Intervention de Constance Le Grip

Séance en hémicycle du samedi 6 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaConstance Le Grip, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Le budget de la mission "Culture " pour 2022 est encore un budget de crise. En effet, si la réouverture des lieux culturels – enfin ! –, nous a réjouis et a permis aux Français de retrouver avec bonheur le chemin des musées, des monuments, des théâtres et des salles de concert, le retour à la normale ne se produira pas en 2022. La fréquentation touristique internationale telle que nous la connaissions avant la crise pandémique ne sera pas au rendez-vous en 2022, ni à Versailles, ni au Louvre, ni à Orsay, pour ne citer que quelques-uns des emblématiques lieux de culture français.

La reprise est lente, très lente également pour le spectacle vivant : les habitudes de sorties n'ont pas été pleinement retrouvées, pour toute une série de raisons, et l'absence de tournées internationales, ainsi que la persistance de jauges, notamment pour les concerts debout – jauges dont il faut d'ailleurs noter le retour dans quarante départements supplémentaires –, limitent l'activité.

Les crédits de la mission "Culture " sont élevés : 3,5 milliards d'euros, en hausse de plus de 200 millions par rapport à 2021, auxquels s'ajoutent les crédits de paiement très importants du plan de relance, à savoir 350 millions. Ces montants sont à la hauteur des menaces et des défis auxquels font face les différents secteurs de la culture. L'État – la puissance publique – est au rendez-vous.

Le programme Patrimoines s'élève à 1,5 milliard d'euros – cela a été très bien développé par Gilles Carrez. Un effort particulier est fait envers l'entretien et la restauration des monuments historiques appartenant aux communes et aux propriétaires privés. Le plan de relance prévoit à ce titre 40 millions d'euros sur deux ans. Cependant, en la matière, le sujet n'est pas tant de voter les crédits que de les consommer. Les DRAC ont pris grand soin d'orienter les crédits vers les projets déjà ficelés, si je puis dire, sur les plans tant financier qu'architectural, mais il restera une part de crédits non consommés d'ici à la fin de l'année 2021. Seront-ils bien reportés sur 2022, madame la ministre ? Je m'interroge également, cela a été mentionné dans l'audit flash de la Cour des comptes, sur l'engorgement des DRAC, qui pose souci pour bien des propriétaires de monuments.

Le programme Patrimoines finance également des projets phares comme celui de Villers-Cotterêts ou la restauration du Grand-Palais à Paris. J'ai visité ces deux chantiers : je partage ce qui a été dit s'agissant de celui de Villers-Cotterêts et j'ai été enthousiasmée, je dois le reconnaître, par la Cité internationale de la langue française. Cependant, il faut le dire, ce projet ne sera pas rentable et il faudra compter sur la péréquation permise par le Centre des monuments nationaux pour soutenir ce projet.

Le programme Création permet de soutenir le spectacle vivant et les arts visuels. De nombreux dispositifs d'aide d'urgence ont été proposés ; le jeune Centre national de la musique s'est montré très réactif, et l'Association pour le soutien du théâtre privé, comme le Centre national des arts plastiques, ont également joué leur rôle. Soyons néanmoins conscients que 2022 pourrait être l'année de tous les dangers pour les entreprises culturelles, les artistes et les auteurs, à mesure que les dispositifs d'aide, de soutien et d'urgence s'éteindront. En la matière, la question des crédits de paiement du plan de relance inscrits pour 2021 se pose également, car ils ne seront certainement pas consommés en totalité d'ici à la fin de l'année – je pense particulièrement aux crédits du Centre national de la musique. Seront-ils reportés en 2022 ?

Du côté des grands opérateurs culturels, l'Opéra de Paris, dont j'ai rencontré les représentants, reçoit un soutien très important de la puissance publique. Sa situation financière est fortement dégradée : elle a certes été aggravée par la crise, mais elle lui préexistait pour diverses raisons, parmi lesquelles, incontestablement les mouvements sociaux de grande ampleur qu'a connus l'établissement. Le projet de salle modulable – la troisième salle de l'Opéra de Paris – est abandonné, ce qui semble raisonnable dans le contexte actuel. Il faudra redoubler de vigilance pour que l'Opéra de Paris restaure progressivement une trajectoire financière équilibrée.

Quant au plan de commandes publiques artistiques de 30 millions d'euros, qui avait été annoncé à l'été 2020 par le Président de la République, il se décline progressivement – vous en avez détaillé le déroulement en commission, madame la ministre.

Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture croissent significativement, mais cette augmentation est presque entièrement dédiée au pass culture : 199 millions d'euros sont consacrés à ce dernier, dont 140 millions de moyens nouveaux. Si j'étais d'abord sceptique à l'égard du pass culture – je l'ai dit à plusieurs reprises, y compris dans l'hémicycle –, force est de constater que le projet actuel est beaucoup plus solide et structuré : il s'est éloigné d'une approche que je jugeais trop consumériste, pour remplir une mission d'accompagnement et de médiation qui me paraît importante – son ouverture aux collégiens dès la classe de quatrième va en ce sens. Cependant, comme je l'indique dans mon avis budgétaire, je continue de nourrir des interrogations sur la concentration des moyens de l'éducation artistique et culturelle dans le pass culture.

En conclusion, la puissance publique et l'État sont au rendez-vous : c'est le témoignage de l'exception culturelle française, certes, mais, comme Gilles Carrez l'a souligné, tout cela est financé par de la dette, et accompagné par le plan de relance. Demain, quand le plan de relance s'arrêtera, nous devrons faire face au surendettement de la France.

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