Intervention de Loïc Prud'homme

Séance en hémicycle du vendredi 5 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Le transport, ou plutôt les transports, se trouvent au cœur des crises écologique et sociale que nous vivons. Les nuisances climatiques qu'ils provoquent et leurs effets sur les conditions de vie de nos concitoyens, notamment en matière de bruit et de pollution de l'air, sont tels qu'on peut estimer que les questions relatives aux transports relèvent de la responsabilité politique bien plus que de la technique.

Pourtant, une bonne partie des décisions politiques relatives aux transports échappent au Parlement et aux députés, et pas n'importe laquelle : celle relative aux infrastructures. Sachant que les choix d'infrastructures conditionnent les politiques de transport pour des décennies, il est complètement anormal qu'ils soient confiés à l'AFITF. Il s'agit d'une boîte noire, d'un opérateur de l'État soumis à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), donc au ministère de la transition écologique. Elle possède des ressources propres, issues de diverses taxes ; toutes les orientations sont dictées par le ministère, de sorte qu'elle ne dispose d'aucune autonomie décisionnelle et ne sert finalement que de caisse de financement.

Avec l'usage généralisé des fonds de concours, ces sommes utilisées à discrétion par le ministère, nous sommes devant un contournement du droit budgétaire et du pouvoir législatif du Parlement. Ni plus, ni moins.

De plus, à l'heure où nous devons débattre des orientations budgétaires pour les transports du pays, le budget prévisionnel de l'AFITF n'est pas connu. Exit donc les débats sur les infrastructures. Je ne peux pas voter la part de l'espace public réservée à tel ou tel moyen de transport, notamment pour aborder la place des mobilités actives : vous déciderez et l'AFITF exécutera. On peut toujours fixer des objectifs et des trajectoires, mais si nous n'avons aucun levier d'investissement en conséquence, quel intérêt ?

À mon avis, les investissements dans les infrastructures de transports en France ne sont pas seulement faibles ; ils sont surtout mal orientés, avec un avantage considérable aux routiers. Prenons l'exemple des mobilités actives, que j'évoquais à l'instant, et en particulier du vélo. Si 10 % du budget de l'AFITF y était consacré, contre seulement 1,7 %, nous aurions un plan Vélo à la hauteur des 9 % de part modale visés en 2024 et décidés en commun ; cela représenterait 500 millions par an, comme le demandent l'ADEME et toutes les associations du secteur.

Même chose pour le ferroviaire, mode de transport d'avenir par définition, pour lequel les dépenses d'infrastructures nous échappent. C'est d'ailleurs étonnant de voir que lorsque nous abordons certains sujets, l'argent magique se met à pleuvoir. Enterré il y a quatre ans par Macron lui-même, puis par le Conseil d'orientation des infrastructures, voilà que ressort opportunément des cartons le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest, le fameux GPSO. L'État s'apprête à y injecter 4 milliards et demande aux collectivités concernées de faire de même pour financer une LGV qui, au mieux, ferait gagner vingt-deux minutes entre Bordeaux et Toulouse et six minutes entre Bordeaux et Dax : 166 millions d'euros par minute gagnée ! Cela fait beaucoup d'argent, mais peu de bénéficiaires : les TGV ne transportent qu'un huitième du flux des passagers. Cette LGV aspire les investissements pour les années à venir, au détriment des mobilités du quotidien. Les Bordelais et les Toulousains continueront de perdre treize heures par mois dans les bouchons, soit chaque année six jours et quatorze heures non-stop, bloqués dans leur voiture, sans solution alternative.

Par ailleurs, le fameux Conseil d'orientation des infrastructures l'a précisé dans son rapport : moyennant des travaux sur ces lignes, il est possible d'obtenir les mêmes bénéfices en temps de trajet qu'une ligne nouvelle à un coût bien moindre. Mais cette option, votre gouvernement ne veut même pas l'envisager. Non, vous préférez artificialiser 4 830 hectares de zones naturelles agricoles, des sites Natura 2000 et des hectares de forêt.

Monsieur le ministre délégué, vous n'êtes pas responsable de la création de l'AFITF, ni de cet état de fait qui nous dépossède de nos prérogatives dénoncé par le Sénat et la Cour des comptes. Mais – il y a un « mais » – vous êtes coupable d'inaction depuis quatre ans pour sortir de cette opacité budgétaire. En réalité, cette opacité vous arrange ; vous l'organisez même, quand vous refusez de nous transmettre les rapports Philizot et Roche-Rapoport, qui concernent nos rails et nos routes. Finalement, vous êtes à l'image de la Macronie : un rideau de fumée et de communication permanente – et habile – pour décider seul et donner l'illusion que vous agissez pour l'intérêt des gens.

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