Intervention de Jean Bassères

Réunion du mercredi 6 décembre 2017 à 11h00
Commission des affaires sociales

Jean Bassères, directeur général de Pôle Emploi :

Madame Wonner, la seule logique qui nous anime est la complémentarité : tout ce qui n'est pas un doublon est bon à prendre, au cas par cas, et les initiatives intéressantes que vous citez sont sans doute reproductibles. Lorsqu'il paraît utile aux agences de Pôle Emploi de travailler en liaison avec les maisons de l'emploi, j'y suis favorable. Je rappelle qu'elles ont initialement été créées pour rapprocher l'UNEDIC et l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) ; on peut considérer que cet objectif a été atteint avec la création de Pôle Emploi et il faut éviter – c'est d'ailleurs prévu dans leur charte – que les maisons de l'emploi accompagnent elles-mêmes les demandeurs d'emploi parce qu'il y aurait alors un risque de doublon. Si l'on est dans des champs complémentaires, je n'ai aucune réserve à ce que des collaborations locales actives se créent, et il n'y a pas de raison que celle qui existe à Strasbourg cesse. En général, nous n'investissons pas de crédits dans les maisons de l'emploi et je ne pense pas que nous aurons la capacité budgétaire de compenser des baisses de dotation, mais nos modes de collaboration dépassent le seul engagement budgétaire.

Monsieur Cherpion, le financement de Pôle Emploi sera précisé dans les prochaines années. Aujourd'hui, schématiquement, Pôle Emploi est financé pour deux tiers par l'UNEDIC et pour un tiers par une dotation de l'État. Nous engagerons bientôt la négociation de la future convention tripartite qui lie l'État, Pôle-Emploi et l'UNEDIC, et il y a deux motifs d'interrogation : d'une part, les partenaires sociaux ont souhaité diminuer la dotation de l'UNEDIC à Pôle Emploi, d'autre part, je n'ai pas le sentiment que l'État veuille augmenter sa dotation budgétaire. Une discussion intéressante s'engagera donc dans les prochains mois, d'autant que le basculement des cotisations salariales vers la contribution sociale généralisée (CSG) peut modifier la perception du mode de financement. Le sujet n'est pas d'actualité pour 2018, mais il est connu et les acteurs concernés devront trouver une solution convergente. Pôle Emploi a besoin de moyens et, sur le fond, il me paraît assez logique que l'UNEDIC participe majoritairement au financement de Pôle Emploi. Ce schéma est d'ailleurs à l'oeuvre dans d'autres pays, notamment en Allemagne.

S'agissant de l'articulation entre les régions et Pôle Emploi pour la formation des demandeurs d'emploi, il n'y a aucune ambiguïté : le leadership appartient aux régions et nous avons pour objectif de mieux travailler avec elles sur ce point. Vous avez évoqué les systèmes d'information. Outre que nous essayons de mettre sur pied un système d'information partagé entre tous les acteurs, nous venons d'élaborer « Formadiag », outil qui permet de croiser, dans chaque bassin d'emploi, les tensions de l'emploi dans les entreprises, les taux de retour à l'emploi de toutes les formations financées par Pôle Emploi ou par la région et les qualifications des demandeurs d'emploi. Ces informations peuvent être partagées.

Une difficulté tient à ce que Pôle Emploi ne peut passer de marchés de formation qu'avec l'accord des régions, et je crois savoir que certaines régions voudraient récupérer la totalité de ces achats. Le sujet sera sans doute abordé au cours des prochaines semaines. Je ne me bats pas pour acheter, mais comment être sûrs que nous serons associés au diagnostic ? Si ce n'était pas le cas, la France serait le seul pays d'Europe où il en irait ainsi, ce qui ne laisse pas de me préoccuper car une question s'est posée lors de la mise en oeuvre du plan « 500 000 formations » : si le Gouvernement décide d'investir très fortement dans la formation et que les régions ne veulent pas s'associer au mouvement, comment fait-on si Pôle Emploi ne peut pas acheter de formations ? Le problème s'est posé dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous avons donc besoin de disposer d'une capacité supplétive au cas où les régions ne seraient pas prêtes à s'engager aux côtés du Gouvernement.

La question des délais de démarrage d'une formation nous préoccupe, mais il faut pour commencer appréhender le délai pertinent. Parce qu'un projet de formation demande à être mûri, ce délai est celui qui court non pas entre l'inscription à Pôle Emploi et l'entrée en formation, mais entre le moment où un projet de formation a été décidé et l'entrée en formation ; nous avons un peu de mal à l'apprécier et nous y travaillons, et c'est ce délai précis qu'il faut réduire. Nous devons nous améliorer, mais cela dépend aussi des organismes de formation, qui n'organisent pas des sessions tout au long de l'année. Une réflexion collective doit donc être menée à ce sujet.

Monsieur Dharréville, je serai ravi de prolonger le débat sur le pilotage par résultat le cas échéant. Pour ce qui est des moyens de Pôle Emploi, le budget pour 2018 prévoit une réduction de 297 équivalents temps plein (ETP), et cette disposition ne figurait pas dans mes propositions. Cette décision, qui ne met pas Pôle Emploi en péril, est fondée sur un raisonnement original, la direction du budget considérant qu'il s'agissait d'emplois ouverts et non consommés. Or, en raison de mouvements intercalaires, on ne consomme jamais l'intégralité de son plafond d'emplois. Á ce rythme, dans quelques années, on en sera à zéro ! Ce raisonnement me paraît donc quelque peu limité. Un débat aura lieu dans le cas de la future convention tripartite sur les moyens de Pôle Emploi ; il devra être serein. Il faudra prévoir des gains de productivité pour l'indemnisation, car l'automatisation permettra de liquider les dossiers avec moins de conseillers, lesquels seront davantage dirigés vers la personnalisation. D'autre part, en raison des réformes à venir de l'assurance chômage et de la formation professionnelle, des charges nouvelles s'imposeront peut-être à nous et la trajectoire qui nous sera fixée doit être claire. Je ne préjuge pas de négociations qui n'ont pas commencé, mais d'évidence, étant donné le contexte budgétaire, elles seront serrées.

Nous avons actuellement 1 380 contrats aidés et, étant donné l'évolution décidée, nous en aurons vraiment beaucoup moins demain. Nous avons heureusement pour tradition de prendre en charge les contrats aidés avec un tutorat et une aide à la reprise d'emploi ; nous essayerons naturellement d'accompagner le mieux possible les actuels contrats aidés. Leur suppression sera pour partie compensée, pour l'accueil numérique, par les volontaires du service civique mais, d'évidence, il y aura un manque dont nous devrons nous accommoder.

Nous avons publié les conclusions de dix-huit mois de contrôle de la recherche d'emploi. Aujourd'hui, quelque 200 de nos conseillers se consacrent exclusivement à cette activité, ce qui n'existait pas auparavant. Ils traitent en moyenne 12 000 dossiers par mois et, au terme d'une procédure contradictoire, 14 % des demandeurs d'emploi contrôlés ont fait l'objet d'une radiation. Tels sont les termes du débat. Le mécanisme n'est pas uniquement un dispositif de contrôle ; il nous permet aussi de repérer des personnes qui sont légitimement découragées, car lorsque vos multiples envois de CV restent sans réponse, la recherche d'emploi devient assez peu motivante. Dans ces cas, la radiation n'est pas prononcée ; au contraire, Pôle Emploi cherche à redynamiser le parcours de recherche. Le débat doit porter sur ce dispositif assez équilibré, au lieu que l'on tienne des propos parfois insupportables à entendre par celui qui dirige Pôle Emploi.

Il se trouve qu'un rapport au sujet du plan « 500 000 formations » a été présenté il y a deux jours au Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CNEFOP). Il en ressort que ce plan a été un succès sur le plan quantitatif et que, sur le plan de la qualité, contrairement à ce qu'on nous disait, le taux de retour à l'emploi s'est maintenu après formation alors qu'on visait des personnes moins qualifiées ; le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi est important et une très bonne collaboration s'est nouée entre Pôle Emploi et les régions, qui pilotent le dispositif. Mais le rapport nous dit aussi que nous n'accompagnons pas suffisamment les demandeurs d'emploi pendant la formation et postérieurement à celle-ci. Nous devrons nous améliorer sur ce point dans le cadre du futur plan d'investissement sur les compétences.

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