Intervention de Cédric Villani

Réunion du jeudi 7 décembre 2017 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

Le quatrième axe concerne les questions d'écologie, d'environnement. Il convient dans ce domaine de réfléchir pour savoir quelles sont les stratégies les plus et les moins gourmandes en énergie au moment où l'on développera les industries hardware européennes. On ne peut en effet se contenter d'une situation dans laquelle la construction des composants informatiques se fait sur d'autres continents : il y a là des enjeux de souveraineté, économiques. Lorsque ces industries seront lancées, il faudra soutenir le plus possible les architectures économes, recycler la chaleur produite, aller vers des technologies qui consomment moins et mettre en place des labels pour l'information des citoyens.

Le cinquième axe s'articule autour du triptyque « éthique-confiance-responsabilité », qui passe par le développement des techniques d'explicabilité des algorithmes, le travail sur les interfaces homme-machine, le fait de porter les débats sur la place publique, y compris sur des sujets très sensibles (dans le domaine de la défense par exemple) et d'expliquer le partage des responsabilités.

Enfin, le dernier axe est celui de la recherche, avec la satisfaction de constater qu'il existe, en Europe, une très forte expertise en recherche en intelligence artificielle dans tous les secteurs. En revanche, il apparaît que notre système de recherche souffre de maux importants : difficultés à organiser le dialogue avec les acteurs économiques – la France fait des progrès considérables en matière de valorisation de la recherche mais il reste encore beaucoup à faire –, difficultés à organiser la souplesse et la liberté. Le constat le plus difficile que j'ai dû faire lors des auditions a consisté à réaliser que si nos chercheurs performants quittent souvent le secteur public, si beaucoup de nos jeunes se retrouvent dans les centres étrangers ou dans les centres français des grandes multinationales américaines, c'est parce qu'ils y trouvent plus de liberté et de facilités. C'est, pour moi, le monde à l'envers : on a en effet coutume de dire que le fait d'aller dans le secteur privé revient à perdre de la liberté pour gagner en salaire et en moyens. Or nos collègues qui partent dans les grands laboratoires de Facebook ou de Google nous expliquent qu'ils ont beaucoup plus de liberté en pratique, au quotidien, que ce qu'ils avaient pu connaître dans le milieu universitaire public. Ils nous racontent qu'ils n'ont pas besoin de demander l'autorisation à l'avance pour faire des achats importants de matériel ou lancer des expérimentations, qu'ils peuvent s'amuser à tester leurs bonnes idées en faisant des calculs gigantesques avec des procédures extrêmement simples, qu'ils utilisent, pour leurs achats de petit matériel au quotidien, une carte bleue toute simple de leur entreprise au lieu d'avoir à demander l'autorisation à leur supérieur, qu'ils n'ont pas à rendre des comptes aussi régulièrement que dans le public et que, pour se faire financer, ils n'ont pas besoin de passer un temps infini à compléter des dossiers de candidature ANR. Nous avons donc un gros travail à accomplir entre nous pour trouver comment, a minima sur des sujets comme celui-ci où l'enjeu est considérable, protéger nos chercheurs et les dégager de nos propres contraintes administratives.

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