Intervention de Dominique Potier

Réunion du mercredi 10 janvier 2018 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur :

Fruit d'un débat engagé depuis longtemps, notamment avec Nicole Notat et dans le cadre de cercles divers, cet article vise à créer une norme publique de RSE.

Né dans les années 2000, le reporting extra-financier a pris son essor à la suite de la crise des subprimes, dans les années 2008-2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy et en application de directives européennes. Désormais, les grandes entreprises produisent des rapports sur la RSE, dans lesquelles elles décrivent, avec force arguments, les efforts qu'elles font pour limiter les effets négatifs de leurs activités sur l'environnement, pour lutter contre la corruption, etc. Nous disposons donc de documents de grande qualité, conformes à des cahiers des charges fournis, mais ayant le défaut d'être produits par des organismes de certification privés et donnant donc le sentiment de servir à justifier les pratiques de l'entreprise. La norme retenue pour élaborer ces rapports est confuse et produite par l'entreprise elle-même, par le biais de prestataires privés.

Or, je pense qu'on ne peut être dans une saine économie de marché si les consommateurs, les épargnants, les entrepreneurs et leurs collaborateurs ne sont pas éclairés quant à la véritable nature de telle ou telle entreprise. La position d'une entreprise cotée au CAC40 nous indique quelle est sa place à court terme dans l'économie de marché mais ne nous dit rien quant à son impact dans la durée, à l'autre bout du monde. Quant au reporting extra-financier, il ne nous fournit qu'une vision floue de la responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise.

Notre proposition – innovante, moderne et répondant aux nécessités d'une bonne et saine économie – vise donc à créer une norme publique, sorte de comptabilité des droits humains et environnementaux. Lisible et accessible à tous, cette norme publique nous permettrait de classer nos grandes entreprises. La norme doit pouvoir être appliquée par les acteurs privés avec liberté, imagination, agilité et souplesse mais elle doit être publique. Il ne s'agit pas de remettre en cause les efforts qui ont été faits par les grandes entreprises. J'ai pu le vérifier dans le cadre de mes travaux sur la RSE et sur le devoir de vigilance et mes déplacements outre-Atlantique et en Europe : nous avons dans notre pays des champions du monde de la RSE et nous pouvons en être fiers, en France comme en Europe. Nous devons faire de cette force un modèle économique et démocratique. Pour cela, il faut produire une norme publique.

Pour ne pas créer de charges supplémentaires, nous proposons de confier ce label à une institution déjà existante, comme l'Autorité des marchés financiers ou la Banque publique d'investissement. Un travail, ardu sur le plan intellectuel, permettra de définir quelques éléments simples et clairs permettant d'évaluer l'entreprise sur le plan social, environnemental et éthique. Il reviendra alors à des organismes privés, dont c'est déjà la mission, de renseigner cette notation. Celle-ci éclairera la décision publique en matière fiscale, réglementaire et sociale mais surtout le citoyen, dans sa liberté d'entrepreneur, de consommateur ou encore d'épargnant.

Telle est l'innovation que nous proposons. Dire la bonne entreprise à travers une norme participe de la démocratie. Cela n'est pas contraire à la libre entreprise, c'est même une condition de la libre entreprise de demain. Nous voulons voir ce débat prospérer et posons aujourd'hui le premier acte, en demandant un rapport au Gouvernement et en associant le Parlement à ce travail d'avenir.

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