Intervention de Valérie Petit

Séance en hémicycle du vendredi 29 octobre 2021 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2022 — Conseil et contrôle de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Petit :

Ce faisant, il réalise la prophétie de Tocqueville : « Au-dessus de [nous], s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer [notre] jouissance et de veiller sur [notre] sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche, au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance. […] C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l'emploi du libre arbitre […] et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu'à l'usage de lui-même ».

Ce pouvoir de l'État, qui s'étend sur nos vies et rogne les libertés de nos concitoyens, se nourrit de pouvoirs abandonnés par le Parlement car, rappelons-le, l'état d'urgence n'est pas une obligation mais une facilité et une concession provisoire faite par le Parlement au pouvoir exécutif. Il est donc attendu de la part de celui-ci qu'il donne des gages de sa capacité à retenir lui-même son pouvoir dans des limites acceptables. Ainsi, depuis deux ans, le Parlement, notre parlement, lors de chaque vote sur l'État d'urgence, a choisi de faire confiance au Gouvernement et à l'État pour se réguler et ne pas céder à l'hubris du pouvoir, abandonnant, au nom de la santé des Français, son pouvoir de contrôle.

Mais vous le savez, mes chers collègues, la confiance n'exclut pas le contrôle. Comment, dès lors, ne pas se réjouir de voir augmenter les crédits alloués à ceux qui sont chargés de conseiller et surtout de contrôler l'action de l'État ; à ceux qui, depuis deux ans, d'une certaine façon, ont pris le relais de notre Parlement ? Comment ne pas se réjouir, par exemple, de voir augmenter les crédits alloués à la justice administrative, notamment au Conseil d'État – celui-là même qui, à plus de dix reprises, a su rappeler à l'exécutif le sens de la mesure s'agissant de nos libertés, tandis que notre Parlement était peut-être un peu assoupi ? Comment enfin ne pas se réjouir de voir augmenter les crédits alloués à la Cour des comptes, celle-là même qui, en juin dernier, alertait sur la crue de l'endettement public, tandis que notre Parlement était fort occupé à amender la tuyauterie ?

Mes chers collègues, il est temps de relire La Route de la servitude, l'ouvrage prophétique de l'un des plus grands penseurs libéraux de notre temps. En 1943, Friedrich Hayek s'inquiétait de la montée du planisme socialiste en Europe et, déjà, nous alertait sur le risque pour nos démocraties libérales d'un affaiblissement du Parlement. Le danger du planisme, disait-il, c'est que le Parlement, tout affairé à perfectionner les détails de l'ingérence étatique et les rouages de l'ingénierie administrative, perd de vue la ligne d'horizon de notre démocratie : celle du débat sur les grandes orientations de notre pays.

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