Intervention de Bénédicte Peyrol

Séance en hémicycle du lundi 8 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Économie ; investissements d'avenir ; engagements financiers de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Après l'étude de nombreuses missions ces deux dernières semaines, il est temps de parler d'une partie des crédits qui permet leur financement : je veux parler des charges d'intérêts de la dette. C'est l'objet essentiel des crédits de la mission "Engagements financiers de l'État" , que je rapporte ce matin.

Après avoir atteint leur niveau le plus bas en 2020, les crédits de paiement de cette mission s'établiraient à 43,1 milliards d'euros en 2022, en hausse de 4,1 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021. Cette hausse est principalement due à la dotation de 2 milliards d'euros prévue sur le nouveau programme 369 Amortissement de la dette liée à la covid-19 et à la montée en puissance des prévisions d'appel en garantie au titre des prêts garantis par l'État, dits PGE.

Pour commencer, je souhaite apporter des précisions sur la principale nouveauté de cette mission : la création d'un programme dédié au remboursement des 165 milliards d'euros de dette issus de la crise sanitaire en 2020 et 2021.

En premier lieu, il faut bien distinguer cette dette de l'État de la dette sociale liée au covid reprise par la CADES – Caisse d'amortissement de la dette sociale –, conformément aux lois organique et ordinaire votées en 2020.

Ensuite, le nouveau programme 369 répond au double objectif d'isolement comptable de la dette covid et d'affichage d'une trajectoire de remboursement de cette dette sur vingt ans, dans un effort de transparence vis-à-vis des marchés, de nos partenaires européens et de nos concitoyens.

Je regrette néanmoins la confusion qui peut découler des flux de crédits entre la mission que je rapporte et le compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État" , que rapporte notre collègue Valérie Rabault, ces flux étant susceptibles de brouiller le suivi de l'amortissement de la dette covid. En effet, cette présentation pourrait laisser penser que la vente des participations de l'État viendra financer une partie du remboursement de la dette covid, alors que ce n'est pas le cas. Nous rembourserons cette dette par les fruits de la croissance, puisqu'une fraction de 6 % de la hausse des recettes fiscales nettes par rapport leur niveau de 2020 sera consacrée à l'amortissement de la dette. La croissance est d'ailleurs renforcée par les choix faits par cette majorité, notamment le plan de relance et le plan d'investissements France 2030, dont nous allons parler également ce matin.

J'insiste ici sur la nécessité de porter une attention toute particulière à la gouvernance et à l'évaluation de ce grand projet, dans la lignée des récentes recommandations de la Cour des comptes sur les PIA.

Concernant les conditions de financement de la dette française, elles sont très favorables et le resteront à moyen terme. Les principaux risques relatifs à la soutenabilité de notre dette sont aujourd'hui politiques : les marchés seront attentifs, d'une part, aux candidatures à l'élection présidentielle situées aux extrêmes de l'échiquier politique et, d'autre part, à la situation européenne, marquée par la sortie prochaine du programme PEPP, le programme d'achat urgence pandémique – Pandemic Emergency Purchase Programme –, de la BCE, la Banque centrale européenne, tandis que les États européens doivent se montrer capables de coordonner leurs trajectoires de désendettement.

Concernant la remontée des taux, la BCE semble vouloir prendre son temps en attendant que la reprise soit bien installée et repousser une hausse des taux à l'an prochain, alors que la Banque centrale des États-Unis – la Fed – et la Banque d'Angleterre souhaitent entamer une normalisation.

Il me semble ensuite important de faire un point sur les PGE, dont l'encours est d'environ 142 milliards d'euros. Le Gouvernement prévoit des appels en garantie à hauteur de 2,6 milliards d'euros sur les PGE en 2022. Si les premiers chiffres macroéconomiques dont nous disposons sont plutôt rassurants, il existe deux points d'alerte importants.

Premièrement, environ 30 % des entreprises ayant souscrit un PGE déclarent avoir utilisé la quasi-totalité du prêt. Pour ces entreprises, le remboursement du PGE en quatre ou cinq ans est complexe. Il nous faudra rester très attentifs aux capacités de remboursement de ces entreprises ayant souscrit un PGE et l'ayant totalement consommé.

Deuxièmement, le choc économique de la crise covid a changé la nature de la dette des entreprises : avant la crise, la dette servait principalement à financer de l'investissement, tandis qu'une part plus importante, parfois majoritaire, de cette dette finance désormais des besoins de liquidités.

J'en terminerai par un mot rapide sur la très bonne position de la France sur le marché des obligations vertes, malgré l'arrivée sur le marché de nouveaux émetteurs importants, notamment l'Allemagne ou l'Union européenne, qui a émis 12 milliards d'euros de green bonds il y a dix jours.

Les obligations assimilables du trésor (OAT) vertes bénéficient aujourd'hui d'un greenium ou « prime verte » par rapport aux autres obligations : la demande est extrêmement dynamique, face à une offre finalement limitée en raison du manque de projets à financer. Convaincue par l'utilité de la finance verte, je considère important de travailler collectivement au déblocage de cette situation dans l'économie réelle, tout en luttant contre le greenwashing.

Pour conclure, et malgré les regrets émis sur la confusion entre missions pour ce qui concerne l'isolement et l'amortissement de la dette covid, je donne un avis favorable aux crédits de la mission "Engagements financiers de l'État" .

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