Intervention de Michèle Victory

Séance en hémicycle du samedi 6 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Après une année 2020 particulièrement difficile pour le monde de la culture, avec une perte de plus de 11 milliards d'euros et une reprise inégale selon les secteurs, il est encore trop tôt pour dire ce que sera l'année 2022, car cette crise a mis en lumière des difficultés qui existaient auparavant et les syndicats du secteur que nous avons auditionnés n'attendent pas un redémarrage avant le troisième trimestre 2022.

Ces données nous obligent à penser le financement du secteur de la culture de manière pérenne et, si les aides transversales et sectorielles ont permis de sauver le monde de la culture, il nous faudra attendre encore pour faire le bilan des mesures prises, pour les emplois avec la mise en place de l'année blanche pour les intermittents et pour la reprise de l'activité dans les différents secteurs de la culture – reprise, qui, comme vous l'avez évoqué, madame la ministre, ne semble pas être au rendez-vous des préoccupations des Français.

Même si l'examen du projet de loi de finances pour 2022, croisé avec les mesures d'un plan de relance un peu fourre-tout n'est pas très lisible, nous soulignons avec satisfaction la hausse du budget de la culture, avec 8.2 % sur les trois budgets consécutifs, ainsi que l'importance des aides transversales et sectorielles. Ce soutien était essentiel.

Nous avons cependant des réserves quant à certains des choix opérés avec la concentration de certains crédits. C'est en particulier le cas pour le pass culture. Souffrez, madame la ministre, que nous ayons un autre point de vue que le vôtre sur cette question. Avec un budget de 140 millions d'euros de mesures nouvelles, auquel il faut ajouter 59 millions d'euros de dotations inscrites en 2021, ce projet phare de votre gouvernement consomme 199 millions d'euros pour la seule mission Culture. Malgré cet investissement, ce sont, pour financer l'ensemble des achats des 830 000 jeunes concernés, 249 millions qui seront nécessaires. C'est donc la moitié des nouveaux moyens du budget de la culture qui est attribuée à cet outil qui, selon nous, répond davantage à un objectif de consommation immédiate qu'à celui d'un travail en profondeur sur l'enjeu de démocratisation culturelle. Vous en avez certes développé le volet collectif et de médiation, mais nos réserves portent sur la proportionnalité entre les moyens et les objectifs. Ce budget est, par exemple, pratiquement identique à celui qui est octroyé à l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur culturel et le double de celui qui est accordé aux arts visuels.

Si dans certains territoires, le pass a montré des effets intéressants en termes d'accès à la culture, nous défendons, avec un amendement, la priorité de l'EAC, l'éducation artistique et culturelle, dès le plus jeune âge, et le besoin d'une évaluation solide de l'impact des actions menées. Il n'y avait pas besoin d'un pass culture pour mener des actions comme Lycéens et apprentis à l'opéra, mise en place depuis de longues années par la région Rhône-Alpes et qui engage un groupe classe sur un projet à long terme. En comparaison, en effet, les crédits de l'éducation artistique et culturelle augmentent de 1,5 million d'euros seulement, alors qu'elles couvrent un plus grand nombre de jeunes et sur un temps beaucoup plus long. Plan Chorale, orchestre à l'école, ateliers culturels, présences des intervenants en classe, sorties culturelles : tous ces dispositifs sont des leviers de transmission de la culture qui auraient pu bénéficier, de manière complémentaire, des mêmes crédits que le chèque.

Nous approuvons les 26 millions d'euros supplémentaires destinés à l'enseignement supérieur culturel, qui participe à la fabrique de nos futurs artistes. Permettez-moi pourtant, madame la ministre, de rappeler notre proposition, à laquelle aucune réponse n'a encore été donnée, relative aux professeurs des écoles d'art territoriales, à propos desquelles nous avions, avec une collègue de la majorité, déposé un rapport.

Nous soutenons l'effort de 37 millions d'euros supplémentaires en direction des DRAC qui, en relation étroite avec les territoires, soutiennent la création, appuient les dispositifs vers de nouveaux publics et tissent des liens avec les artistes : 61 % des crédits d'intervention du ministère sont maintenant déconcentrés, ce qui doit accompagner des politiques territoriales concertées, même si les procédures d'appel à projets sont parfois trop lourdes pour de petites structures.

Nous regrettons aussi que la proposition d'élargir le champ du crédit d'impôt pour l'acquisition d'œuvres d'art pour les particuliers, dans l'objectif de permettre une présence plus citoyenne dans le monde des arts, n'ait toujours pas été retenue. Nous souhaiterions également que les demandes de crédits d'impôts en faveur des arts du cirque ou de la marionnette, secteurs très fragilisés, soient entendues.

Avec la baisse de fréquentation des festivals, des salles de spectacle et de cinéma et des concerts, les mesures fiscales réclamées par ces acteurs culturels nous paraissent légitimes. Comme nous le voyons tous dans nos territoires, la reprise n'est pas au rendez-vous : il nous faut consolider les aides et nourrir le dialogue avec l'ensemble des secteurs.

Enfin, nous nous satisfaisons de l'augmentation des crédits de l'action Patrimoine à hauteur de 7 % hors plan de relance. Nous souhaitons, bien sûr, que ces crédits puissent bénéficier aux opérateurs les plus connus, dont les opérateurs nationaux, qui ont perdu jusqu'à 70 % de leurs recettes commerciales, ainsi qu'à l'ensemble des territoires, qui connaissent si souvent des difficultés pour valoriser leur patrimoine. Au-delà du patrimoine dans l'acception architecturale du terme, c'est bien, en effet, le cheminement de chaque citoyen qui s'écrit, conférant au particulier une valeur universelle qui nous unit tous et toutes.

Comme vous l'aurez compris, nous sommes, au sein du groupe Socialistes et apparentés, aux côtés des acteurs culturels de notre pays et voterons donc votre budget.

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