Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mardi 2 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Plan de relance ; plan d'urgence face à la crise sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Comme vous, j'ai découvert ce matin qu'au lieu du super revenu d'engagement qu'il avait promis à la jeunesse, Emmanuel Macron se contente de réinventer l'actuelle garantie jeunes – avec ses limites. C'est toujours pareil, au fond, avec lui : dès qu'il s'agit de passer des paroles aux actes et des annonces télé à la réalité de l'hémicycle, il y a un gouffre entre les effets d'annonce et les mesurettes ridicules. C'est le même gouffre que l'on retrouve dans le plan France 2030, avec ses 30 milliards virtuels étalés sur des années, et bien sûr entre les fastueuses annonces du plan de relance – et sa triste vérité.

Derrière la belle façade d'un plan de relance de 100 milliards d'euros destiné à sauver l'économie, on ne trouve étrangement ni 100 milliards, ni sauvetage de l'économie. Écoutez bien : en 2021, la mission "Plan de relance" n'était dotée que de 22 milliards ; elle l'est de 12,9 pour 2022. J'ai beau compter et recompter, 22 et 12,9 ne font vraiment pas 100 !

Pire encore, votre plan ne relance rien, ni ne sauve l'économie, puisque sa logique même est à côté de la plaque. Il ne fait presque rien pour les plus pauvres ni les plus précaires, non plus que pour relancer la consommation populaire. La seule action qui leur est consacrée se résume à un soutien au secteur associatif – auquel on n'en finit jamais de faire porter les responsabilités de l'État – pour la somme ridicule de 85 millions d'euros.

Même aux États-Unis, l'essentiel des dépenses de crise a servi à soutenir les ménages précaires, à hauteur de 25 % du PIB au total ; le Gouvernement français aura préféré tout miser sur des aides accordées aux entreprises, sans aucune condition ni contrepartie. Résultat, on estime que, là-bas, les revenus des plus pauvres augmenteront de 20 % en 2021 ; chez nous, c'est le patrimoine des 500 plus grandes fortunes qui a crû de 30 % en 2020, et de 100 % depuis 2017.

Pourtant, depuis 2017, vous vous entêtez dans votre logique en développant une politique de l'offre. Vous nous faites désormais ainsi perdre 10 milliards supplémentaires chaque année, avec la seule baisse des impôts de production, que vous osez en plus comptabiliser dans votre pseudo-plan de relance. Or cette mesure n'a pas vraiment de lien avec la crise, c'est établi, ni d'effet sur la relance, c'est établi aussi : d'après l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), l'effet multiplicateur ne serait que de 0,3 en 2021, ce qui signifie que le montant de la richesse ainsi produite sera trois fois moins élevé que son coût pour les finances publiques. De plus, cette richesse est principalement captée par les grandes entreprises et les secteurs les plus polluants. Résultat, le gain moyen est dérisoire pour les TPE, tandis qu'il se monte à 9 millions pour les grandes entreprises, sans qu'elles aient à nous rendre le moindre compte.

Voilà comment on se retrouve avec des grosses boîtes pétries d'argent, comme LVMH, qui se permettent de supprimer 12 830 emplois rien qu'en 2020, malgré toutes les aides reçues, les bénéfices perçus et les dividendes versés ; beaucoup d'autres s'autorisent à délocaliser, comme le groupe PPG qui ferme le site de production de Bezons, en emportant les brevets ; d'autres encore demandent même une liquidation judiciaire, comme Bergams à Grigny, dont je soutenais vendredi les salariés en grève, alors que l'entreprise appartient justement à une 500 des plus grosses fortunes du pays. En bref, voilà comment on se retrouve à donner des millions aux entreprises, pour récolter la destruction de 284 000 emplois, dans la seule année 2020.

Tandis que les catastrophes de ce genre se suivent sans vous faire ciller, vous continuez à jouer les donneurs de leçon – nous assumons l'expression – et à vanter sans relâche votre super plan de relance. Pour répondre à la présidente Mathilde Panot, en début de séance, le Premier ministre a quand même osé déclarer avoir engagé « un plan de relance très ambitieux en matière de transition écologique », grâce auquel « la France montre l'exemple par des actes ». Mais quel culot vous avez, jusqu'au plus haut sommet de l'État !

Parlez-vous bien, en ces termes, du plan de relance qui consacre un budget ridicule à l'écologie, quand, selon l'INSEE, 60 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an seraient nécessaires pour seulement atteindre l'objectif bas-carbone ? S'agit-il bien du même plan de relance qui aide les entreprises sans conditions écologiques et constitue donc une prime au productivisme ? S'agit-il bien du même plan de relance que le ministère de l'économie et ses opérateurs sont censés flécher et contrôler, alors que vous continuez de leur imposer des centaines de suppressions d'emplois en 2020 ? Parlez-vous bien du même plan de relance qui mise tout son budget de rénovation thermique sur MaPrimeRénov', dispositif bancal qui profite au secteur privé et ne permet pas de supprimer les passoires thermiques, qui aboutit à ne rénover que trop peu de logements chaque année, alors qu'il faudrait atteindre le chiffre de 800 000, selon le scénario de l'association négaWatt, que notre candidat Jean-Luc Mélenchon a fait sien. Est-ce bien le plan de relance qui réussit l'exploit d'inscrire parmi ses mesures écologiques un soutien aux secteurs nucléaire, aéronautique et automobile, tandis que le soutien aux énergies renouvelables baisse de près de 1 milliard dans le budget pour 2022 ?

Chers collègues, ce n'est pas seulement culotté, c'est désespérant ! Comment pouvez-vous accepter un plan de relance aussi médiocre, tant pour les plus défavorisés que sur le plan climatique, en pleine COP26, à quelques jours de la prochaine grande marche pour le climat ? Nous ne sommes pas à l'avant-garde, nous sommes dans la voiture-balai !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.