Intervention de Victor Habert-Dassault

Séance en hémicycle du vendredi 29 octobre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVictor Habert-Dassault :

La mission Recherche et enseignement supérieur est, avec plus de 29 milliards d'euros de crédits, l'une des plus dotées du budget de l'État, ce que l'on peut juger positif.

L'investissement dans la recherche paraît en effet aussi indispensable que salutaire pour un pays dont la vocation première est la recherche de l'excellence. Toutefois, les inquiétudes des chercheurs et de l'Académie des sciences paraissent légitimes : la trajectoire de la recherche française n'est pas à la hauteur de nos espérances. En volume de publications scientifiques, nous n'occupons ainsi que la dixième place, sans parler de l'indicateur de qualité où nous ne figurons qu'à la seizième place.

Dans ce contexte, l'augmentation des crédits alloués à ce secteur crucial semble être une bonne nouvelle. Cependant, l'essentiel de ces hausses de crédits, notamment à destination des universités, a vocation à transiter par des appels à projet de l'Agence nationale de la recherche, ce qui n'est pas sans poser des problèmes s'agissant de la lisibilité des hausses de crédits pour les opérateurs.

De plus, la répartition des crédits des opérateurs du programme 150 entre cinq alliances thématiques – énergie, numérique, science de la vie et de la santé, environnement et sciences humaines et sociales – n'est pas précisée. Le manque de transparence n'aide pas les chercheurs à poursuivre leurs projets dans un climat de confiance.

L'une des avancées de la loi de programmation de la recherche réside dans le renforcement du lien entre la recherche et l'entreprise, notamment par les facilités accordées aux fonctionnaires chercheurs et enseignants-chercheurs de rejoindre ou de créer une entreprise. Toutefois, nous observons avec surprise le maintien d'une dichotomie entre enseignement supérieur et organismes de recherche ainsi que l'absence d'articulation entre recherche publique et recherche privée. Le décloisonnement de la recherche en France pourrait participer à son rehaussement en favorisant un travail collaboratif de toutes les forces vives.

Je regrette également que les programmes ne soient pas suffisamment axés sur le traitement des matières premières. Certes, il existe des filières dans le domaine de la responsabilité élargie des producteurs (REP), qui ont prouvé leur utilité pour la prise en charge des déchets issus de certains types de produits et leur réduction, mais est-ce réellement suffisant ? L'économie circulaire a vocation, dans les années à venir, à prendre une part de plus en plus importante eu égard à la nécessité de produire mieux, de consommer mieux et de polluer moins. De ce point de vue, la recherche publique et privée dans le réemploi de matières premières et dans le recyclage doit s'intensifier.

Je pense également à l'industrie et notamment à certains secteurs ayant dû arrêter leur production faute de semi-conducteurs. Il n'est nullement question ici de me faire le défenseur du « produire tout nous-mêmes » mais il ne faut pas négliger une recherche qui peut contribuer à notre souveraineté économique dans le secteur industriel. Même si, avec la meilleure volonté du monde, nous ne pouvons lutter contre la dépendance technologique, il serait dommageable de ne pas profiter de l'ingéniosité française pour former les talents qui permettront que les matières premières – par exemple celles contenues dans les batteries ou dans le matériel électronique – soient récupérées et réemployées. Cela semble cohérent avec la volonté de chacun d'entre nous d'agir pour l'environnement.

En ce qui concerne la mission "Enseignement supérieur" , plusieurs organismes ont fait part de leurs inquiétudes. Ainsi, la Cour des comptes confirme que les financements ne sont pas à la hauteur des défis auxquels font face les universités, à savoir l'augmentation constante du nombre d'étudiants, l'amélioration des conditions de prise en charge de la vie étudiante ou encore l'acquisition d'une réelle autonomie de gestion.

Nous pouvons également souligner que l'indicateur mesurant la réussite des étudiants montre un taux d'obtention d'une licence en trois ou quatre ans de 44 % et un taux d'obtention d'un master en deux ans de 59 %. Quant à l'indicateur relatif à la part d'étudiants inscrits en première année de licence et ne s'étant jamais présentés à un examen au cours de l'année universitaire, il avoisine les 7,3 %. La question sous-jacente à ces données chiffrées concerne l'orientation des nouveaux bacheliers. Dans le budget de la MIRES, l'accent n'est pas mis sur cet aspect du parcours d'un élève ou d'un futur étudiant.

À cet égard, je veux souligner l'efficacité de certaines initiatives – trop peu nombreuses – prises par des grandes écoles de commerce dès la classe de seconde. Je pense notamment aux systèmes de tutorat, destinés non seulement à repérer les bons élèves issus de milieux modestes, mais aussi à les préparer à leur futur parcours. En d'autres termes, il s'agit de préparer des élèves, souvent issus de zones d'éducation prioritaire, à l'intégration dans certaines filières de grande qualité. Conforme à un certain idéal républicain, ce projet pourrait être étendu à l'ensemble des grandes écoles.

On pourrait également évoquer l'intérêt de faire découvrir plus précocement les métiers aux élèves afin de diminuer au maximum les risques d'un décrochage et d'une sortie sans diplôme de l'enseignement supérieur. Ces nouvelles modalités d'information et d'orientation pourraient faire l'objet d'un projet constructif pour l'insertion des jeunes dans la société. Cela pourrait aussi aider à désengorger les filières saturées, comme le droit ou la psychologie, si les étudiants s'y engagent avec une réelle connaissance des débouchés et du contenu des formations.

Tous les acteurs – tant les proviseurs que les chefs de travaux et les professeurs de lycée – devraient être associés à ces problématiques d'orientation. De plus, la revalorisation de la voie professionnelle abordée par les lycées professionnels ou les lycées de métier représenterait également un atout considérable pour l'insertion des jeunes dans le monde du travail.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.