avant de gagner la guerre en 2040, il faudra être en mesure de ne pas la perdre en 2030.

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