Intervention de Gérard Roucairol

Réunion du jeudi 7 décembre 2017 à 9h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gérard Roucairol, président honoraire de l'Académie des technologies :

L'Académie des technologies est actuellement en train d'élaborer un rapport et de formuler des recommandations sur ces sujets. Je suis heureux qu'il existe des éléments de convergence entre nos réflexions et les vôtres. Cela concerne notamment le fait que l'intelligence artificielle est véritablement une boîte à outils, plus qu'une discipline ou un corps de pensée unique pour aborder un certain nombre de problèmes.

Nous souhaitons également mettre en avant le fait que la spécialisation est fondamentale, notamment dans l'usage industriel de l'intelligence artificielle, pour faire naître des marchés correspondants et faire évoluer des industriels dans leurs métiers même, puisque l'utilisation de l'intelligence artificielle représente une façon de se moderniser et d'acquérir plus de compétitivité, voire de productivité. Peut-être faudrait-il insister davantage sur la nécessité d'intégrer, dans les méthodes d'intelligence artificielle, les connaissances existantes, dont on ne peut se passer. On ne pourra par exemple pas observer un système électrique sans connaître les lois de Kirchhoff ou les lois des mailles et des noeuds, que la machine ne trouvera pas nécessairement seule. Ce n'est que dans ces conditions que l'on bénéficiera vraiment des apports de l'intelligence artificielle. Cela mérite d'être souligné, d'autant que le message diffus dans l'esprit de la population est qu'il existe une sorte d'immanence des techniques hors sol. Les réactions, fondées ou non, de la population face aux algorithmes sont très similaires à celles que l'on rencontre vis-à-vis d'autres techniques, comme les OGM par exemple. Un journaliste expliquait ainsi récemment, sur une grande chaîne de télévision, que les problèmes de sélection des jeunes bacheliers pour s'inscrire à l'université étaient dus à l'intelligence artificielle. Il faut donc faire preuve d'une grande vigilance.

Par ailleurs, vous avez souligné le point, essentiel également, de la gestion, de la propriété et du règlement relatifs aux données. Ce n'est actuellement pas tant la collecte, aujourd'hui régulée, qui est importante et peut poser problème, que l'usage. Il convient donc, selon nous, de faire évoluer fondamentalement la loi « Informatique et libertés », tout en conservant ce que l'Europe a défini en termes de régulation des droits privés.

Je souhaiterais revenir brièvement sur la question des très grosses infrastructures de calcul. Je rappelle que l'Europe, et la France en particulier, ont rattrapé leur retard dans ce domaine. Nous sommes, en termes de puissance de calcul, dans la compétition mondiale, aux côtés des Américains, des Japonais et des Chinois. Nous avons su démontrer que nous avions cette compétence. Les problématiques qui se posent en matière de puissance de calcul pour l'intelligence artificielle résident d'abord dans le fait d'utiliser des processeurs très spécifiques, qui vont accélérer un certain nombre de fonctions, mais au sein d'architectures générales, dont nous avons la maîtrise et au sein desquelles on peut loger des processeurs ou des dispositifs spécialisés visant à accélérer, à moindre coût énergétique, des fonctions utiles dans le calcul d'intelligence artificielle. Certes, la coopération avec les Américains et les Chinois est possible. J'ai moi-même travaillé sur des processeurs en collaboration avec des équipes chinoises à Shanghai à une certaine époque de ma vie. Mais il faut savoir ce que l'on veut : on ne pourra pas faire de l'intelligence artificielle et maîtriser la transition numérique si l'on ne maîtrise pas les soubassements et les infrastructures pleinement par nous-mêmes. L'histoire nous a malheureusement montré que des embargos pouvaient parfois survenir.

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