L'échec. Nous examinons aujourd'hui les crédits d'un échec : celui de la politique migratoire, qu'il s'agisse de la lutte contre l'immigration irrégulière, de l'asile ou de l'intégration.
Ce projet de budget est le cinquième et dernier de la législature, c'est celui du bilan. Les crédits de la mission progressent de 73 % entre 2017 et 2022 pour s'établir à 1,9 milliard en 2022. Les crédits dédiés à l'asile au sein du programme 303 représentent 69 % des dépenses de la mission et progressent de 67 % dans le même intervalle. Les crédits du programme 104 dédiés à l'intégration et à l'accès à la nationalité française représentent 23 % des crédits de la mission et progressent de 82 %. Les crédits dédiés à la lutte contre l'immigration illégale ne représentent que 7,5 % des crédits de la mission même s'ils progressent de 54 % entre 2017 et 2022. Quant aux crédits strictement dédiés à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, 36 millions, et à la préparation du retour dans les pays d'origine, 9 millions, ils ne représentent que 2,4 % des crédits de la mission.
Mais il n'y a pas que les crédits qui progressent ! Le nombre de demandeurs d'asile prévisionnel pour 2022 est de 147 700, soit une progression entre 2017 et 2022 de presque 50 % des demandes annuelles d'asile. Le nombre total de personnes se maintenant sur le territoire national en infraction au regard du droit de séjour progresse également, y compris les personnes qui devraient être expulsées d'urgence en raison des troubles à l'ordre public qu'elles créent ou des divers actes délictuels ou criminels qu'elles commettent. La multiplication d'agressions commises par des étrangers en situation irrégulière, comme tout récemment encore contre des forces de l'ordre en métropole et des élus à Mayotte, en témoigne. Il n'y a guère que le nombre d'exécution des OQTF – obligations de quitter le territoire français – qui baisse.
La législature qui s'achève aura essentiellement été marquée par un important effort au bénéfice des conditions d'accueil des réfugiés, aux conditions d'hébergement des demandeurs d'asile et aux conditions d'hébergement en rétention administrative. Il s'agit, en quelque sorte, d'une législature de mise à niveau aux normes européennes en matière d'accueil et d'hébergement. La maîtrise de nos frontières et des flux clandestins n'aura jamais été une priorité. Comme le plus illustre des dirigeants français assumait tout, de Clovis au Comité de salut public, je suis convaincu que le ministre de l'intérieur assume tout de 2017 à 2022, quand bien même il n'est responsable de la mission que depuis l'année dernière.
Une politique en échec malgré une forte progression des moyens financiers de la mission : cette appréciation formulée par le groupe Les Républicains est partagée par une large majorité des Français. Cet échec trouve sa source dans un manque de cohérence et de résolution contre trois fléaux : le détournement massif du droit d'asile, qui mobilise la majorité des crédits de la mission, l'instabilité induite par le « en même temps » des orientations de la politique migratoire et le capharnaüm européen en matière de politique de maîtrise des frontières.
D'un point de vue budgétaire, les trois programmes de la mission ne représentent que 28 % des moyens engagés par l'État en matière migratoire et d'intégration. Aussi est-il nécessaire de renforcer la mise au diapason des dix-sept programmes qui concourent à la politique transversale. La coordination interministérielle autour d'une orientation claire, ferme et stable dans le temps fait défaut. Les récentes tensions diplomatiques sur la question des laissez-passer consulaires en témoignent.
Néanmoins, je note, sous ce ministère, une forte inflexion. Les annonces de M. Darmanin lors de son déplacement à Mayotte, il y a deux mois, vont clairement dans le bon sens. Enfin, une politique cohérente semble poindre. Ainsi, une efficacité dans la maîtrise des flux migratoires peut être espérée. Mais je suis impatient de vous voir transformer vos paroles en actes dans les meilleurs délais et je vous encourage à élargir les mesures envisagées pour Mayotte à l'ensemble du territoire national. Je pense notamment à nos compatriotes calaisiens, pour paraphraser notre excellent rapporteur pour avis Pierre-Henri Dumont.
Dans cet esprit, le groupe Les Républicains propose, en premier lieu, d'affirmer notre souveraineté en matière migratoire, car la France n'est pas une terre sans maître. En second lieu, de rappeler avec force que la France est une nation multiculturelle, réfractaire au communautarisme, dans laquelle il y a suffisamment de diversité pour que ceux qui deviennent français s'y émancipent sans avoir à importer des us et coutumes ou des mœurs contraires à l'idéal républicain.
Cela étant dit, le groupe LR demande que les décisions d'obligation de quitter le territoire soient systématiquement suivies d'une expulsion, que les délinquants étrangers soient systématiquement éloignés du territoire et que le droit d'asile soit recentré sur l'asile politique. Nous demandons également que les demandeurs d'asile effectuent leur demande dans nos postes consulaires. En outre, les droits de la nationalité, du séjour, de l'asile et de l'intégration ayant été élaborés sur la base d'une politique favorisant l'immigration dans le contexte des Trente Glorieuses, nous proposons de la revoir en profondeur avec un logiciel élaboré sur la base des risques migratoires à long terme.
Tant que ces propositions ne seront pas prises en compte, le groupe Les Républicains ne pourra adhérer à la politique de la majorité, ni aux instruments budgétaires qui la soutiennent et l'accompagnent.