Intervention de Brigitte Kuster

Séance en hémicycle du samedi 6 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster :

Je voudrais, avant de débuter mon propos, faire part à mon tour du plaisir qui est le nôtre de siéger ce matin, et excuser pour leur absence les membres du groupe Les Républicains de la commission qui auraient aimé s'exprimer devant vous aujourd'hui, au premier rang desquels Valérie Bazin-Malgras et Virginie Duby-Muller.

Ce budget, qui est le deuxième en temps de crise sanitaire, intervient alors que le monde de la culture continue de souffrir des conséquences d'une crise dont l'intensité est sans précédent pour l'ensemble des professionnels du secteur. Jamais les musées, les salles de spectacle ou encore les cinémas n'avaient eu à faire face à un tel recul de leur activité. Fermetures à répétition pour une culture jugée non essentielle, contraintes qui ont réduit fortement la fréquentation, nouvelles habitudes de loisir, augmentation de fréquentation des plateformes : les obstacles ont été et sont encore nombreux.

Force est d'ailleurs de constater que nous sommes encore loin de la reprise attendue. J'en veux pour preuve que près de la moitié des Français n'ont toujours pas fréquenté de lieu culturel depuis l'instauration du passe sanitaire. Ils n'étaient que 12 % dans ce cas avant la pandémie. Ce n'est rien de plus que le constat alarmant que dresse l'étude que vous avez vous-même commandée.

L'augmentation du budget de la culture était donc plus que nécessaire : elle était essentielle. Pour la première fois, celui-ci dépassera d'ailleurs les 4 milliards d'euros et nous nous en réjouissons. Cette progression concerne les trois principaux programmes : 7 millions d'euros supplémentaires pour le patrimoine, essentiellement en investissement, qui atteint un petit peu plus de 1 milliard d'euros ; 48 millions d'euros supplémentaires pour la création, à 909 millions d'euros ; 180 millions d'euros supplémentaires pour la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, à 758 millions d'euros.

Néanmoins, plusieurs points de vigilance méritent que nous nous y arrêtions quelques instants. Tout d'abord, si j'ai pu me réjouir, comme notre rapporteure pour avis, de la progression importante du budget de la culture, il est utile de rappeler que celle-ci se fera surtout par l'augmentation de la dette, Gilles Carrez l'a rappelé, et que, de manière générale, cette année non plus le Gouvernement n'a engagé de réduction de dépenses pour financer ses priorités budgétaires. Si je suis convaincue à titre personnel, madame la ministre, que cet endettement permet de sauver l'exception culturelle française, le groupe des députés Les Républicains ne peut ignorer le risque que les prochains gouvernements soient contraints de revenir sur ces augmentations de budget pour conduire la nécessaire réforme de l'État.

Par ailleurs, je souhaite appeler votre attention sur plusieurs grands projets qui nous sont chers. Ainsi, je note que, pour 2022, dans le programme Patrimoine, vous avez inscrit 12 millions d'euros en crédits de paiement pour la restauration du Grand-Palais. Je regrette que les documents budgétaires à notre disposition ne nous donnent aucun renseignement sur l'avancée des travaux et le respect de la trajectoire financière qui a été fixée. Cela me paraît d'autant plus important que ce projet structurant pour l'offre culturelle a connu une restructuration grâce à vous, et qu'il doit dorénavant tenir dans l'enveloppe initiale de 466 millions d'euros.

De même, en tant que députée de Paris, et tout particulièrement comme élue du dix-septième arrondissement, je voudrais revenir sur le programme Création. On y trouve un projet qui m'est cher, celui de la Cité du théâtre située dans les ateliers Berthier. Il est structurant pour le spectacle vivant puisqu'il regroupera la Comédie française, le théâtre de l'Odéon et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique. Plus généralement, il offrira une magnifique programmation culturelle dans le nord parisien. Il doit bénéficier de 9 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Permettez-moi cependant de m'inquiéter du retard pris, à cause, entre autres raisons, de l'échec des négociations avec la Mairie de Paris concernant le foncier municipal, ce qui complique la réalisation de ce projet. Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer l'état d'avancement des négociations et les conséquences calendaires de celles-ci ? La rapporteure pour avis nous a indiqué que les retards engendrés sur le projet de la Cité du théâtre conduisent à repousser les décaissements d'année en année. Au regard de ces interrogations, le Gouvernement garantit-il que le projet sera maintenu dans son intégralité ?

Beaucoup d'autres questions mériteraient des réponses au moment où nous nous apprêtons à voter le budget de la culture mais le temps m'est compté. Je souhaite, au nom des Républicains, m'arrêter un instant sur l'extension du pass culture, avec une augmentation de 140 millions d'euros au titre du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture. Sachant que 800 000 jeunes sont concernés et que le montant du dispositif par jeunes est de 300 euros, un rapide calcul démontre que les besoins théoriques sont sous-budgétés. Anticipez-vous une sous-consommation du pass culture par les jeunes ? Auquel cas, pourquoi ne pas tout simplement revoir le plafond de dépenses éligibles ? De plus, comment entendez-vous faire du pass culture un outil pour accompagner la reprise dans le spectacle vivant ?

Vous l'aurez compris, ce budget de la culture est porteur de nombreux paradoxes. Bien sûr, il porte en lui une augmentation substantielle des crédits alloués à la culture et nous nous en réjouissons. Mais, « en même temps », il marque aussi la fin des crédits apportés par le plan de relance, alors même que la culture reste sinistrée.

Si, à titre personnel, je voterai pour, considérant qu'il a le mérite d'acter des avancées en matière de soutien au secteur, le groupe Les Républicains, quant à lui s'abstiendra, en soulignant son inquiétude pour l'avenir ainsi que son incompréhension face à certains arbitrages budgétaires.

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