Je rejoins le plaidoyer de Xavier Breton en tout point et tiens à le rassurer complètement : les exigences en matière de codétermination ou de reporting fiscal ciblent entre 150 et 200 entreprises – Bercy a toujours du mal à donner les chiffres – qui représentent environ les deux tiers des échanges commerciaux internationaux, qui sont exposées à la mondialisation, qui sont des « super-puissances », qui se portent bien – et nous nous en réjouissons tous : c'est une fierté française. Le code civil, certes, concerne l'ensemble des entreprises mais l'intention du ministre de l'économie de le réformer en introduisant dans la définition de l'entreprise des critères facultatifs me plonge dans un abîme de perplexité. Quoi qu'il en soit, j'y insiste, notre proposition de loi concerne les grands groupes qui, comme l'a très justement souligné Boris Vallaud, peuvent, pour le meilleur comme pour le pire, devenir concurrents des États et mettre en cause les souverainetés nationales et l'État de droit, qu'il s'agisse de l'allocation des ressources ou de la formation de la norme. Aussi le présent texte protège-t-il les PME dans le sens où il remet ces dernières sur le pied d'égalité avec les autres dans le tissu économique, notamment concernant l'assiette fiscale – si nous parvenons à enrayer la distraction par certains groupes de quelques dizaines de milliards d'euros d'optimisation, et parfois de fraude fiscale, nous serons en mesure de baisser les taux d'imposition pour l'ensemble des entreprises françaises et par là de renforcer leur compétitivité.
Je réponds franchement à Arnaud Viala : le présent texte n'est pas une réaction à une annonce du Président de la République. Pour peu que, pendant les fêtes, vous ayez pris le temps de lire l'exposé des motifs, vous avez pu prendre connaissance de l'historique de la proposition de loi : le 5 octobre dernier a paru une tribune dans le journal Le Monde, à l'initiative d'Olivier Favereau et de Christophe Clerc, plaidant pour la codétermination ; il y a deux ans, Cynthia Fleury et quatorze autres personnalités lançaient un appel en faveur d'une économie de marché responsable ; les travaux menés sur le sujet par le collège des Bernardins ont commencé, eux, en 2009 ; la confédération française démocratique du travail (CFDT) s'est exprimée, pour sa part, il y a très longtemps… Aussi le débat sur les nouvelles formes de l'entreprise court-il depuis près d'une décennie. Et c'est au cours d'un séminaire d'un groupe de réflexion que je préside que nous avons décidé, à Cluny, le 6 octobre dernier, de traduire dans la loi les principes philosophiques pour lesquels nous nous battons les uns et les autres. Il s'agit donc bien, non d'une réaction, mais d'une proposition fruit d'une longue réflexion collective.
Plusieurs d'entre vous ont émis des critiques sur le nombre de rapports. Prenez-les comme un signe de mesure et tenez compte de notre contrainte : nous ne pouvons profiter que d'une seule niche parlementaire cette année. Aussi ne nous reprochez pas de vous soumettre non seulement des propositions de loi bien fabriquées, prêtes à être appliquées, mais également des éléments de réflexion destinés à alimenter de prochains textes de loi.
Je note que des amendements de suppression ont été déposés par des députés du groupe Les Républicains, y compris pour rejeter une disposition qu'ils semblaient pourtant approuver, prévoyant la création de sociétés à mission. Au-delà de ce paradoxe, ma courte expérience au sein de l'Assemblée – j'entame mon deuxième mandat – m'a permis de remarquer que les membres d'un groupe de l'opposition évitaient jusqu'à présent de déposer des amendements tendant à supprimer des dispositions proposées par un autre groupe d'opposition. Il s'agit par-là de ne pas entraver le dialogue entre l'opposition et la majorité. Nous n'avons nous-mêmes défendu aucun amendement de suppression lorsque vous avez présenté des textes, par ailleurs fort intéressants comme celui concernant la compétitivité de l'agriculture ; nous avons participé au débat, soutenant tantôt la majorité, tantôt vos propres propositions.
Pour ce qui est de la compétitivité des entreprises, nous aurions un séminaire pendant huit jours que nous ne tomberions pas forcément d'accord. La vraie compétitivité tient compte des externalités. C'est encore plus vrai dans un monde dont nous mesurons tous la fragilité avec le gaspillage et le pillage des ressources naturelles, avec la distraction des fonds nécessaires à la puissance publique pour établir le cadre même, le substrat, pour reprendre votre terme, d'une bonne économie, de l'économie réelle. Aussi des principes de loyauté doivent-ils garantir la compétitivité à long terme.
J'ai déjà salué l'intervention de Boris Vallaud, ce qui ne vous surprendra pas.
Nous avons discuté, en amont, avec Lætitia Avia et je tiens à lui dire que cette proposition de loi serait bien la première à être parfaite au moment où elle est soumise à l'examen de la commission. J'ai pu constater que de grands projets de loi étaient amendés dès leur discussion en commission. C'est le rôle même d'une commission. Le modeste membre de la commission des Affaires économiques que je suis vient humblement recevoir les conseils des membres de votre Commission, par voie d'amendements, car nous disposons, comme groupe d'opposition, de faibles moyens. Reste que nous avons fait de notre mieux, nous entourant de personnalités plutôt réputées provenant du secteur de l'économie sociale, du monde syndical, de l'université… Elles ont bénévolement contribué à rédiger la présente proposition de loi. J'y insiste : si le texte vous paraît imparfait, j'attends vos suggestions de correction afin de l'améliorer.