Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du vendredi 5 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Gestion des finances publiques ; transformation et fonction publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; remboursements et dégrèvements ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

En 2022, la mission "Remboursements et dégrèvements" restera la première en volume du budget de l'État et devrait représenter l'équivalent de 31 % des recettes fiscales brutes, soit 130,6 milliards d'euros, montant équivalent à celui prévu lors de la dernière loi de finances. Le niveau de ces atténuations de recettes est redescendu par rapport au pic atteint en 2020, qui s'est établi à 151 milliards d'euros, soit 37 % des recettes fiscales brutes. Elles demeurent toutefois élevées si l'on se place dans une perspective de moyen à long terme. Les remboursements et dégrèvements ont en effet doublé depuis 2006 quand le PIB et les recettes fiscales brutes n'augmentaient que d'un peu plus de 20 %.

Pour 2022, la direction générale des finances publiques n'estime qu'à 1,3 milliard d'euros, soit à peine 1 %, la progression des remboursements et dégrèvements par rapport à la prévision pour 2021. En réalité, cette stabilité apparente, qui restera à confirmer en cours d'exercice, cache quelques évolutions opposées au sein de ces restitutions ainsi que des points d'inquiétude qui ne sont malheureusement pas nouveaux.

Concernant le programme principal, Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, évalué à 124 milliards d'euros, j'observe une hausse importante des remboursements de TVA – de près de 6 milliards d'euros –, essentiellement due à la reprise de l'activité économique cette année. Les entreprises sont plus facilement créditrices lorsque leur consommation intermédiaire ou leurs investissements progressent. À l'opposé, je constate une baisse importante des remboursements au titre de l'impôt sur les sociétés, de l'ordre de 4 milliards d'euros. Là encore, c'est la reprise économique qui explique cette dynamique : l'accroissement des bénéfices imposables diminue les situations dans lesquelles l'impôt dû est inférieur aux acomptes versés.

L'extension à tout le territoire de l'expérimentation du crédit d'impôt contemporain pour les services à la personne coûtera 1,1 milliard d'euros. Prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, cette expérimentation a débuté à Paris et dans le Nord. Elle permet à un particulier ayant recours à l'emploi à domicile de bénéficier, dès le paiement de la prestation, de la prise en compte du crédit d'impôt, donc d'une réduction immédiate du prix, ce dont je me félicite. Je rappelle que le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, dont le coût est de 4,8 milliards d'euros, représente la troisième plus grosse dépense fiscale.

Comme vous le savez, j'ai déposé, lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, un amendement visant à ce que le contribuable renseigne l'activité au titre de laquelle il souhaite bénéficier de cet avantage fiscal, amendement qui a reçu l'avis favorable de M. le rapporteur général mais auquel le Gouvernement s'est hélas opposé en séance publique, même si des engagements ont été pris par le ministre. Lors de l'examen des articles non rattachés, j'aurai l'occasion de proposer d'autres réformes touchant au plafonnement ou à l'éligibilité de ces activités.

Je remarque, dans le même programme, le niveau toujours très élevé des risques de décaissements liés à des contentieux fiscaux : la provision qui figure dans le budget atteint 3,6 milliards d'euros, montant qui correspond pour l'essentiel aux affaires très anciennes liées aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et au précompte.

J'en viens maintenant au second programme de la mission, Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux. Ceux-ci sont évalués à 6,6 milliards d'euros : là encore, des évolutions opposées se cachent derrière la stabilité apparente – l'écart atteint en effet à peine 300 millions d'euros. Je note par exemple que les dégrèvements de taxe foncière augmentent de plus de 7 % : ces restitutions sont la conséquence de réclamations, gracieuses et contentieuses, à la suite d'erreurs d'attribution. Ces dernières résultent de retards dans l'enregistrement des mutations immobilières par les services de la publicité foncière. D'après la DGFIP, la hausse plus forte en 2022 s'expliquerait tout simplement par le dynamisme du marché de l'immobilier, mais je doute que ce soit la seule raison. Comme je m'en étais inquiétée lors de la discussion du PLF pour 2020, les services de publicité foncière subissent des pertes d'effectifs depuis des années et des regroupements de services importants, ce qui explique, à mon sens, ces retards trop nombreux.

Toujours sur les restitutions d'impôts locaux, je constate, en sens opposé, une baisse de 9 % des atténuations de contribution économique territoriale, conséquence de mesures de la loi de finances pour 2021 : réduction du plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) en fonction de la valeur ajoutée et diminution du dégrèvement barémique du fait de la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

En conclusion, je vous invite, malgré ces craintes, à voter les crédits de cette mission, qui, je vous le rappelle, ne sont qu'évaluatifs. Comme j'interviens à cette tribune pour la dernière fois de la législature en tant que rapporteure spéciale de la commission des finances, vous me permettrez, monsieur le président, de remercier sincèrement les deux administrateurs qui m'ont accompagnée dans l'examen de cette mission, M. Adrien Gros puis M. Raphaël Cazaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.