Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du mercredi 10 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune :

Ce second projet de loi de finances rectificative pour 2021 vient en quelque sorte solder les comptes d'une année particulière, année marquée par une sortie progressive de la crise sanitaire et une reprise économique qu'il convient de soutenir durablement, dans un contexte de forte inflation et de fin de quinquennat.

L'examen de ce texte nous confirme que le Gouvernement profite grandement de la conjoncture économique globale, à savoir un rebond mécanique des différents indicateurs après plusieurs mois d'atonie due à la crise sanitaire. Si le déficit pour 2021 est plus faible que prévu initialement, c'est pour des raisons qui tiennent moins aux choix du Gouvernement qu'à l'amélioration de la situation économique globale.

Il convient ici de rappeler que la France perdait 8 points de PIB en 2020 contre seulement 6,5 pour l'ensemble de la zone euro. Si le rebond de notre pays est un peu plus marqué que dans la zone euro, c'est donc aussi parce que nous étions tombés plus bas.

Ce PLFR entérine le fait que le Gouvernement n'a eu de cesse, dans les multiples textes budgétaires qui ont été soumis à la représentation nationale, de transformer ce qu'il estimait être du déficit conjoncturel en déficit structurel. Cela démontre que, contrairement à ce qui est répété, les effets de la crise seront durables. Voilà qui invite à adopter une vision à long terme loin de tout saupoudrage électoraliste.

Pourtant, et c'est la deuxième conclusion que l'on peut tirer de l'examen du PLFR, le Gouvernement navigue à vue. En témoigne évidemment le PLF pour 2022, texte à trous que j'ai comparé à un parcours de golf, qui empêche le Parlement de disposer d'un panorama sincère de l'état réel des finances du pays. Dois-je rappeler que nous avons dû débattre de manière expresse de quatre amendements représentant près de 7 % du budget de l'État, dont un consacré au plan France 2030 pesant à lui seul 34 milliards d'euros, soit l'amendement le plus cher de la Ve République ?

Le présent PLFR s'inscrit dans la même veine que le PLF. Au lieu de corriger à la marge l'exécution budgétaire de l'année écoulée comme le veut d'ordinaire cet exercice, il prévoit une indemnité inflation destinée à compenser la hausse des prix essentiellement due à l'explosion des prix de l'énergie, qui inquiète grandement les Français, notamment les plus modestes, qui craignent de ne plus pouvoir se chauffer cet hiver ou mettre du carburant dans leur voiture pour aller travailler.

Cette mesure consistant en la création d'un chèque inflation de 100 euros pour les Français gagnant moins de 2 000 euros nets par mois est évidemment toujours bonne à prendre mais elle ne saurait être l'alpha et l'oméga de la politique gouvernementale, notamment face à la détresse des travailleurs pauvres.

Son montant – 3,8 milliards d'euros – et les effets de communication qui l'accompagnent ne doivent pas nous faire oublier toutes les mesures qui ont profité aux plus aisés : les 7,2 milliards d'euros dépensés par le Gouvernement pour la suppression de la taxe d'habitation pour les 20 % des foyers les plus aisés, les 5 milliards de coût pour les finances publiques que représente la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l'instauration de la flat tax ou encore les 10 milliards d'euros de baisse des impôts de production.

Si ce chèque de 100 euros peut répondre aux besoins de certains de nos concitoyens, il faut rappeler que près de 38 millions de Français de plus de 16 ans gagnent moins de 2 000 euros nets quand une petite poignée gagne des millions chaque mois. Cette mesure, qui ne vaut que pour le seul mois de décembre à venir, ne répond pas à la situation des plus précaires qui, eux, sont pénalisés chaque jour, depuis de longs mois.

Faut-il vous rappeler aussi que depuis le début de l'année, les prix des carburants et du gaz ont augmenté respectivement de 18 % et 57 % ? Le bouclier tarifaire mis en place par le Gouvernement ne fait que décaler dans le temps les dépenses des Français, qui devront en payer le tribut après les échéances électorales qui viennent.

Il aurait pourtant été possible d'appliquer une solution bien plus juste consistant à considérer les carburants comme un produit de première nécessité et à ajuster le montant de TVA en conséquence. Au lieu de cela, le Gouvernement récupérera une partie du montant alloué grâce aux taxes. Pire, cet argent public transitera par les ménages mais finira dans les caisses des fournisseurs d'énergie comme Gazprom ou Total, groupe qui a réalisé un bénéfice net de 9,7 milliards d'euros sur les trois premiers trimestres de cette année !

En d'autres termes, même s'il contient des mesures de soutien aux ménages, ce PLFR n'apportera finalement aucune solution sérieuse de long terme aux Français les plus modestes, aux travailleurs pauvres qui restent les grands perdants de ce quinquennat, tandis que les gagnants demeurent non pas les riches mais les très, très riches.

Il devient urgent de sortir de ces budgets de classe pour instaurer un budget pour tous, un budget de justice et de solidarité fondé sur une stratégie de moyen et de long terme.

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