Intervention de Alain Bruneel

Séance en hémicycle du mardi 2 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Plan de relance ; plan d'urgence face à la crise sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Bruneel :

Nous sommes réunis pour discuter des crédits de la mission "Plan de relance" , c'est-à-dire pour examiner le deuxième volet du plan de relance prévu sur deux ans. En 2020, le groupe GDR n'avait pas voté les crédits de cette mission ; nous serons cohérents avec nos arguments de l'an passé et ne les voterons pas non plus cette année.

Annoncé en grande pompe l'année dernière avec le fameux chiffre de 100 milliards d'euros, ce plan de relance est loin d'avoir rempli ses promesses ; de fait, son chiffrage était assez trompeur.

La raison est simple : en accordant des coupes franches dans les impôts de production, pour plus de 20 milliards d'euros en deux ans, vous avez tout de suite limité les marges du fameux plan de relance. Vous essaierez, bien sûr, de faire croire que baisser les impôts de production des entreprises, c'est de la relance. Or c'est faux, et archifaux ! L'OFCE a montré récemment que le multiplicateur de la baisse des impôts de production était égal à 0,3. L'effet de relance est donc plus que limité. Pire, la mesure profitera avant tout aux grandes entreprises, qui en payaient relativement plus. Ainsi, les deux tiers de son bénéfice sont captés par 3 % des entreprises, essentiellement financières. Ce chèque en blanc n'aura donc aucun effet réel sur l'économie ou la réindustrialisation.

C'est d'ailleurs un peu le défaut qu'on peut reprocher à tout votre plan de relance : il n'a pas d'effet sur l'économie réelle. Vous avez voulu faire de la politique de l'offre, comme toujours, car c'est tout ce que vous savez faire. Dans le même temps, vous avez voulu que les crédits soient vite décaissés pour obtenir un effet immédiat. Mais les deux ne sont pas compatibles. Lorsqu'on veut mener une politique en faveur de l'outil productif, il faut des moyens significatifs et ciblés, soumis à des conditions, ce que ne prévoit pas votre plan.

La réussite passe aussi par une gestion sur le long terme, qui implique une planification. Comment pouvez-vous dire que votre plan de relance répond aux enjeux de transition écologique et de reconquête industrielle, alors même que vous ne déployez, dans ces domaines précis, que quelques milliards, uniquement sur deux ans ? Rien de tout cela n'a de sens.

Résultat, votre plan de relance s'apparente à un saupoudrage sur deux ans : 3,5 milliards pour la rénovation énergétique des bâtiments ; 3 milliards pour tous les modes de transport ; 1,5 milliard pour la souveraineté industrielle.

Dans le même temps, vous ne pouvez pas vous empêcher de revenir à vos fondamentaux idéologiques, comme l'illustre le programme Cohésion. À première vue, son titre laisserait penser que vous tirez les conséquences des drames sociaux qui se sont produits durant la crise et que vous élaborez une politique visant à soutenir les ménages, notamment les plus populaires, ou que vous aiderez les collectivités territoriales, comme les nombreuses mairies qui ont signé l'appel de Grigny, qui ont été admirables, et qui ne cessent de vous interpeller pour obtenir plus de moyens. Mais il n'en est rien ! Le programme 364 sert seulement à donner de l'argent aux entreprises lorsqu'elles embauchent des apprentis ou des jeunes. En somme, vous subventionnez l'emploi des entreprises, en créant des effets d'aubaine énormes. Les plus pauvres eux, peuvent bien attendre encore !

Tout cela n'est pas à la hauteur. Il est grand temps d'arrêter cette politique naïve, qui consiste à distribuer de l'argent aux entreprises, en se disant qu'un jour ou l'autre, cela aboutira à créer un peu d'emploi. Chaque fois qu'on évalue vos politiques prétendument modernes d'allègement de cotisation ou de CICE – crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi –, le coût d'un emploi créé se révèle exorbitant !

Il est grand temps de cesser les gros chèques en blanc et de conditionner les aides aux entreprises ; nous proposerons différents amendements en ce sens, sans grandes illusions. Dans l'attente d'un changement de logiciel économique, nous ne voterons pas les crédits de la mission.

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