Intervention de Gilles Carrez

Séance en hémicycle du samedi 6 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Avec 1,25 milliard d'euros, le budget consacré en 2022 au patrimoine est très élevé. Ce montant s'explique non seulement par les crédits habituels du programme 175, mais aussi et surtout par les financements liés au plan de relance.

Pour ce qui concerne le programme 175, il convient de noter la poursuite des grandes opérations qui font l'objet de schémas directeurs et de financements pluriannuels, comme Versailles, Fontainebleau, le projet de rénovation du Centre Georges-Pompidou qui démarre ou encore celui du Grand-Palais. Il faut également souligner un effort supplémentaire à destination des cathédrales dont on avait bien besoin, notamment en matière de sécurité – cela représentera une quarantaine de millions d'euros – et quelques crédits supplémentaires dédiés à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).

Cependant, le vrai problème, madame la ministre, vous le savez, est celui de l'impact de la crise sanitaire sur nos grands opérateurs : le Louvre, Versailles, le musée d'Orsay et même, d'une certaine manière, le Centre des monuments nationaux (CMN). En effet, la situation observée en 2021 est pire que celle de 2020 et il faut s'attendre en 2022 à de grosses difficultés financières qui se poursuivront sans doute en 2023, voire au-delà – je ne sais pas si vous et moi, madame la ministre, serons encore là.

Pourquoi une telle situation ? Parce que nous avons développé au fil du temps pour ces grands opérateurs – et c'est une bonne chose –, une politique de ressources propres à travers la billetterie, des actions commerciales ou encore le mécénat. Si l'on prend l'exemple du Louvre ou, plus encore, de Versailles, ces politiques ont très bien fonctionné puisque les ressources propres couvraient à peu près 80 % des dépenses. Cependant, elles provenaient d'une fréquentation essentiellement internationale. Or cette clientèle étrangère n'est pas revenue et elle ne reviendra probablement pas de sitôt, ou en tout cas que très progressivement. Nous en parlions il y a un instant, madame la ministre, il faudra nous interroger sur les limites de ce modèle, d'autant qu'il est légitime que les crédits publics prennent le relais de ressources propres défaillantes.

Pour ce qui concerne le plan de relance, la somme très importante de 227 millions d'euros prévue en 2022 traduit la poursuite du soutien aux grands opérateurs et, pour moitié – 125 millions – l'accélération de chantiers. Je citerai quand même un chiffre s'agissant des grands opérateurs : si l'on se réfère à la période 2020-2022, on constate une perte de recettes globale de 750 millions d'euros. Or cette somme n'est couverte qu'aux trois quarts, et encore grâce à un complément de crédits qui vient d'être décidé et qui sera voté – la commission des finances l'examine ce matin – au titre du collectif de fin d'année, de 169 millions.

Si les crédits, qui sont nécessaires et légitimes, sont donc bien inscrits, je ferai cependant trois observations pour terminer cette courte intervention. La première, c'est que je me suis rendu dans des DRAC pour voir comment les crédits déconcentrés étaient utilisés. Il faut noter que votre ministère est doté de directions régionales importantes, qui jouent un rôle essentiel en matière de déconcentration – c'est un énorme atout –, du fait de la quasi-disparition des services de l'équipement, de l'expertise, de l'urbanisme ou de l'architecture, autant de secteurs désormais assumés par les DRAC. Or elles sont alimentées à travers ce qu'on appelle des budgets opérationnels de programme (BOP) dans le jargon de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui proviennent du programme 175 Patrimoines, mais aussi du programme 363 Compétitivité du plan de relance. Il semblerait qu'au plan local les services déconcentrés ne parviennent pas à fusionner les deux programmes : il faudrait que vous examiniez ce problème.

Ma deuxième observation concerne l'INRAP. Avec la reprise, le risque d'embouteillage des opérations est réel : vous vous souvenez sans doute, madame la ministre, qu'il y a une dizaine d'années tous les élus locaux étaient vent debout contre l'institut parce que les diagnostics d'archéologie préventive tardaient à venir, différant d'autant les travaux. Il ne faudrait surtout pas que cette situation se reproduise et j'appelle votre attention sur ce point, même si je note cependant les quelques crédits supplémentaires accordés à l'INRAP.

Troisième point : s'agissant de l'entretien des monuments historiques, nous nous heurtons à l'heure actuelle à des goulets d'étranglement, en matière non seulement de main-d'œuvre, mais aussi de matériaux – c'est le cas par exemple de l'ardoise, dont l'essentiel des stocks est utilisé à Villers-Cotterêts et il devient difficile de mener d'autres opérations.

Pour terminer, je dirai un mot sur la future Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts : c'est un magnifique projet – je vous invite d'ailleurs à vous y rendre parce que le chantier a beaucoup progressé. Je voudrais souligner à cette occasion tout l'intérêt d'établissements publics comme le CMN et de la péréquation qu'il permet.

S'agissant du vote des crédits, pour ce qui me concerne, je m'abstiendrai, dans la mesure où je ne peux pas à la fois dénoncer la dérive dépensière et le surendettement et approuver un budget qui augmente, même si ce sont, je le reconnais, des dépenses d'investissement.

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