Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du jeudi 4 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Santé ; solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Nous avons aujourd'hui à nous prononcer sur les crédits de deux missions dont les enjeux se trouvent en pleine lumière et qui correspondent, d'une part, à notre politique de solidarité et de réduction des inégalités et, d'autre part, à notre politique de santé publique.

La première est soumise à rude épreuve. Nous venons de travers une crise à la fois sanitaire et économique et, bien que les derniers rapports sur le sujet affichent une stabilisation de la pauvreté, le ressenti, dans les territoires, est quelque peu différent. Les files d'attente s'allongent devant les distributions alimentaires et le nombre d'allocataires du RSA ne cesse de croître.

La seconde – notre politique de santé publique – est également bouleversée par la crise née du covid-19, qui a jeté une lumière crue sur ses failles. Alors que ces deux politiques publiques majeures devraient répondre aux enjeux soulevés par la crise, la stratégie développée par les deux missions correspondantes n'est pas à la hauteur ; logiquement, les crédits qu'elles ouvrent traduisent ce déficit de stratégie.

Je n'en prendrai que quatre exemples. Le premier concerne les crédits alloués à l'aide alimentaire. Malgré les files d'attente qui s'allongent devant les distributions, vous avez l'audace de proposer une baisse de 12 % – soit 8 millions d'euros – des crédits dédiés à l'aide alimentaire entre 2021 et 2022. En commission des affaires sociales, vous nous avez expliqué qu'avec le concours des fonds européens, ils vont en fait augmenter de 400 000 euros, soit un petit 1 % d'augmentation, alors que les dernières données disponibles montrent qu'en 2020, les volumes d'aide alimentaire distribués ont augmenté de 10 %. Dès lors, que vont distribuer les épiceries solidaires et les associations de secours à toutes les personnes qui se trouvent dans le besoin ? Que ferez-vous pour les jeunes étudiants dans le besoin qui ne seront pas éligibles au contrat d'engagement jeune ?

Mon deuxième exemple a trait à l'action Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, qui abonde des crédits pour la prévention des maladies neurodégénératives, des cancers et des addictions comme le tabac et l'alcool, ainsi que pour la santé sexuelle. Ce que vous proposez, à savoir une stabilité des crédits en autorisations d'engagement (AE) – qui correspond en réalité à une baisse, une fois l'inflation prise en compte – et une baisse en crédits de paiement, reflète votre manque d'ambition en la matière, s'agissant d'enjeux pourtant cruciaux. Tous les experts en santé publique nous invitent d'ailleurs à réorienter notre système de santé vers la prévention des maladies chroniques.

Mon troisième exemple concerne les crédits alloués à l'allocation aux adultes handicapés. Ils augmentent de 4 % mais cela couvre en partie la hausse du nombre de bénéficiaires. S'élevant à 900 euros environ, le montant mensuel à taux plein restera toutefois largement en dessous du seuil de pauvreté. Outre cette stabilisation des crédits qui ne dit pas son nom, vous n'accédez toujours pas, dans ce PLF, à la principale demande des allocataires de l'AAH et des associations qui les représentent : pouvoir vivre dans la dignité. En effet, malgré l'unanimité des groupes d'opposition en faveur d'une telle mesure, vous n'ouvrez pas la voie à la déconjugalisation de l'AAH, et vous y substituez ici une réformette du mode de calcul. Le refus que vous opposez à la dignité de ces millions de personnes, c'est quelque part votre indignité.

Enfin, mon quatrième exemple intéresse les crédits du programme Égalité entre les femmes et les hommes. C'est prétendument la grande cause du quinquennat mais, en réalité, les crédits qui oui sont dévolus en autorisations d'engagement baissent de 2,6 % – soit 1,3 million d'euros en moins en 2022, ce qui augure de baisses à long terme –, même si les crédits de paiement, eux, augmentent de 22 %. En ce domaine nous saluons les mesures que vous avez prises, bien qu'elles soient largement insuffisantes, comme l'ouverture vingt-quatre heures sur vingt-quatre du numéro d'écoute national 3919. Mais quelle est votre ambition réelle, lorsque vous baissez les autorisations d'engagement de ce programme de presque 3 % par rapport à 2021 ? Comment allez-vous lutter contre les violences faites aux femmes en baissant les crédits engagés à cette fin, alors qu'une femme décède tous les trois jours, victime de son partenaire ou de son ex-partenaire ? Comment allez-vous lutter contre les inégalités salariales ? Toutes les femmes, les associations de défense de leurs droits et l'ensemble de la société française vous le demandent.

Alors que les inégalités sociales sont toujours d'actualité, que l'inclusion des personnes handicapées ne progresse pas, que votre ambition affichée en matière de transformation du système de santé ne trouve pas de déclinaison budgétaire et que les inégalités entre les femmes et les hommes sont toujours aussi criantes, vous n'apportez, dans ces deux missions, aucune réponse globale. En toute logique, le groupe Socialistes et apparentés votera contre les crédits des missions Solidarité, insertion et égalité des chances et Santé.

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