Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du vendredi 29 octobre 2021 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2022 — Conseil et contrôle de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

J'en reparlerai en conférence des présidents ; je ne vois pas sur quel article se base le rappel que vous faites, monsieur le président.

L'amendement dont je lisais l'exposé sommaire visait à vider le budget des réceptions de la présidence pour le verser à un nouveau programme consacré à l'hôpital public. Comme vous le savez, collègues, puisque vous avez voté en ce sens, l'hôpital public connaît une hémorragie sans précédent. Le Gouvernement annonçait d'ailleurs le lancement d'une enquête au sujet de ces lits malicieux qui se ferment apparemment tout seuls, sans aucun rapport bien sûr avec les 4 milliards d'euros d'économies sur l'hôpital public réalisées durant le quinquennat, ni avec la fermeture de 14 000 lits en quatre ans et demi, ni avec les suspensions de soignants.

Mais l'amendement en question a été retoqué – vous le disiez à l'instant, monsieur le président –, non pas au titre de l'article 40 mais visiblement au titre du crime de lèse-majesté. Moi qui croyais naïvement que les députés disposaient d'une liberté pour rédiger leurs amendements, je m'étais trompée.

Si vous voulez un autre exemple de ce qui ne m'a pas plu, regardons de plus près le budget consacré à la présidence du Conseil de l'Union européenne. Au total, cette présidence de six mois nous coûtera 149 millions d'euros, soit un coût supérieur au budget annuel du programme Protection des droits et libertés. Et quelque chose m'interroge : ce budget arrose les différents ministères : 2,6 millions pour le ministère de la culture, 2,6 millions pour la santé et 6,9 millions pour l'économie, en vue d'organiser des événements dont vous précisez qu'ils devront se concentrer sur le premier trimestre 2022 – à la même période que l'élection présidentielle, comme c'est pratique ! Les ministres auront donc toute la liberté de faire campagne pour le Président, sous couvert de présidence de l'Union européenne.

Si c'est open bar pour les ministres, le Défenseur des droits en revanche est à la diète. Son budget est bien en deçà d'une demande croissante : pour l'année 2021, un fonctionnaire du Défenseur des droits aura à traiter en moyenne 515 dossiers, ce qui est largement au-dessus des résultats enregistrés en 2019 et 2020. Au début de l'été, le volume des demandes était en hausse de 23 % au siège et de 37 % au niveau des délégués territoriaux. On s'étonne d'autant plus que vous envisagiez de renforcer ses missions en lui donnant un rôle particulier dans la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte. Vous lui demandez donc de faire mieux avec moins, thèse qui n'a jamais été étayée nulle part. Avec un tel budget, qui réduit ses moyens à la portion congrue, on peut se demander si le Défenseur des droits sera en mesure de défendre les droits de quiconque ; mais peut-être est-ce là votre objectif ?

Une autre chose m'a irritée : vous appauvrissez le Défenseur des droits mais vous arrosez d'argent public le Haut Conseil des finances publiques ! Le HCFP a été créé à la suite de la signature du traité de l'Union européenne sur la stabilité pour nous conseiller sur le respect des principes d'orthodoxie budgétaire. Dites donc, collègues, l'austérité coûte cher ! Le budget de cette institution ne cesse d'augmenter chaque année, jusqu'à atteindre 1,35 million d'euros pour 2022. Mais enfin, avez-vous pensé à la dette ? Avez-vous pensé à la saignée dans les dépenses publiques ? Comme c'est étrange : vous n'y pensez que lorsqu'il est question de dépenses sociales, comme s'il valait mieux retirer 5 euros d'aide au logement que d'assécher le budget d'une institution chargée de nous dire comment dépenser moins. Si le HCFP souhaite tant que nous limitions les dépenses, pourquoi ne lui suggérez-vous pas, comme vous le faites pour tous les autres, de faire mieux avec moins ?

Pour résumer, vous affaiblissez le Défenseur des droits, vous détruisez peu à peu les ressources du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, mais vous déroulez le tapis rouge aux malins qui veulent réduire la dépense publique et vous alignez les billets quand il s'agit de faire campagne en douce pour le Président. J'ai beau chercher, je ne vois rien qui m'ait plu dans ce budget, j'en suis vraiment désolée.

Quant au budget de l'Élysée, nous aurions débordé d'imagination pour flécher autrement l'argent qui s'en est allé dans la construction de la piscine de Brégançon, dans la vaisselle de l'Élysée à 500 000 euros, dans les frais de produits de maquillage du Président ou dans le budget floral de 600 000 euros en 2020 – bien que nous n'ayons rien contre les orchidées. Mais visiblement, quand il est question du Président, c'est bouche cousue et vous nous l'avez encore démontré aujourd'hui.

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