Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du mercredi 27 octobre 2021 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2022 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Comme lors des années précédentes de ce quinquennat, le budget consacré à l'asile et à l'immigration relève de la politique du chiffre. L'objectif principal est crânement affiché : il faut lutter contre les flux migratoires, traiter plus rapidement les demandes d'asile et expulser davantage.

Dans le même esprit que les budgets pour 2019, 2020 et 2021, le projet de loi de finances pour 2022 donne le ton dès les premières lignes de la présentation du budget. C'est la dimension sécuritaire qui prédomine largement avec la mise en valeur de la lutte contre l'immigration clandestine à travers l'introduction de la biométrie dans les visas, le renforcement des contrôles aux frontières et la dynamisation de la politique d'éloignement. Le ton anxiogène est également convoqué lorsque sont constatés des flux migratoires importants et la nécessité de les contrôler.

Concernant le droit d'asile, le document budgétaire rappelle les principes constitutionnels qui encadrent le droit positif. Ainsi, doit être garanti à toute personne l'examen impartial de sa demande par un établissement public. Dans ce cadre, tout demandeur d'asile dispose d'un droit au séjour, à l'hébergement ainsi qu'à une prise en charge sociale.

La France a reçu plus de 100 000 demandes d'asile en 2017, 123 625 en 2018 et 132 826 en 2019. On note une forte diminution en 2020 avec environ 96 000 demandes. Le budget consacré à l'asile est emblématique. Les objectifs sont parfaitement quantifiés, puisque le temps moyen d'examen de la demande d'asile par l'OFPRA – cela a été rappelé tout à l'heure – ne doit pas excéder six mois, dont deux pour la seule instruction. À cet effet, le projet de loi de finances pour 2021 avait créé 200 équivalents temps plein (ETP) dont 150 spécialement affectés à l'instruction. Aucun effort supplémentaire n'est consenti dans le PLF pour 2022.

On doit regretter à cet égard qu'à aucun moment une réflexion sur la dimension qualitative de la procédure du droit d'asile n'ait été menée. Alors qu'il s'agit d'un droit constitutionnel, la question principale devrait consister à se demander si nos procédures permettent d'assurer son effectivité. Or les recrutements de ces dernières années à l'OFPRA laissent craindre la mise en œuvre d'une politique d'asile exécutée par de nouveaux officiers de protection inexpérimentés et une politique du chiffre. Malheureusement, le niveau de formation des agents de l'OFPRA demeure un point aveugle de la politique en matière d'asile, alors que cet élément conditionne au fond l'effectivité du droit qui s'y trouve attaché.

Concernant le budget affecté à l'accueil et à l'hébergement, force est de regretter qu'il est loin d'être à la hauteur du défi que nous devons relever au nom des droits humains. La situation actuelle est assez édifiante. Faute de places suffisantes en structure d'accueil, les migrants arrivant sur le sol français se retrouvent à vivre souvent dans la rue, livrés à eux-mêmes, dans des conditions qualifiées d'inhumaines par la Défenseure des droits. À cet égard, les efforts annoncés par le Gouvernement ne semblent pas à la hauteur de la situation. À titre de comparaison, 1 500 places en CADA étaient prévues en 2018 et 1 000 en 2019, alors que 15 000 places avaient été créées entre 2015 et 2017. Si le budget 2021 prévoyait la création de 6 000 places d'hébergement supplémentaires, le bleu pour 2022 n'est pas très clair concernant le nombre de places effectivement créées, et ce, alors que ces 6 000 places promises ne permettaient même pas de rattraper le retard accumulé, puisque le PLF pour 2020 n'en avait créé aucune. Pour 2022 le nombre évoqué de créations de places, 700 notamment dans les CAES – centres d'accueil et d'évaluation des situations –, et dans les centres provisoires d'hébergement au titre du plan de relance nous semble, là encore, insuffisant.

Le PLF pour 2022 est marqué par une énorme incertitude puisqu'il est indiqué que, « en 2022, sous réserve que les crédits prévus pour l'allocation aux demandeurs d'asile s'avèrent suffisants au regard des informations connues à la fin du premier semestre, 4 900 places supplémentaires pourraient ouvrir ». Notez l'usage du conditionnel.

On peut également s'inquiéter de ce que le budget 2022, comme les précédents, repose en grande partie sur la volonté de fluidifier la sortie des déboutés du droit d'asile. Que cela signifie-t-il ? Expulser plus pour héberger mieux ? Selon le dernier rapport de la CIMADE, « malgré la création massive de places, le dispositif national d'accueil n'héberge que la moitié des personnes ». Je poursuis la citation : « En conséquence, plus de 60 000 personnes perçoivent le montant additionnel de l'allocation pour demandeur d'asile […]. Environ 30 000 autres sont dépourvues de ces conditions car ayant demandé l'asile plus de quatre-vingt-dix jours après leur arrivée, ayant formulé une demande de réexamen ou sont considérées en fuite pendant la procédure Dublin. » Cela signifie très concrètement que les Afghans présents sur le territoire français et ayant formulé une demande de réexamen depuis l'arrivée au pouvoir des talibans sont condamnés à camper ici ou là et le plus souvent dans des campements indignes de notre pays et de sa tradition d'accueil. Il est essentiel de rappeler que les droits humains, eux, ne sont pas conditionnels.

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