Intervention de François Jolivet

Séance en hémicycle du jeudi 28 octobre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Cohésion des territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Jolivet, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le budget consacré à l'hébergement d'urgence augmentera en 2022 de 28 %, pour s'établir à 2,8 milliards d'euros – c'est à coup sûr un marqueur de ce projet de loi de finances. Ce budget acte la création du service public de la rue au logement : c'est un acte fort qui reflète l'engagement pris par le Gouvernement d'en finir avec la gestion « au thermomètre », qui consistait à ouvrir des places temporaires tous les hivers pour les refermer une fois la trêve hivernale passée. Le délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, grand artisan de ce budget, a pour objectif de basculer vers un pilotage de l'hébergement d'urgence sous enveloppe fermée, pour mieux anticiper et programmer.

Je salue cette réforme structurelle, qui contribue à améliorer l'information du Parlement sur les crédits ; pourtant, comme beaucoup, je ne peux qu'en déplorer la nécessité. Si cette augmentation budgétaire s'impose, cela peut signifier que le nombre de personnes vulnérables à la rue ou mal logées continue de croître – sans doute y a-t-il un peu de vrai dans cette hypothèse –, mais aussi que de nombreuses personnes sont hébergées trop longtemps et que leur statut juridique eu égard à leur présence sur le territoire français est un obstacle à leur accès au logement.

Enfin, la réforme structurelle du mode de calcul des aides au logement est en place. C'est une réforme juste. Après plusieurs reports, qui étaient pressentis par votre rapporteur, le nouveau mode de calcul est entré en vigueur au 1er janvier 2021. Malgré les difficultés informatiques qui sont apparues, le chemin pris est le bon. Je souhaite saluer, à cette tribune, l'engagement des personnels du réseau des caisses d'allocations familiales (CAF), qui corrigent à la main les erreurs informatiques.

Le budget des aides au logement reste stable pour l'année 2022 et s'établit à près de 16 milliards d'euros. Je me réjouis que la confiance soit restaurée avec Action Logement et qu'aucune contribution n'ait été demandée au groupe. Celui-ci a pris toute sa part dans le financement de la relance de l'économie et la réforme de sa gouvernance est en cours. Le respect de la gestion paritaire de cet organisme est un signe important qui était attendu de tous.

Madame la ministre, le succès de MaPrimeRénov' est une réalité bien reconnue ; elle constitue un autre marqueur de ce projet de loi de finances, car son budget pour 2022 s'élève à plus de 2 milliards d'euros. La transformation du crédit d'impôt en prime a permis de mieux toucher les ménages aux revenus modestes et très modestes, ce qui était l'objectif initial.

J'en viens à un sujet plus difficile, celui de la surcompensation des organismes de logement social.

Le paquet « Almunia » de la Commission européenne, qui date de 2011, précise que les aides destinées à compenser des obligations de service public ne doivent pas excéder un niveau « raisonnable ». La loi a fixé à l'Agence nationale du contrôle du logement social (ANCOLS) l'obligation de définir les critères d'un niveau « raisonnable » et les contrôles débuteront cette année. Dès 2017, j'ai alerté le Gouvernement de l'importance de ne pas déstabiliser le secteur du logement social. La correction de la surcompensation est une réforme dont nous n'avons pas à décider mais que nous devons appliquer ; pourtant, elle a des effets structurels plus importants que la création de la réduction de loyer de solidarité, que certains considéraient comme une révolution.

Je me réjouis que la situation économique des organismes HLM n'ait pas été dégradée, si j'en crois les rapports de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) ainsi que de la Banque des territoires.

Madame la ministre, vous avez fixé en 2021 un objectif ambitieux : agréer 250 000 logements sociaux en deux ans. Aujourd'hui, si l'on construit moins, ce qui est incontestable, ce n'est plus par manque d'argent mais plutôt par manque d'envie et sans doute aussi en raison d'un essoufflement du modèle économique de l'acte de construire dans notre pays. Comme vous, j'ai lu le tome 1 du rapport de la commission pour la relance durable de la construction de logements dirigée par François Rebsamen et j'attends le tome 2. Je partage avec le maire de Dijon l'idée qu'il faut réhabiliter l'acte de construire. Toutefois, il faut le reconnaître : certains maires récemment élus ne souhaitent plus construire et demandent à des opérateurs de retirer des permis de construire pourtant délivrés pour transformer ces terrains en parcs et jardins, conformément au programme sur lequel ils ont été élus.

Madame la ministre, il nous faut tirer les conséquences de ce que nous vivons. Nous devons tirer les conséquences des échecs de la reproduction de modèles historiques de construction, d'aménagement et de métropolisation. Ces modèles sont, selon moi, en fin de vie ; le mal est profond. Nous devons tirer les conséquences de la pandémie et de l'avènement du télétravail : demain, de nombreux habitants choisiront d'abord leur lieu de vie et ensuite leur travail.

J'invite évidemment l'Assemblée nationale à adopter les crédits relatifs à la cohésion des territoires. Madame la ministre, je sais votre engagement total dans la mission qui est la vôtre, et je lui rends hommage.

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