« Soit on mange, soit on chauffe. » Émilie, mère célibataire avec deux enfants, auxiliaire de vie à domicile pour un salaire de 950 euros net par mois.
« C'est aberrant d'en être rendue à vivre comme ça. Je ne veux plus me coucher avec les pieds gelés. » Joëlle, aide-soignante pour 1 600 euros net par mois
« Ras le bol. Tout augmente sauf les salaires. C'est une honte. Se chauffer est devenu un luxe. Je ne m'autorise déjà plus aucun écart, alors si je n'arrive pas à compenser l'augmentation des tarifs de cet hiver, c'est sur les courses de nourriture que je devrai me priver. » Fabienne, aide-soignante de nuit dans un foyer associatif pour personnes en situation de handicap pour un salaire net de 1 550 euros mensuels.
« C'est un vol organisé. » Mehdi, infirmier en psychiatrie.
Ils sont nombreux à ne pas pouvoir se permettre d'allumer le chauffage. Ils font avec le système D : des plaids, des bouillottes dans les lits, des pulls et des manteaux à la maison. L'hiver dernier déjà, plus d'un Français sur deux avait été obligé de réduire son chauffage pour faire baisser sa facture d'énergie – le Médiateur national de l'énergie indique qu'ils étaient deux fois moins nombreux à y être contraints deux ans auparavant. Près de 20 % des familles interrogées ont déclaré avoir souffert du froid dans leur logement pendant au moins vingt-quatre heures en 2021, alors qu'elles n'étaient que 14 % en 2020.
Pourtant, je ne vois pas la trace de cette souffrance dans ce budget. Par exemple, vous sortez les tambours pour votre dispositif MaPrimeRénov', présenté comme ultra-ambitieux. Il serait la clé de la sobriété énergétique et l'outil pour lutter contre la hausse de la facture d'énergie, rien que cela. En fait, on dirait plutôt qu'il est parfaitement conçu pour ne pas s'attaquer frontalement au problème de la précarité énergétique.
Tout d'abord, ce dispositif ne cible pas ceux qui en ont le plus besoin, puisque le reste à charge pour les plus précaires est de 20 %. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est la Cour des comptes. Dans son audit flash sur ce dispositif, la Cour ajoute qu'il est majoritairement utilisé pour des petits travaux simples, comme l'isolation des fenêtres ou le changement des chaudières, et non pour une rénovation énergétique performante qui permettrait d'éliminer les passoires thermiques et qui garantirait des gains de consommation énergétiques. Il s'agit donc d'une mascarade qui vous permet de gonfler artificiellement les chiffres de la rénovation énergétique, sans jamais vous attaquer aux logements dont les étiquettes énergie sont les plus mauvaises. Les 4,8 millions de logements considérés comme des passoires thermiques et leurs habitants attendront !
Ce dispositif est assorti d'un chèque énergie de 100 euros, qui ne permettra pas de compenser la hausse vertigineuse des prix de l'énergie.
Madame la ministre, vous préférerez toujours laisser faire le marché plutôt que de le réguler drastiquement. Depuis l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie, les prix ont explosé : on a enregistré une augmentation de 50 % des prix de l'électricité et de 70 % de ceux du gaz, au détriment des usagers. Pendant ce temps, Engie, Total et EDF ont réalisé 13 milliards de bénéfices au premier semestre 2021. Si l'on prenait ne serait-ce que 10 % de ces profits, et qu'on les répartissait entre les 3 millions de familles qui se chauffent au gaz, on pourrait leur verser à chacune 500 euros.
Notre pays meurt peu à peu de ces privatisations successives. L'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie est un caprice de la Commission européenne qui nous aura coûté cher. II nous faut cesser cette folie. Nous devons bloquer les prix et construire un pôle public de l'énergie. Évidemment, il faut bloquer les prix avant augmentation, pas après, comme vous l'avez fait.
Un pôle public de l'énergie nous permettrait de planifier la sortie du nucléaire et le développement des énergies renouvelables. Aujourd'hui, l'investissement dans les énergies renouvelables est tributaire du prix de l'énergie, ouvert à la concurrence. Précisément à cause de ces prix, le soutien aux énergies renouvelables baisse. Peut-être que cela vous arrange…