Intervention de Brigitte Kuster

Séance en hémicycle du samedi 6 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Médias livre et industries culturelles ; avances à l'audiovisuel public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster :

Les députés Les Républicains regrettent qu'une fois de plus le Gouvernement ait choisi de réduire les crédits attribués à l'audiovisuel public.

Nous vous reconnaissons une certaine constance en la matière, puisque, depuis 2017, le budget alloué à l'audiovisuel est en recul. Pour 2022, ce seront donc 15 millions d'euros de moins pour France Télévisions, 3 millions de moins pour Radio France et 2 millions de moins pour Arte.

Surtout, ces baisses interviennent sans que ne soit conduite la grande réforme de l'audiovisuel qui nous promettait une holding, source d'économies. Lors des débats sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, elle était présentée comme la réponse aux enjeux de rationalisation des dépenses des différentes chaînes de télévision de service public. Si la crise sanitaire peut expliquer que ce projet soit retardé, il semble malheureusement avoir été enterré. Faut-il comprendre que l'ambition n'est plus de créer les synergies que seule France Médias était censée faciliter ?

Les députés Les Républicains rappellent que la suppression de la taxe d'habitation d'ici 2023 fait peser des incertitudes sur le financement futur de la contribution à l'audiovisuel public. Nous l'avions d'ailleurs souligné pendant les précédents débats sur cette mesure.

Il est tout aussi inquiétant que les contrats d'objectifs et de moyens ne s'appliquant pas au-delà de 2022, l'audiovisuel public soit contraint à un pilotage à vue, comme l'a rappelé la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, Céline Calvez.

Cela explique-t-il la bienveillance avec laquelle le Gouvernement considère les entorses faites à ces contrats d'objectifs et de moyens, que ce soit par France Télévisions ou par Radio France ? Force est de constater que l'interdiction de la publicité après vingt heures a été contournée au moyen de parrainages publicitaires. En plus de reporter régulièrement au-delà de vingt et une heures le démarrage des émissions de France Télévisions, ces parrainages sont un contournement de l'esprit de la loi de 2009. Ces derniers ne répondent que très peu à la condition d'intérêt public pour pouvoir être diffusés après vingt heures.

Dans le contexte de la baisse de la dotation publique à France Télévisions, il est donc permis de s'interroger sur le volume des recettes publicitaires engrangées par ces contrats de parrainage d'émissions diffusées en début de soirée.

Il y aurait bien une solution, certes partielle, mais qui aurait le mérite d'exister : réaffecter la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) au financement de France Télévisions. Ce seraient ainsi 300 millions d'euros qui serviraient au financement de l'audiovisuel public. Cela apparaît d'ailleurs d'autant plus logique que cette taxe avait été prévue pour compenser les pertes de recettes dues à la suppression de la publicité en soirée.

Concernant Radio France, je m'inquiète du dépassement du plafond des recettes publicitaires. En effet, en 2019 par exemple, alors que le plafond était fixé par le COM à 42 millions d'euros, les recettes publicitaires ont finalement atteint 48 millions d'euros. Alors que la Cour des comptes s'est contentée de relever le dépassement, que le CSA a appelé le ministère à clarifier cette ambiguïté survenue en 2019, le ministère a fermé les yeux, compte tenu des bénéfices pour les finances publiques.

Je regrette que cela se fasse au détriment des radios privées, qui se retrouvent exsangues, étant fortement dépendantes de cette source de revenus. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de faire part de cette préoccupation au CSA lors de la récente audition de son président, Roch-Olivier Maistre : celui-ci m'a indiqué en réponse qu'il appartenait au ministère de tutelle de prendre les mesures pour faire respecter les engagements pris dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens. Nous espérons que le ministère portera une attention toute particulière à ce que cette pratique des dépassements n'ait plus cours. La réduction des crédits alloués à la Maison ronde ne saurait justifier le non-respect des COM.

Enfin, j'appelle votre attention sur le financement de la presse écrite. Au-delà du débat sur la pertinence des aides directes, qui représentent pour l'année à venir pas loin de 180 millions d'euros, je crois qu'il convient de soutenir tout ce qui permet à la presse de générer ses propres revenus.

Certains moteurs de recherche, dont Google, le principal d'entre eux, adoptent un comportement de prédateur que notre droit ne doit plus tolérer. Malgré l'adoption de la directive sur les droits voisins en 2019 et sa transposition, Google n'a toujours pas adopté une attitude responsable et constructive ; en témoignent les rappels à l'ordre de l'Autorité de la concurrence, qui a pointé l'exceptionnelle gravité du comportement de Google, ainsi que l'amende de 500 millions d'euros qui lui a été infligée.

Le moteur de recherche cherchant par tous les moyens à se soustraire à ses obligations nées de la reconnaissance par le droit français des droits voisins, il me semble essentiel que le ministère de la culture n'exclue pas d'engager d'autres poursuites judiciaires pour faire respecter notre législation.

En conclusion, le budget de la mission "Médias, livre et industries culturelles" contient malheureusement trop de contradictions. Et s'il était nécessaire d'ajouter un dernier argument, notre abstention est confortée par les analyses de la Cour des comptes. Les nouveaux dispositifs n'ont fait l'objet d'aucune évaluation ex post, et aucun mécanisme ne permet de repérer d'éventuels dysfonctionnements, comme des effets d'aubaine ou de surcompensation.

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