Mes chers collègues, nous recevons ce matin Mme Corinne De Bilbao, présidente de General Electric France, et M. Jérôme Pécresse, président-directeur général de General Electric Énergies renouvelables.
Nous avons reçu les organisations syndicales de GE la semaine dernière ; il nous a semblé pertinent d'organiser ces auditions au moment où le groupe lance un grand plan de restructuration pour recentrer ses activités et où Alstom, fusionnant avec Siemens, pourrait envisager de se retirer des trois co-entreprises créées il y a trois ans.
Madame De Bilbao, vous êtes spécialiste du secteur de l'énergie ; vous avez remplacé à la tête de GE France M. Mark Hutchinson, qui assurait l'intérim depuis le départ de Mme Clara Gaymard. Vous bénéficiez d'une grande expérience industrielle au sein des différentes activités de GE : après un début de carrière chez GE Healthcare, vous avez occupé des postes de direction en Europe dans le secteur de l'énergie, dont celui de directrice générale européenne de l'entité GE « Oil & Gas », où vous avez piloté l'intégration de plusieurs acquisitions industrielles.
GE réalise environ 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires dans notre pays où il compte 16 000 collaborateurs, dont plus de 11 000 pour les seules activités du secteur de l'énergie. Ses trois principaux sites de production sont à Belfort, où le centre de technologies pour les turbines à gaz est le siège de l'activité de GEAST, la joint-venture GE-Alstom dans le domaine du nucléaire, à Buc, avec GE Healthcare, et enfin au Creusot, en Saône-et-Loire, pour l'activité « Oil & Gas ».
Monsieur Pécresse, vous avez été nommé en 2011 président d'Alstom Renewable Power et vice-président exécutif d'Alstom. À ce titre, vous avez vécu le rachat de la branche énergie d'Alstom par GE. Vous êtes maintenant président-directeur général de GE Énergies renouvelables, l'une des trois co-entreprises constituées entre Alstom et GE.
Vous pourrez nous parler de la stratégie de GE en matière d'énergies renouvelables, notamment en matière d'hydraulique – l'importance de ce sujet a été soulignée devant nous par les syndicats de GE « Hydro » de Grenoble, puisqu'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) est en cours.
Nous souhaiterions aujourd'hui dresser un bilan du rachat de la branche énergie d'Alstom par GE, et faire un point d'étape sur la tenue des engagements pris à l'époque. Le groupe s'était en effet engagé lors du rachat de la branche énergie d'Alstom à créer 1 000 emplois nets dans notre pays d'ici à la fin de l'année 2018, et à ne fermer aucun site de fabrication jusqu'en novembre 2018.
Cependant, un plan d'économies européen lancé en janvier 2016 a déjà conduit à la disparition de 590 postes en France. General Electric vient en outre d'annoncer la suppression de 4 500 postes en Europe, dans le cas cadre de la restructuration de son pôle Énergie. La France ne sera cette fois pas concernée, en vertu des accords de juin 2014. Où en est-on précisément de la tenue de ces engagements ? Où en est par exemple la création de la Digital Foundry à Paris, centre d'excellence pour les logiciels qui devait employer 250 personnes d'ici 2018 ? De manière plus générale, existe-t-il un instrument de suivi des créations d'emploi ? Les organisations syndicales, qui étaient visiblement de bonne foi, n'ont pas été en mesure de nous éclairer sur ce point ; j'espère que vous pourrez le faire.
GE souhaite ouvrir, au second semestre 2018, une usine de production de pales d'éoliennes à Cherbourg. Les syndicats considèrent qu'il n'y a aucune raison de comptabiliser ces 550 emplois dans les 1 000 promis par l'accord de 2014. Nous aimerions entendre votre version.
M. John Flannery, le nouveau président-directeur général de GE, a déclaré il y a quelques semaines que l'acquisition d'Alstom était « très décevante ». Comment expliquez-vous ce sentiment, exprimé par l'un des négociateurs de ce rachat ? Partagez-vous cette déception, et pourquoi ? Le protocole d'accord signé le 21 juin 2014 entre GE et Alstom prévoit la création de trois sociétés communes dont le contrôle opérationnel est dévolu à GE, mais avec des droits de gouvernance pour Alstom et des garanties sur la localisation en France des quartiers généraux.
Or nous avons entendu les organisations syndicales, et nous avons reçu hier M. Arnaud Montebourg, qui n'est plus aujourd'hui qu'un témoin attentif. Une expression revient souvent : Alstom se comporterait en « actionnaire dormant » dans ces trois co-entreprises. Quel est votre sentiment sur ce point ? De manière très concrète, quel était le rythme de réunions des conseils d'administration des joint-ventures au cours des trois dernières années ?
En septembre 2018, à l'issue du rapprochement avec Siemens, Alstom pourra se désengager de ces trois alliances avec GE à un prix fixé. Estimez-vous qu'Alstom utilisera cette possibilité ? GE exercera-t-il sinon les options d'achat de ses actions dans les co-entreprises ?
Quel bilan tirez-vous de l'activité de GEAST, la joint-venture GE-Alstom dans le domaine du nucléaire ? L'État français a-t-il fait usage de son droit de veto sur les décisions stratégiques de cette co-entreprise ?
M. Montebourg nous a signalé hier qu'il avait un doute sur la présence effective de l'administrateur représentant l'État lors des conseils d'administration. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ? Certains acteurs estiment que votre relation avec EDF, votre client, s'est tendue depuis le rachat. Qu'en est-il ? Où en est aussi la fabrication des turbines, qui doit avoir lieu sur le site de Belfort dans le cadre du contrat de 1,9 milliard de dollars signé entre GE et EDF pour le projet de centrale à Hinkley Point ?
Quel bilan tirez-vous de l'activité de la co-entreprise établie dans les énergies renouvelables ? Vous disiez en 2016, monsieur Pécresse, que l'acquisition d'Alstom avait transformé l'activité en la rendant, grâce à l'apport de la branche hydraulique, plus diversifiée et plus internationale. Ce constat vaut-il toujours aujourd'hui ?
Il nous a paru normal de vous entendre rapidement après avoir entendu des organisations syndicales, notamment sur les dossiers en cours. Toutefois les questions relatives notamment à la condition de la cession d'Alstom à GE sont nombreuses, et notre travail ne fait que commencer. Nous vous entendrons donc sans doute à nouveau par la suite.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.