Intervention de Fabrice Brun

Séance en hémicycle du lundi 8 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Économie ; investissements d'avenir ; engagements financiers de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Brun, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

68 milliards d'euros : c'est le chiffre de notre déficit commercial sur douze mois glissants, lequel s'est encore creusé au premier semestre 2021. Il s'agit incontestablement du point noir de la reprise économique française alors que, malgré la crise, nos voisins italiens et allemands affichent, eux, des résultats insolents.

Nous en connaissons tous les raisons conjoncturelles, telles que les difficultés, avec la crise sanitaire, de secteurs traditionnellement porteurs à l'export, comme l'aéronautique, ou encore l'augmentation des prix de l'énergie et des matières premières. Il importe donc de réduire notre dépendance aux énergies fossiles et de développer les renouvelables, tout en nous appuyant sur le nucléaire, qui est une filière d'excellence qui s'exporte et un atout de taille pour la réussite de la transition économique et de la décarbonation de notre économie.

Cependant, notre déficit commercial traduit aussi des faiblesses structurelles et reflète l'affaiblissement progressif de secteurs traditionnellement porteurs, comme l'agroalimentaire. Heureusement, nos vins et spiritueux continuent d'être bien positionnés à l'international – je tenais à le souligner –, même si, dans ce domaine également, on observe un repli qui doit nous interpeller.

Madame la ministre déléguée chargée de l'industrie, par manque de temps, je n'évoquerai pas les risques pesant sur notre souveraineté alimentaire, les conséquences du Brexit, ou les impôts de production qui pèsent sur la compétitivité de nos entreprises – que je mentionne avec d'autant plus de liberté que j'ai voté leur diminution lors du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Je ne suis pas là pour noircir le tableau : nous sommes tous dans le même bateau.

D'ailleurs, les bonnes nouvelles existent et le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité a eu raison de les souligner : nous n'avons jamais eu autant d'entreprises à l'export – 132 000 à ce jour exactement. Cette réussite, qui n'est toutefois que relative, est d'abord celle de nos entrepreneurs et de leurs équipes, qui n'ont rien lâché malgré les difficultés et la fermeture des frontières. C'est aussi celle de la Team France Export, cette équipe de France à l'international que la crise a, me semble-t-il, davantage soudée.

Cela étant, nous avons encore d'importantes marges de progression, surtout quand je vois que nos concurrents allemands, italiens ou britanniques ne dépensent pas un kopeck – ou si peu, à peine 10 % des frais – pour bénéficier de prestations collectives ou pour participer à un grand salon international, quand nos entreprises françaises doivent, elles, mettre la main à la poche et contribuer en moyenne à hauteur de 50 %.

En tant que rapporteur spécial pour les crédits relatifs au commerce extérieur, je regrette également que la prolongation du plan de relance jusqu'au 30 juin 2022 – pourquoi ne pas avoir retenu la date du 31 décembre 2022, madame la ministre déléguée ? – ne s'accompagne pas d'un redéploiement budgétaire ou, du moins, d'une sacralisation des 247 millions d'euros du plan de relance pour l'export, afin de faire de la résorption de notre déficit commercial une priorité nationale. Je vous proposerai un amendement en ce sens et son adoption conditionnera mon avis positif sur le vote des crédits alloués au commerce extérieur.

Nous savons en effet que l'ensemble de ces crédits ne seront pas consommés, étant donné que le pic des besoins est devant nous : ceux-ci se feront sentir tout au long de l'année 2022, avec la réouverture progressive des frontières. C'est à ce moment-là que nous aurons encore plus besoin du chèque relance export, qui permet justement de rendre abordables des prestations dont nos concurrents bénéficient souvent gratuitement en temps normal.

Je terminerai mon propos en indiquant que la défense du commerce extérieur passera, ces prochaines années, par une définition du juste échange, en lieu et place du libre-échange. En effet, l'UNIDEN – Union des industries utilisatrices d'énergie –, dans une remarquable étude qui ne nous a pas échappé, a montré que la baisse de nos productions nationales d'acier, d'aluminium ou encore de ciment, qui a été compensée par l'augmentation des importations, a entraîné une forte progression de notre empreinte carbone, preuve, si besoin en était, du lien entre désindustrialisation et déficit commercial.

Ainsi, au moment où l'Europe et la France sont à l'heure des choix, l'instauration d'une taxe carbone aux frontières de l'Union européenne apparaît plus que jamais comme une nécessité économique et écologique, à plus forte raison parce qu'il n'existe pas à ce jour de consensus mondial sur le coût d'une tonne de CO2 et que l'engagement des pays à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre est inégal – je pense bien sûr à la Chine, à l'Inde et aux États-Unis.

Vous le savez, seuls cinquante-neuf pays, dont la France, ont officialisé un objectif de neutralité carbone. Dans ce contexte, ce mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, tel qu'il a été dévoilé par la Commission européenne le 14 juillet dernier, apparaît prometteur à bien des égards. Cherchant à la fois à atteindre la neutralité carbone et à résorber les distorsions de concurrence, l'Europe a replacé la question climatique au cœur des négociations internationales. Ce ne sera pas sans effet, à terme, sur notre commerce extérieur et, à compter du 1er janvier, sur la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE).

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