Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du mardi 26 octobre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Je veux moi aussi commencer mon propos – car je serai plus critique ensuite – en rendant hommage à nos armées. Parmi les quelques moments forts que j'ai vécus pendant ce mandat de parlementaire qui s'achève, figure notamment la visite que j'ai eu l'honneur de rendre aux troupes engagées dans l'opération Barkhane. J'y ai découvert leur courage, leur intelligence et leurs qualités humaines. Même si les travaux de la commission de la défense nationale et des forces armées ne sont pas toujours des plus passionnants, car les auditions y obéissent à des règles très codifiées par des auditions, il n'empêche que, chaque fois que nous avons affaire aux principaux responsables militaires du pays, nous constatons leur intelligence. La France dispose d'une armée de grande qualité. Là n'est pas l'objet de la critique que je vais porter.

Depuis que le débat s'est engagé, de nombreux chiffres ont été annoncés. C'est certes nécessaire – indispensable, même –, mais nos débats prennent trop souvent un aspect comptable. Nous faisons face, en cette année 2021, à un monde menaçant. Nous devons discuter non pas seulement de chiffres, mais aussi d'une vision : quel moment traversons-nous et que devons-nous faire ? Pour reprendre la phrase de Clausewitz déjà citée mille fois – pardon, c'est un peu cuistre –, « la guerre est le prolongement de la politique par d'autres moyens ».

Eh bien, de quelle politique le budget de la défense est-il le prolongement et la prévision ? Voilà ce que je demande à savoir en tant que parlementaire de la Ve République : nous devons discuter ici de ce que nous sommes en train de faire ailleurs ! Pour quelle raison nos armées sont-elles engagées dans tel conflit ou dans telle zone du monde ? De quelles alliances faisons-nous partie ? Pour combien de temps ? Voilà l'enjeu de la période actuelle !

Pourquoi une telle absence de réflexion collective ? Pourquoi faire de ces questions, en quelque sorte, la chasse gardée du Président, en vertu d'une tradition qui voudrait qu'on en discute uniquement à l'Élysée et jamais à l'Assemblée nationale ? Nous sommes les représentants du peuple. C'est à nous qu'il revient d'aborder ces discussions, et pas seulement par un biais comptable. Je déplore donc, une fois de plus, l'absence de réflexion stratégique et de réelle discussion sur ce thème dans le cadre parlementaire.

En cette année 2021, l'environnement stratégique a pourtant été bousculé, comme d'autres avant moi l'ont dit. La crise liée au covid a indiscutablement modifié les choses, tout comme la crise afghane.

Nous nous trouvons, au Mali, dans une situation que je qualifierai d'enlisement militaire. Chaque fois, nous nous sommes dressés unanimement pour rendre hommage aux soldats tombés. Cinquante-deux d'entre eux y sont morts, soit près de sept par an depuis huit ans. Pourquoi ? Pour combien de temps encore ? Cette discussion doit avoir lieu : nous la leur devons ! Pourquoi cela n'est-il pas possible ? Allons-nous partir ? Rester ? Quels sont nos objectifs ? Chacun sait que ce n'est pas un simple engagement militaire qui réglera les choses, mais bien une stratégie politique, que nos armées doivent accompagner. Nous voulons planifier notre retrait du Sahel, dans le cadre, bien entendu, d'une solution politique à négocier. Aucune épreuve militaire ne sera remportée sur le terrain si elle n'est pas accompagnée d'une réflexion politique. Où cette réflexion a-t-elle lieu ?

Nous sommes également engagés dans une alliance militaire : l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, fondée en 1949. Mais cette alliance n'intervient désormais plus seulement dans l'Atlantique ni d'ailleurs au Nord. Disons-le même clairement : les objectifs qui étaient les siens lors de sa fondation n'existent plus depuis la chute du mur de Berlin en 1989. C'est une alliance militaire placée sous la domination des États-Unis d'Amérique. Pourquoi faisons-nous partie du commandement intégré de l'OTAN ? Comment justifier notre appartenance à cette alliance permanente ? Quels sont nos objectifs ?

Nous réclamons, pour notre part, une politique indépendante. Nous devons engager la sortie de l'OTAN, d'autant qu'outre le fait que notre appartenance nous impose des alliances hasardeuses – je rappelle que la Turquie fait partie de l'OTAN et que nous sommes donc, aux termes du traité, tenus de faire preuve de solidarité envers ce pays belliqueux s'il venait à être agressé –, nous avons été humiliés dans le dossier des sous-marins australiens. Il est donc temps que la naïveté vis-à-vis de cette organisation et des États-Unis cesse.

Sur le fond – je serai bref au vu du peu de temps qu'il me reste –, vous présentez un budget à trous, les principales hausses de dépenses étant prévues après 2022, ce qui supposerait que la majorité actuelle soit reconduite. Le niveau de disponibilité des appareils reste trop faible, on déplore une insuffisance des moyens consacrés à la protection des zones maritimes et au service de santé des armées, et les soldats s'inquiètent du déploiement de la nouvelle politique de rémunération des armées.

Un dernier mot à propos des anciens combattants : même si je me félicite de la revalorisation du point de PMI, je constate qu'aucune réforme du mode d'indexation de la pension militaire d'invalidité n'est engagée. De la même façon, aucune réflexion n'a été menée concernant l'octroi de la demi-part fiscale aux veuves de guerre dont le mari est décédé avant l'âge de 65 ans.

Pour toutes ces raisons, et d'abord pour la méthode employée, le groupe de la France insoumise votera contre ces crédits.

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