Intervention de Jean-Philippe Nilor

Séance en hémicycle du lundi 8 novembre 2021 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2022 — Économie ; investissements d'avenir ; engagements financiers de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Nilor :

Après l'intervention de mon excellent collègue Sébastien Jumel relative aux questions industrielles, j'aborderai deux sujets cruciaux : les programmes d'investissements d'avenir et leur articulation avec le grand plan de communication nommé France 2030, ainsi que la question de la dette publique.

Alors que nous avions déjà entamé depuis plusieurs semaines l'examen du PLF pour 2022, le Président de la République a précisé, au cours d'un des grands shows de communication qu'il affectionne tant, les contours d'un énième plan d'investissement France 2030. Je dis énième car souvenons-nous, en 2017, d'abord a été annoncé le grand plan d'investissement – GPI – de 57 milliards d'euros sur cinq ans, suivi du plan France relance de 5 milliards annoncé en 2020 et, enfin, du nouveau plan France 2030 de 30 milliards sur cinq ou huit ans.

Force est de reconnaître que cette majorité excelle dans l'art de l'enfumage. Mais au-delà des grands effets d'annonce, la communication ne suffit pas. Et lorsqu'il s'agit d'expliciter les modalités concrètes d'application de ce plan, vous êtes moins présents. En effet, il est difficile d'en trouver trace dans les crédits budgétaires du grand plan d'investissement de 2017. Il semble bien qu'au sein de la mission "Investissements d'avenir" , le PIA 3, doté de 10 milliards en 2017, ait fait l'objet de véhicules budgétaires visant à le mettre en œuvre. Mais, en réalité, il est difficile d'en être certain, puisqu'une partie des crédits était déjà prévue et, dans tous les cas, on est loin d'atteindre 57 milliards.

S'agissant du plan de relance, certes, la création de la mission budgétaire Plan de relance a permis de gagner en visibilité. Pourtant, les 100 milliards sur deux ans sont loin d'être atteints puisque la mission ne comptait que 36 milliards en autorisations d'engagement en 2021. Le plan de relance devait aussi s'appuyer sur des programmes d'avenir et notamment le PIA 4 à hauteur de 11 milliards d'euros. Pourtant, ceux-ci étaient déjà inscrits dans le PIA dès sa création en 2020 et, en fait, n'ont été rattachés qu'au débotté au plan de relance. Vous pratiquez volontiers le recyclage, beaucoup moins l'innovation !

Dans sa communication obsessionnelle ou son obsession communicationnelle, le Gouvernement a même osé se réjouir publiquement d'accorder généreusement 11,5 % des 100 milliards de relance aux territoires dits d'outre-mer, qui représentent pourtant 4 % de la population française.

Nous voici maintenant à France 2030. Ce plan subira-t-il le même sort que le GPI ou sera-t-il, comme le plan de relance, en partie décaissé à coups de réallocations de crédits ? À l'heure où j'écris ces lignes, la mission "Investissements d'avenir" ne comptait que 3,5 milliards d'euros de crédits de paiement, dont 1,5 milliard dédié au PIA 4, et nous restions suspendus à l'amendement gouvernemental.

Celui-ci est enfin arrivé, jeudi 4 novembre à dix-sept heures, plus d'un mois après le dépôt du PLF ; il ouvre 35 milliards d'autorisations d'engagement, soit 5 % de l'ensemble des autorisations d'engagement du projet de loi de finances. C'est un vrai scandale démocratique et un mépris profond pour le travail parlementaire !

En conclusion, je souhaiterais aborder la création d'un nouveau programme budgétaire au sein de la mission "Engagements financiers de l'État" , consacré au cantonnement de la dette publique de l'État. Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, chercher à rembourser une partie du stock de la dette n'a aucun sens : avec une dette covid cantonnée s'élevant à 165 milliards d'euros et un remboursement annuel de 2 milliards d'euros comme cette année, il faudra quatre-vingt-deux ans pour la rembourser. Vous conviendrez que c'est une absurdité.

Pire, en l'absence de la création d'un prélèvement obligatoire dédié au désendettement, le remboursement de la dette cantonnée, à hauteur de 1,9 milliard en 2022, ne conduit qu'à une chose : accroître le déficit public en réallouant des ressources courantes au remboursement du stock de la dette.

En situation d'inflation covid, ce mécanisme inéquitable conduira immanquablement à une baisse des dépenses publiques qui affectera les ménages les plus pauvres, notamment dans les territoires les plus pauvres dits d'outre-mer, où les dépendances et vulnérabilités apparaissent de plus en plus clairement et sont entretenues par l'État.

Au terme d'un tel exposé, est-il besoin de dire que mon groupe votera contre l'ensemble des crédits des missions examinées aujourd'hui ?

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