Intervention de Dominique David

Séance en hémicycle du samedi 6 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique David, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 confirme le soutien public sans équivalent dans le monde, depuis le début de la crise, au secteur de la culture. À l'enveloppe de 101 millions d'euros dans le cadre du plan de relance s'ajoute un budget cumulé sur les trois programmes dont j'ai la charge de près de 2,5 milliards, en augmentation de 11,4 % par rapport à 2021. Cette hausse, absolument sans précédent depuis plus de dix ans, confirme la place plus qu'essentielle qu'occupe la culture dans nos politiques publiques.

Dans le champ de la création, la hausse est de 54 millions d'euros. Dans le cadre de ce rapport, j'ai souhaité porter une attention particulière au secteur des arts visuels. Doté d'un budget de presque dix fois inférieur au spectacle vivant, c'est, il faut le dire, le parent pauvre de nos politiques culturelles publiques. Également durement frappé par la crise, ce secteur, qui compte de nombreux artistes précarisés, n'a pas bénéficié aussi pleinement que prévu du soutien public. L'accès au fonds de solidarité a été retardé par des complexités administratives liées à la diversité et à la faible structuration du secteur. Les aides sectorielles – c'est-à-dire les crédits du fonds exceptionnel de garantie des revenus, opéré par le Centre national des arts plastiques (CNAP) – ont été sous-consommées. C'est un problème.

De façon plus structurelle, les arts visuels pâtissent de la pratique de la gratuité qui les pénalise et explique la précarité de nombreux artistes. Les pouvoirs publics ne donnent pas toujours l'exemple : je déplore que la règle du « 1 % de la commande publique », qui impose de réserver à l'occasion de la construction ou de l'extension des bâtiments publics des moyens pour la réalisation d'une ou de plusieurs œuvres originales conçues spécifiquement pour le lieu, soit très mal respectée à travers le territoire. Je rappelle que le respect de cet engagement est, au-delà des belles déclarations d'intention, un des moyens les plus efficaces d'aider les artistes et j'invite mes collègues à vérifier dans leur circonscription comment cette disposition est respectée.

Je me réjouis en revanche de la volonté affirmée de faire respecter enfin le droit de présentation, qui conduit à rémunérer un artiste auteur quand son œuvre est présentée, comme cela existe pour la diffusion d'une œuvre audiovisuelle.

La question de la rémunération des artistes durant la phase de production est également au cœur des réflexions de la direction générale de la création artistique (DGCA). Elle ne concerne pas seulement les arts visuels, mais les choses vont dans le bon sens. J'aurai l'occasion de défendre des amendements tendant à soutenir ce secteur lors de l'examen des articles non rattachés qui interviendra la semaine prochaine : un amendement visant à exonérer de cotisation foncière des entreprises (CFE) l'ensemble des artistes auteurs, l'administration fiscale continuant à réclamer son paiement pour certaines esthétiques – une clarification est nécessaire ; et un amendement proposant l'extension aux professions libérales de la déduction sur cinq ans pour l'acquisition d'une œuvre originale d'un artiste vivant.

Plus largement, en matière de création, la crise aura révélé à quel point la question de la structuration des filières conditionne le soutien public. Et ce sera, à mon sens, un des enjeux majeurs de la politique culturelle de ces prochaines années.

Concernant le programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, la hausse des crédits qui y sont consacrés dans le PLF pour 2022 s'explique essentiellement par la majoration à hauteur de 140 millions d'euros du pass culture. Critiqué – je répondrai tout à l'heure à plusieurs amendements des oppositions visant à le supprimer –, il représente pourtant une initiative inédite qui, pour la première fois, prend comme point de départ les pratiques et les attentes des jeunes. Il s'agit d'une véritable politique de soutien à la demande qui permet, en quelque sorte, d'accompagner les premiers pas vers la culture, même si ce n'est pas la culture que parents, enseignants, professionnels ou politiques plébiscitent. Car, après tout, en matière de culture comme ailleurs, n'est-ce pas le premier pas qui compte, madame la ministre ? En effet, 80 % des jeunes de plus de 18 ans se sont déjà inscrits à ce dispositif.

En 2022, le pass culture sera étendu aux jeunes à partir de la classe de quatrième. Ils devront d'abord l'utiliser dans un cadre collectif, encadrés par leur enseignant ; puis, au fil des années, ils prendront leur indépendance. Voilà la médiation que beaucoup appellent de leurs vœux : lier l'éducation artistique au pass culture, c'est le sens même de l'émancipation qui est au cœur de notre projet.

Quand, enfin, j'entends dire que ces 140 millions seraient mieux dans les caisses des structures culturelles, je réponds qu'il ne tient qu'à elles d'imaginer des offres qui attirent les jeunes, pour voir ces crédits revenir dans leurs caisses. Mais nous y reviendrons. Je vous invite donc à voter les crédits exceptionnellement revalorisés de la mission "Culture" .

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