Je tiens à remercier les orateurs, plus particulièrement les rapporteurs spéciaux qui, cette année encore, ont produit une étude précise et de grande qualité des crédits qu'il vous incombe d'examiner aujourd'hui. Les trois missions en cause sont très diverses, mais toutes concernent des institutions indispensables au bon fonctionnement de l'État de droit : elles visent à garantir aux pouvoirs publics, aux organes chargés de leur contrôle ainsi qu'aux autorités indépendantes qui veillent au respect des libertés individuelles, les moyens nécessaires à leur action.
Comme chaque année, la mission "Conseil et contrôle de l'État" a retenu l'attention sur tous les bancs. Ses crédits sont en hausse de près de 5 % et traduisent un effort constant d'investissement, depuis le début de la législature, dans les juridictions administratives et financières. Dans la continuité de ceux qui l'ont précédé, ce projet de loi de finances renforce les moyens des juridictions administratives en prévoyant la création de quarante et un emplois : vingt-quatre magistrats, dont trois destinés à la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), quinze agents de greffe et deux membres du Conseil d'État. Ce schéma d'emplois assurera l'instauration à Toulouse, au premier semestre 2022, d'une neuvième cour administrative d'appel, dont les quatre chambres permettront de mieux répondre aux demandes des justiciables du Sud de la France. Il renforcera également d'autres juridictions administratives, qui font face à une hausse continue du contentieux, notamment dans le domaine social et dans celui du droit des étrangers.
Sur ce dernier point, même si les indicateurs montrent que la CNDA n'atteint pas encore ses objectifs, je tiens à rappeler à Mme Santiago l'engagement du Gouvernement à son égard : elle a bénéficié de 80 % des emplois créés depuis cinq ans dans les juridictions administratives – prolongeant, il est vrai, un effort entamé lors du précédent quinquennat – et doublé ses effectifs depuis 2016. Ces moyens supplémentaires n'ont pu produire leurs effets en raison de la situation sanitaire, qui a accru les délais de jugement. Néanmoins, sous toute réserve, les objectifs légaux devraient être atteints au deuxième semestre 2022 et en moyenne annuelle en 2023.
Je voudrais consacrer quelques mots à la situation difficile de la CCSP, suivie avec la plus grande attention par le rapporteur spécial Daniel Labaronne. Ce projet de loi de finances permettra d'y soulager quelque peu les tensions grâce à la création, déjà évoquée, de trois postes de magistrat ; reste qu'il faudra trouver une solution à long terme, que M. Labaronne appelle d'ailleurs de ses vœux, en vue de limiter le flux des recours qui lui sont adressés, conséquence d'une décision du Conseil constitutionnel.
Quant aux juridictions financières, la progression de 2,5 % de leurs crédits, sous l'effet, là encore, d'un schéma d'emplois dynamique pour 2022, s'inscrit dans la logique d'un renforcement de leurs moyens afin qu'elles puissent mener à bien leurs missions. En outre, la Cour des comptes devrait se voir confier, à partir du 1er juillet, à la suite de son homologue allemande, le mandat de commissaire aux comptes de l'ONU – nous pouvons nous en féliciter, car il s'agit là d'une reconnaissance internationale de ses capacités. Au total, trente ETP, dont cinq figuraient déjà dans le budget pour 2021, devraient être affectés à cette mission ; la Cour s'est engagée à les restituer à l'issue des six années du mandat, celui-ci n'étant pas renouvelable.
L'accroissement des crédits du HCFP, déjà au cœur de nos débats l'an passé, a été évoqué par plusieurs orateurs, notamment par le rapporteur spécial. En 2022, cette hausse est destinée au recrutement de trois ETP supplémentaires, portant les effectifs du HCFP à huit ETP, ce qui demeure modeste si l'on fait appel à des comparaisons internationales. Elle répond en outre à la nécessité pour le HCFP de développer son expertise propre, ses capacités d'analyse indépendantes du Gouvernement, afin d'assurer la bonne information du Parlement et tout particulièrement la sincérité des débats budgétaires. Comme l'a rappelé Mme Métadier, la réforme est en cours et il reste des éléments auxquels il conviendra de réfléchir encore.
Enfin, le CESE voit son budget se stabiliser à la suite d'une réforme majeure de son fonctionnement et de ses missions. La réduction du nombre de ses membres, en diminuant les dépenses liées aux indemnités, dégagera des économies indispensables à l'exercice de ses nouvelles prérogatives, par exemple en matière de participation citoyenne. J'en profite pour saluer à mon tour les progrès du CESE en matière de certification de ses comptes. Certes, ces progrès vous paraissent un peu lents, monsieur le rapporteur spécial Labaronne, mais au fil des exercices budgétaires, nous avançons bel et bien. Je crois d'ailleurs savoir que les discussions se poursuivent en vue de l'intégration de cette comptabilité au progiciel Chorus, qui vous est cher, une fois résolues les réelles difficultés techniques.
J'en arrive aux crédits de la mission "Pouvoirs publics" , qui progressent cette année de 5,4 % par rapport à 2021. Le Conseil constitutionnel connaîtra en 2022 une hausse de ses crédits de paiement de près de 33 %, correspondant principalement aux frais engendrés par le contrôle de l'élection présidentielle et à l'augmentation du contentieux liée aux élections législatives : tout cela n'est pas nouveau. Le lancement d'un portail dédié à la QPC, facilitant l'accès et le suivi de cet outil essentiel au respect des droits et libertés, constituera un investissement de près de 1 million d'euros. Au passage, je m'étonne d'avoir entendu M. Lecoq critiquer tant le Conseil constitutionnel que le Conseil d'État, estimant le second trop proche et le premier trop éloigné des positions gouvernementales : au fond, en dépit de leur sévérité, ses propos ont surtout mis en évidence l'utilité de ces contre-pouvoirs, à la fois pour le Gouvernement lui-même et pour tout un chacun. À tous, ils rappellent les règles constitutionnelles.
Comme l'a souligné votre rapporteur spécial, M. Naegelen, la Cour de justice de la République fait face à un nombre important de plaintes justifiant une augmentation des crédits alloués à ses frais de justice, qui atteindront 159 000 euros, pour lui permettre d'instruire les plus de 19 000 plaintes déposées contre le Premier ministre et d'autres membres du Gouvernement, essentiellement pour leur gestion de la crise sanitaire, comme vous le savez – cela a d'ailleurs été rappelé.