Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du vendredi 29 octobre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Quel est l'état de la recherche en France en 2021 ? Un exemple concret vaut mille développements. En pleine épidémie de covid-19, la France s'est lancée dans la course aux vaccins avec des bons espoirs de réussite. Mais, rapidement, l'annonce par l'Institut Pasteur de l'abandon de son principal projet puis récemment l'arrêt des travaux de Sanofi sur son vaccin à ARN messager sont apparus comme un énième signe du recul de la recherche française sur la scène mondiale. Rappelons que dans le même temps, Cuba a réussi à développer cinq vaccins, dont trois, en cours de validation, sont déjà largement utilisés.

Bien sûr, ces échecs ne peuvent être uniquement imputés aux capacités, notamment financières, de la recherche française, mais l'idée d'un déclin français en la matière est une préoccupation légitime tant le décrochage de notre pays s'est accéléré ces dernières années.

Il est encore trop tôt pour connaître l'effet de la loi de programmation votée en novembre dernier, je vous le concède. Lors de son examen, notre groupe avait déploré une montée en charge trop lente et donc peu ambitieuse – et force est de constater que seulement 40 % des décrets ont été pris par le Gouvernement. Il en résulte des retards d'application, y compris sur des points attendus comme le nouveau régime indemnitaire des enseignants-chercheurs.

Le budget de la mission "Recherche et enseignement supérieur" se situe donc sans surprise dans la droite ligne de la loi de programmation. Nous continuons de déplorer le choix de privilégier des appels à projets au détriment de financements pérennes et d'une recherche qui s'inscrirait sur un temps long. C'est l'Agence nationale de la recherche qui concentrera de facto les principaux crédits.

Je veux surtout profiter de l'examen de cette mission pour exprimer notre préoccupation à l'égard des étudiants.

S'agissant de l'accès aux études, nous déplorons que le financement de places pour les nouveaux étudiants ne couvre pas l'augmentation des effectifs. À cette rentrée 2021, les étudiants seraient autour de 2,8 millions, soit 38 000 de plus qu'à la rentrée 2020. Or la dépense moyenne par étudiant est en baisse constante depuis 2011, date, je vous le concède, où vous n'étiez pas encore au pouvoir. Les cohortes successives d'étudiants le vivent très mal.

Même si la dotation versée par le ministère aux universités est en augmentation, les efforts sont insuffisants pour répondre aux besoins, qu'il s'agisse d'encadrement, de locaux, d'administration, de suivi des élèves. Insuffisants aussi pour permettre aux enseignants de poursuivre leurs activités de recherche et répondre aux multiples appels à projets.

Par ailleurs, le recrutement d'enseignants-chercheurs permanents stagne depuis dix ans et le nombre de postes de maîtres de conférences ouverts à candidature a été divisé de plus de moitié. Ce ne sont évidemment pas les nouvelles voies d'accès proposées dans la LPR qui répondront à la précarité des métiers. Je voudrais signaler, madame la ministre, la situation des enseignants contractuels et plus particulièrement de ceux des écoles d'architecture. Diplômés au niveau bac +5, ils peuvent espérer un mi-temps au SMIC, sans revalorisation au bout de dix ans. Voilà où nous en sommes aujourd'hui.

L'autre inquiétude, s'agissant des étudiants, concerne évidemment la pauvreté et la précarité, renforcées par la crise sanitaire. Les années d'études constituent un moment charnière. Elles devraient être un temps d'apprentissage, de rencontres, d'épanouissement intellectuel et social. C'est ce que nous avons connu, madame la ministre, mes chers collègues. Mais nous n'avons pas vécu la période d'angoisse et de survie dans laquelle se trouvent aujourd'hui nos enfants, nos jeunes, nos étudiants. Notre groupe salue la hausse des crédits du programme Vie étudiante et la reconduction de certaines mesures prises lors de la crise sanitaire, comme le gel des loyers ou des frais de scolarité. Cela ne peut cependant pas suffire. La hausse du coût de la vie étudiante est là, elle existe et atteint 6 % en cette rentrée 2022, tirée par l'augmentation des loyers, des tarifs d'accès à internet, de l'alimentation et de l'énergie. Les longues files d'attente lors de la distribution des aides alimentaires sont indignes de notre pays. J'y suis allé et j'ai eu honte que l'on en soit là en 2021, en France.

Dans de nombreuses villes universitaires, les étudiants ont du mal à se loger. Or 40 000 logements étudiants seulement ont été construits, bien loin des 60 000 promis sur la durée du quinquennat. Ces mêmes étudiants ont du mal à se nourrir. Je l'ai dit : il était prématuré de revenir sur l'extension aux étudiants non boursiers du ticket de restaurant universitaire à 1 euro, madame la ministre. Et si les bourses sont revalorisées de 1 % cette année, nous déplorons l'absence d'une réforme à ce sujet, qui était pourtant promise pour la rentrée 2021, alors que 74 % des étudiants n'ont toujours pas la possibilité d'obtenir une bourse. Cet abandon n'est pas le seul : le chèque alimentaire aurait pu bénéficier aux jeunes. Cette proposition de la Convention citoyenne pour le climat, reprise par le Gouvernement, semble tout bonnement enterrée. Où en est le revenu d'engagement annoncé en juillet par le Président, autoproclamé président des jeunes ? De tergiversations en annonces contradictoires, tout cela tarde à se concrétiser et devrait probablement voir le jour dans une version qui exclura les étudiants, au moins.

Madame la ministre, chers collègues, notre groupe n'apportera pas son soutien aux crédits de cette mission. Nous sommes en effet peu convaincus par leur capacité à compenser le sous-investissement dans la recherche et dans l'enseignement supérieur, et à répondre à la trop grande précarité de nos étudiants qui, comme cela a été dit, sont notre avenir.

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