Intervention de Dominique Potier

Réunion du mercredi 10 janvier 2018 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur :

Cher collègue Balanant, je vous rassure : peut-être la formation politique à laquelle j'appartiens proposera-t-elle un jour des sanctions applicables aux travailleurs – je ne l'exclus pas totalement – mais, en l'occurrence, ce n'est pas le cas. S'il existe déjà des sanctions applicables aux institutions représentatives du personnel qui ne respecteraient pas la confidentialité, nous n'y ajoutons rien, ce n'est pas dans nos intentions.

Le principe de la participation des travailleurs est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. Il fonde la place des institutions représentatives du personnel, le dialogue social, la transparence nécessaire sur certains sujets. Nous n'inventons pas l'eau chaude, nous nous inscrivons pleinement dans le cadre constitutionnel, dans ce qu'il a de plus participatif, avec cette affirmation du monde du travail face au monde du capital. Ne nous effarouchons pas d'une proposition, somme toute, banale.

Chère collègue Avia, le raisonnement tenu par le Conseil constitutionnel est connu : il s'agit de préserver des informations qui pourraient être précieuses pour la concurrence. Cela m'amène à deux remarques importantes pour la suite de nos débats, au-delà même de l'examen de la présente proposition de loi.

J'en ai eu l'expérience, dans des combats difficiles, en matière de foncier ou pour le devoir de vigilance. Les enjeux étaient importants : les droits humains, le bien commun… Chaque fois, on prétend que la Constitution nous empêche ne serait-ce que de penser à formuler des propositions – il ne serait même pas question qu'elles soient soumises au Conseil constitutionnel ! –, mais la faute la plus grave, pour un député, n'est pas de défendre une disposition ensuite censurée par le Conseil constitutionnel, c'est d'anticiper la censure et de s'abstenir politiquement. Si nous avions écouté tous nos conseillers supposés constitutionnalistes, nous n'aurions même pas osé nous lancer dans ces combats contre l'accaparement des terres ou pour le devoir de vigilance qui resteront dans l'histoire. Libérons-nous, affranchissons-nous de cette peur tout à fait mortifère pour notre démocratie, de cette peur de ce que pourrait dire la Constitution !

Deuxième remarque, quand on a peur d'aborder un sujet, ou qu'on ne veut pas le faire, on prétend qu'il faut le traiter au niveau européen… mais il faut des nations pionnières, c'est le courage des États-nations qui fait avancer l'Europe, plus que la Commission européenne, plus que le Parlement européen – et je le regrette profondément. Ce sont la France, l'Allemagne, l'Italie qui ont fait avancer l'Europe. De même, un groupe de pays pionniers peut faire avancer l'Europe sur ces questions.

Quant à vos arguments, chers collègues, tout de même… Nous avons là une proposition adoptée à l'unanimité par le CESE, à propos d'un sujet qui inspire de grandes déclarations scandalisées à tous. Nous avons les moyens de prendre une mesure pragmatique, à l'heure où l'on estime à 50 milliards d'euros – estimation médiane – le manque à gagner infligé à l'État par ce qu'il faut bien appeler une forme de banditisme, et nous fermerions les yeux ! Pourtant, avec beaucoup d'audace, et une certaine imprudence, nous avons fait très vite quand il s'agissait de réformer le code du travail ou de supprimer l'impôt de la solidarité sur la fortune. Deux poids, deux mesures ! Franchement, c'est difficile à accepter.

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