Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mercredi 3 novembre 2021 à 15h00
Vigilance sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Entre le mois de mars 2020, date de l'adoption du régime de l'état d'urgence sanitaire, et aujourd'hui, la situation a radicalement changé. En mars 2020, nous n'avions ni masques, ni gel hydroalcoolique, ni blouses dans les hôpitaux, ni tests de dépistage. Nous ne connaissions ni les gestes barrières, ni les mesures de distanciation sociale, et pas non plus, ou si peu, le télétravail. Et surtout, nous n'avions pas de vaccin.

Aujourd'hui, dix-huit mois plus tard, nous avons tout cela et nous avons les vaccins. Presque 75 % de la population française a un schéma vaccinal complet et certaines tranches d'âge sont vaccinées à plus de 90 %. Bref, la situation a radicalement changé. Il convient donc d'adapter nos outils à la réalité sanitaire afin de revenir à une vie la plus normale possible.

Et pourtant, vous nous demandez, avec ce nouveau projet de loi, de vous accorder la possibilité de rétablir des mesures d'exception quand bon vous semble, cela jusqu'au 31 juillet 2022. Rien que cela ! Sous prétexte de vigilance sanitaire, au nom du sacro-saint principe de précaution, il vous serait possible, jusqu'à cette date, d'activer le passe sanitaire, de déclencher l'état d'urgence sanitaire si la situation l'exige et de prolonger différentes mesures, telles que le port du masque, les jauges, les fermetures des commerces de proximité, et j'en passe.

Mais surtout, vous vous donnez la possibilité de le faire pendant une période très particulière puisque celle-ci enjambe pas moins de deux élections, et non des moindres : la présidentielle en avril et les législatives en juin prochain. Ainsi, cette période si longue et si sensible politiquement vous permettrait de facto de dessaisir le Parlement de ses prérogatives de contrôle du Gouvernement et vous épargnerait un débat législatif en pleine campagne électorale, qui pourrait s'avérer préjudiciable à l'actuel président de la République. Ainsi, cette décision d'enjamber les élections reviendrait à consentir à l'avance à des restrictions importantes de libertés sans savoir à quel président ou à quelle majorité ces mesures pourraient éventuellement nuire ou profiter.

Pour toutes ces raisons, nous ne vous donnerons pas le blanc-seing escompté. Pour toutes ces raisons, je vous proposerai, comme en première lecture et comme l'a fait le Sénat, de ramener l'échéance du 31 juillet 2022 au 28 février, date de suspension prévue des travaux parlementaires avant les échéances électorales.

D'abord parce que, dans la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, que nous avons examinée ici même en juillet dernier, nous avions finalement, après de vives discussions – souvenez-vous, il y avait même eu casus belli avec le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés sur le sujet –, porté à trois mois et demi la durée d'application du passe sanitaire, soit jusqu'au 15 novembre. Il serait donc aujourd'hui logique de prolonger cette durée, là aussi de trois mois et demi. Comme l'a si bien dit le rapporteur du Sénat, Philippe Bas : « Trois mois et demi, ça va ; huit mois et demi, c'est trop. »

Ensuite parce qu'il y va du débat démocratique en France : la clause de revoyure est nécessaire avant de suspendre nos travaux et, en février prochain, nous aurons suffisamment de recul sur la période hivernale si redoutée.

Vous ne voulez pas non plus entendre parler de la territorialisation du passe sanitaire. Pourtant, quoi de plus raisonnable que de circonscrire l'utilisation du passe géographiquement et en fonction de la circulation de l'épidémie ? Ce serait une mesure de bon sens, qui parlerait à tous les Français. De plus en plus de collectivités plaident d'ailleurs pour cette territorialisation. En septembre dernier, le porte-parole du Gouvernement lui-même avouait réfléchir à adapter les choses dans certains départements – une bonne façon de donner corps au fameux couple maire-préfet dont vous nous avez longtemps rebattu les oreilles mais qui a surtout existé dans votre imagination.

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