Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du samedi 6 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Médias livre et industries culturelles ; avances à l'audiovisuel public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Cette intervention, à laquelle j'associe mon collègue Michel Larive, traitera de deux sujets que nous jugeons majeurs : les aides à la presse – et donc la pluralité des médias –, d'une part ; la crise de l'audiovisuel public, d'autre part.

S'agissant des aides à la presse, les crédits qui lui sont alloués augmentent fortement cette année, de 53,3 %, pour atteindre 62,3 millions d'euros. Les aides à la presse absorbent la quasi-totalité de la hausse du budget de la mission "Médias, livre et industries culturelles, " laquelle représente 70,9 millions. En revanche, les crédits visant à soutenir le pluralisme sont en baisse de 1,2 million par rapport à l'année dernière. Les moyens alloués aux médias de proximité n'augmentent pas : ils sont donc en baisse, si l'on tient compte de l'inflation.

Cette répartition des crédits contrevient, de toute évidence, à l'amélioration du pluralisme des médias. L'association Acrimed a publié, le 5 juillet 2021, un article intitulé « Le clan des milliardaires accapare les aides à la presse ». Dans cet article, le journaliste Frédéric Lemaire recense les titres et les groupes de presse qui ont bénéficié des aides directes et indirectes à la presse entre 2016 et 2019. Il démontre qu'en 2019 « plus de la moitié (51 %) des 76 millions d'euros attribués en aides à la presse ont bénéficié à six groupes, appartenant à huit richissimes familles ou hommes d'affaires ».

Madame la ministre, vous m'avez affirmé en commission que les aides à la presse étaient limitées à 1 million d'euros et que j'avais tort. Nous avons vérifié : cette limite concerne les titres de presse. Or les grands groupes possèdent plusieurs titres et peuvent cumuler les aides à la presse, soit plusieurs millions d'euros d'aides. C'est le cas, par exemple, du groupe Le Monde libre, dont Xavier Niel est à la tête, qui a perçu 5,2 millions d'aides en 2019. Cette rectification démontre, madame la ministre, que vous pouvez bien délivrer vos argumentaires comme s'ils étaient des vérités révélées, cela ne vous donne pas raison pour autant !

En subventionnant la distribution, sur tout le territoire, d'une poignée de quotidiens détenus par un petit nombre de milliardaires, vous renforcez leur emprise sur la presse française au lieu de soutenir le pluralisme et la diversité.

Je veux également alerter notre assemblée sur la fusion entre les chaînes de télévision TF1 et M6. Le groupe TF1 possède la chaîne éponyme, mais aussi les chaînes LCI, TMC, TFX, TF1 Séries Films, Ushuaïa TV, Histoire TV et TV Breizh. Désormais, grâce à la fusion avec le groupe M6, il possédera également les chaînes M6, W9, 6ter, Gulli, Paris Première, Téva, Série Club, Canal J, TiJi, MCM, MCM Top et RFM TV. Cette liste à la Prévert parle d'elle-même : l'hyperconcentration qui s'annonce dans la presse, avec des groupes analogues à ceux de la télévision, bafoue l'idée même de pluralité dans les médias.

En ce qui concerne la crise de l'audiovisuel public, ce service public a connu une cure d'austérité sans précédent pendant le quinquennat. La semaine dernière, en commission, vous avez martelé l'argument du plan de relance. Mon collègue Michel Larive avait tort puisque le plan de relance prévoyait 45 millions d'euros pour France Télévisions ! Ici aussi, j'ai vérifié : au total, l'audiovisuel public a perdu 229,25 millions par rapport au budget 2017.

Pour France Télévisions, la baisse est de 191 millions, soit une diminution de 7,35 % de ses crédits, à laquelle il faut ajouter l'inflation cumulée de 5,6 %. Quant aux autres entités de l'audiovisuel public, elles ont également enregistré des baisses importantes de leur budget par rapport à 2017 : 1,37 million en moins pour Arte France, 36,32 millions pour Radio France, 2,75 millions pour France Médias Monde, 1,13 million pour l'Institut national de l'audiovisuel, 2,23 millions enfin pour TV5 Monde,

Quoi que vous en disiez, le Gouvernement n'est d'aucun soutien pour ce service public essentiel.

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