Intervention de Paul-André Colombani

Séance en hémicycle du vendredi 5 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Gestion des finances publiques ; transformation et fonction publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; remboursements et dégrèvements ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul-André Colombani :

Les crédits que nous examinons traduisent l'engagement des agents et la qualité de nos services publics. Cependant, ce dernier budget, à l'image de votre quinquennat, aura conduit à aggraver les fractures territoriales et à réduire l'autonomie des collectivités dans chacune de ces missions.

Je commencerai par la mission "Gestion des finances publiques" . Les choix qui ont été faits pour rationaliser le maillage territorial de la DGFIP ont eu de lourdes conséquences sur les territoires, particulièrement en Corse et en montagne. Vous avez été guidés par une logique de chiffres et vous avez oublié la qualité du service public. Les fermetures successives de trésoreries ne sont pas anodines, car la fermeture des guichets rompt le lien entre le citoyen et l'État.

Depuis cinq ans, vous refusez d'entendre que chaque territoire a ses particularités et que les politiques publiques appliquées uniformément ne peuvent qu'être sources d'injustices.

Je dois vous faire part des inquiétudes des citoyens de mon territoire. La Corse compte de nombreuses zones blanches. On ne peut pas substituer un guichet physique à un service à distance, qu'il soit téléphonique ou numérique. Les alternatives que vous proposez sont souvent inadaptées, notamment face à certains publics âgés ou fragiles, peu à l'aise avec cette technologie.

Notre groupe Libertés et territoire vous alerte également sur les transferts de compétences entre douanes et DGFIP. Je pense notamment au recouvrement du droit annuel de francisation et navigation. Cette situation conduit à des suppressions de postes pour les douanes, en particulier en Corse. Ce transfert devait faire l'objet d'une ordonnance toujours non publiée.

J'en viens aux crédits de la mission "Transformation et fonction publiques" , qui sont un peu au fondement des services publics. La volonté du Gouvernement, pendant ce quinquennat, était de moderniser notre fonction publique. A-t-il réussi ? Notre groupe prend acte des dispositifs déployés pour diversifier la haute fonction publique comme le plan Talents du service public. Cependant, les inégalités territoriales persistent. Il reste difficile pour les jeunes de nos régions d'accéder à ces fonctions sans passer par la capitale, ce qui est plus que regrettable. La réforme annoncée par le Président de la République ne permettra pas d'inverser cette tendance.

Notre groupe vous alerte également sur certaines décisions prises en verticalité, sans associer les collectivités. Je pense à la revalorisation des agents publics de catégorie C. Elle était nécessaire et nous l'avons toujours soutenue. Sans cette revalorisation, ces agents auraient été en dessous du SMIC. Néanmoins, le coût sera très élevé pour certaines communes. Comment trouver les crédits supplémentaires en fin d'année pour appliquer cette mesure ?

Bien entendu, les collectivités doivent continuer à jouir d'une autonomie financière pleine et entière, mais lorsqu'un choix est fait d'en haut, par l'État, il doit s'accompagner des financements nécessaires. C'est à cette seule condition que les collectivités conserveront des marges de manœuvre et donc une véritable liberté de choix.

Venons-en aux remboursements et dégrèvements. En 2022, ils représentent près de 30 % de nos recettes fiscales brutes, un niveau élevé – c'est deux fois plus qu'il y a 15 ans. Les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux représenteraient 6,6 milliards d'euros.

Je concentrerai mon propos sur les conséquences de la suppression progressive de la taxe d'habitation. En 2021, 80 % des Français ne la payaient plus. Pour les 20 % restants, l'allègement sera de 65 % en 2022, et en 2023 plus aucun foyer ne paiera la TH sur sa résidence principale. Si cette réforme entraîne un indéniable gain de pouvoir d'achat, elle n'en constitue pas moins un effort financier principalement destiné aux ménages les plus aisés. En effet, la moitié du coût total anticipé de la mesure sera consacrée au financement de l'allègement en faveur des 20 % les plus aisés. En outre, les modalités retenues pour la compensation des collectivités sont plus que contestables. D'abord, elles reposent, pour l'essentiel, sur un affaiblissement de leur pouvoir fiscal. En effet, les départements comme les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont appelés à recevoir un produit de TVA sur lequel ils n'exercent, par construction, aucun pouvoir de taux ou d'assiette. Ensuite, elles impliquent de substituer un impôt inégalitaire, la TVA, à la TH, qui, malgré d'autres écueils, tenait compte, dans une certaine mesure, du revenu des ménages. C'est donc une perte d'autonomie fiscale supplémentaire qui conduit, sous votre quinquennat, à briser encore un peu plus le lien entre citoyen local et collectivité.

Pour l'ensemble de ces raisons, notre groupe ne votera pas ces crédits.

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