Intervention de Jérôme Pécresse

Réunion du jeudi 14 décembre 2017 à 9h30
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Jérôme Pécresse, président-directeur général de General Electric Énergies renouvelables :

Plus de cinquante réunions ont été organisées avec les organisations syndicales dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi. Nous avons donc eu l'occasion d'échanger avec elles à de nombreuses reprises.

GE a effectivement des marges supérieures à celles dont disposait Alstom pour investir dans les énergies renouvelables. Nous ne sommes pas présents, sinon marginalement, dans le solaire, mais nous investissons dans l'éolien terrestre partout dans le monde, dans l'éolien offshore en France – et nous continuerons à le faire – et nous essayons de redresser, voire de développer notre activité hydroélectrique. C'est un pilier sur lequel le General Electric de demain veut s'appuyer : John Flannery l'a annoncé et je m'en félicite. Mois après mois, la transition énergétique que nous appelons de nos voeux s'accélère. En conséquence, la demande pour les équipements renouvelables, principalement le solaire et l'éolien, croît, et le prix de ces énergies et de ces équipements baisse, ce qui nous contraint à faire des efforts de compétitivité.

Le marché de l'hydraulique – auquel je suis attaché, car j'ai géré cette activité chez Alstom à partir de 2011 – n'est plus en croissance. Il est stable, à un niveau très inférieur à celui que nous avons connu en 2010 et en 2011. Lorsque je suis arrivé chez Alstom, nous avions d'énormes projets au Brésil, mais nos clients, des génie-civilistes brésiliens, ont tous été pris dans la tourmente des scandales de corruption. Ce à quoi s'ajoute le fait que les grands projets en Amazonie ne sont plus acceptés pour des raisons environnementales ; du coup, le marché brésilien, qui est notre premier marché dans le monde, s'est écroulé. Quant au marché chinois, il est à un niveau inférieur à ce qu'il était. Le marché des équipements neufs dans l'hydroélectricité a donc beaucoup baissé : les grands projets notamment, pour lesquels l'intensité concurrentielle était moindre, ont disparu.

Le marché de l'hydroélectricité est donc recentré sur trois segments : premièrement, des projets neufs de plus petite taille – je pense notamment à la petite « hydro », sur laquelle nous voulons recentrer le site de Grenoble – ; deuxièmement, de gros projets de réhabilitation en Amérique du Nord, un peu au Brésil, hélas ! moins en Europe car les grands groupes hydroélectriques européens sont des groupes nationaux qui n'ont pas beaucoup d'argent à investir dans leur outil de production, notamment en France, où ces investissements sont obérés par les incertitudes liées au renouvellement des concessions ; reste toutefois le segment de la réhabilitation. Le troisième segment est celui de l'hydroélectricité en tant que stockage : le pompage-turbinage a un rôle à jouer parallèlement au développement des énergies renouvelables intermittentes.

Je ne dis pas que le marché de l'« hydro » est mort, mais le chiffre d'affaires de cette activité est passé de 2 milliards en 2011, lorsque je l'ai récupérée, à environ 1,1 ou 1,2 milliard aujourd'hui, sans que nous ayons perdu de parts de marchés significatives. Nous avons essayé de tenir pendant des années en restructurant – partout sauf en France, croyez-moi, madame la ministre. Mais l'an dernier, force a été de faire le constat – qui a conduit à l'annonce de début juillet – que nous n'y arrivions plus et qu'il nous fallait toucher au site de Grenoble. Ce site, qui compte actuellement environ 850 personnes, n'en comptera plus, à l'issue du plan, qu'environ 500, mais nous essaierons de limiter au maximum les départs contraints. Cela correspond au niveau d'emploi du site durant la période 2005-2010. Nous recentrerons donc l'activité de production sur la petite « hydro » et l'activité d'essais modèles. Nous avons ainsi fermé des bancs d'essai à l'étranger pour concentrer la quasi-totalité de cette activité à Grenoble. Nous continuerons à développer ce site comme un pôle mondial d'attraction en matière de recherche et développement et d'ingénierie, en travaillant avec l'écosystème local, et comme le centre de direction de notre activité Europe. Il y a donc un avenir pour l'hydroélectricité au sein de GE et pour le site de Grenoble au sein de cette activité globale hydroélectrique ; son poids relatif va croître au sein des activités mondiales dont j'ai la charge, mais je ne crois pas que nous reverrons les belles années de l'hydroélectricité que nous avons connues en 2010 et 2011. Ce marché s'est aujourd'hui largement déporté vers la Chine et des clients chinois.

J'aimerais vous dire qu'EDF m'a passé beaucoup de commandes, mais je n'en ai reçu aucune, à part quelques petites commandes de service. J'aimerais vous dire que des groupes comme Bouygues, Vinci ou Eiffage sont très actifs dans l'hydroélectricité mais, actuellement, tous les projets, dans le monde entier, sont réalisés par les grands génie-civilistes chinois ; c'est une réalité de marché à laquelle nous devons, hélas ! faire face. Certes, seul un tiers du potentiel hydroélectrique mondial est équipé, mais la majeure partie des deux tiers restants correspond à des barrages que l'on ne fera jamais pour des raisons d'acceptabilité environnementale. L'avenir, s'il existe, réside donc dans le développement de la réhabilitation et du petit « hydro » et dans l'affirmation de la place de Grenoble en matière d'expertise technique et d'ingénierie.

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