Intervention de Christine Cloarec-Le Nabour

Séance en hémicycle du jeudi 4 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Santé ; solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Cloarec-Le Nabour, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales :

La discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2022 intervient dans un contexte heureusement différent de celui dans lequel était intervenu l'examen du projet de loi de finances pour 2021, contexte marqué par une amélioration de la situation économique. Nous devons nous réjouir de cette perspective, tout en continuant à redoubler d'efforts pour améliorer la situation des Français les plus fragiles. La mission budgétaire Solidarité, insertion et égalité des chances est, en effet, celle dont les crédits ont le plus augmenté depuis cinq ans, passant de 19,7 milliards d'euros en 2017 à 27,6 milliards en 2022, soit une augmentation de 50 %, ce qui est considérable.

Le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes connaît une augmentation importante de 6,08 %. Parmi les chantiers les plus emblématiques de ce programme, il convient de noter le soutien à la prime d'activité – qui achève sa montée en charge et dont 4,3 millions de foyers bénéficient à l'heure actuelle –, l'expérimentation de la recentralisation du RSA pour les départements volontaires – dont celui de la Seine-Saint-Denis – ou encore la poursuite des efforts en faveur des stratégies de prévention et de protection de l'enfance et de lutte contre la pauvreté.

Les crédits consacrés au programme 157 Handicap et dépendance sont également en hausse de 4,54 % par rapport à l'année dernière. La nouvelle réforme du calcul de l'AAH pour les bénéficiaires en couple s'inscrit dans cette mission et permettra à 120 000 foyers de bénéficier d'une hausse moyenne de 110 euros par mois. Je tiens à rappeler ici qu'au total, entre 2017 et 2022, les dépenses au titre de l'allocation aux adultes handicapés auront progressé de 25 %.

Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes connaît une augmentation de 21 %, supérieure à celle de l'année précédente. La protection des femmes contre les violences tient ainsi une place centrale dans le budget pour 2022.

Enfin, les crédits dédiés au programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales sont en légère hausse, marquant un renforcement des moyens humains affectés aux politiques sanitaires et sociales.

Je souhaite à présent insister sur un chantier essentiel qui constitue la deuxième partie du rapport pour avis que j'ai publié et qui se situe à la croisée de plusieurs politiques au cœur de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances" : il s'agit de la protection et de l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables. Ces jeunes, qui sortent du dispositif de protection de l'enfance ou qui, s'ils n'ont pas été pris en charge par ces services, sont néanmoins confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre, cumulent, nous le savons, les vulnérabilités. À la fragilité de leurs liens familiaux et amicaux s'ajoutent souvent d'importantes difficultés pour trouver un logement stable et être autonomes. Il faut également évoquer, bien sûr, l'éloignement des études supérieures et de l'emploi, mais aussi la récurrence des situations de handicap et de souffrances psychologiques ou psychiques.

Or la réponse apportée à ces situations apparaît insuffisante. D'une part, ces jeunes subissent ce que l'on appelle de manière récurrente une « injonction à l'autonomie » qui les pousse à être indépendants bien avant les autres, alors même qu'ils disposent de moindres ressources financières et familiales. D'autre part, la prise en charge proposée est inégale selon les territoires. Le contrat jeune majeur, qui permet au jeune d'être suivi jusqu'à ses 21 ans par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE), fait ainsi l'objet d'une application à géométrie variable selon les départements.

Tout en reconnaissant les nombreux efforts consentis en faveur de ces jeunes, je souhaite aujourd'hui, dans la perspective des débats à venir sur le projet de loi relatif à la protection des enfants, présenté par le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles Adrien Taquet, formuler un certain nombre de propositions.

Premièrement, poursuivre le décloisonnement des différents outils de la politique d'aide aux jeunes majeurs constitue, à mes yeux, la principale priorité. Au-delà de la coopération entre services, à l'image de l'accord-cadre signé entre l'Union nationale des missions locales (UNML), l'Union nationale pour l'habitat des jeunes (UNHAJ) et la Convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE), il apparaît essentiel d'assurer un pilotage visant à garantir la cohérence, le suivi et l'évaluation de l'accompagnement proposé aux jeunes. Ce pilotage pourrait être confié au commissaire à la diversité et à l'égalité des chances.

Deuxièmement, il serait nécessaire de parfaire le dispositif d'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables, ce qui est prévu dans le projet de loi relatif à la protection des enfants. Il est envisagé qu'un contrat jeune majeur ou une entrée en garantie jeunes soit systématiquement proposé aux jeunes majeurs pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Ces jeunes seront, de fait, éligibles au contrat d'engagement jeune annoncé par le Président de la République et le Premier ministre cette semaine.

Troisième proposition : ouvrir cet accompagnement aux jeunes n'ayant pas été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et aux jeunes majeurs issus des dispositifs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui connaissent la plupart du temps les mêmes vulnérabilités que les publics de l'ASE.

Enfin, il conviendrait d'expliciter la possibilité d'un droit au retour dans le dispositif d'accompagnement afin de mettre fin à l'injonction à l'autonomie ou encore de mettre en place un contrôle du respect par les départements de leurs obligations relatives à l'aide aux jeunes majeurs vulnérables.

Je vous invite à prendre connaissance de mon rapport afin d'y retrouver l'ensemble des propositions formulées, issues des auditions que j'ai menées concernant la protection des anciens mineurs non accompagnés confiés à l'ASE, l'accès au logement ou encore l'amélioration urgente de la prise en charge des jeunes majeurs vulnérables en situation de handicap ou de détresse psychique ou psychologique. Je tiens, à ce titre, à remercier toutes les personnes qui ont été auditionnées. Je voterai bien sûr en faveur des crédits de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances" .

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