Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du mardi 16 novembre 2021 à 21h45
Confiance dans l'institution judiciaire — Présentation commune

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Nous allons redonner au jury populaire les lettres de noblesse qu'il avait perdues, en ce sens que la souveraineté populaire n'avait plus de sens. Je rappelle que, sous l'empire du droit actuel, un verdict de culpabilité peut être prononcé alors qu'une majorité ne s'est pas dégagée parmi les jurés. Nous avons donc modifié les modes de calcul pour que, désormais, la souveraineté populaire ait un sens : il faudra une majorité de jurés pour qu'une condamnation soit prononcée.

En ce qui concerne les cours criminelles départementales, le double regard au fond, c'est un peu comme l'appel : c'est indispensable. Le Sénat nous rappelle que cette expérience n'est pas terminée : c'est vrai et nous allons aller jusqu'au bout de celle-ci. J'ai entendu ce que les sénateurs ont dit et pour ne rien vous cacher, je me suis rangé à leur avis. Ces cours d'assises particulières, ces cours départementales verront le jour, mais une fois que l'expérience aura été menée à son terme : vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, la covid-19 n'a pas permis que celle-ci se déroule comme nous l'aurions souhaité.

Nous avons mis en place également, et cela n'est pas rien, une juridiction nationale spécialisée pour les crimes en série. Qu'il me soit permis, en cet instant, d'avoir une pensée pour un certain nombre de victimes qui n'ont pas connu l'épilogue qu'elles souhaitaient parce qu'un dossier était instruit ici, un autre là, un autre ailleurs encore, la jonction n'était pas faite et un certain nombre de criminels sont parvenus à passer au travers des mailles et n'ont jamais été découverts. L'expérience démontre que, quand un magistrat traite l'ensemble de ces affaires et s'en occupe essentiellement, les résultats sont au rendez-vous des espérances légitimes des victimes qui demandent justice. Nous allons le faire.

Nous allons également supprimer le rappel à la loi, qui n'était plus compris de personne. C'était, si vous me permettez ce moment de jeunisme, après qu'un rappel à la loi était prononcé, une espèce de « lol » ou de « même pas mal ». Le rappel à la loi, c'est fini. Nous allons passer à une disposition nouvelle qui, certes, restera le premier barreau de l'échelle des sanctions : l'avertissement pénal probatoire. On évoque ici le traitement de la délinquance de basse intensité. Un fait de petite délinquance est commis : on délivre un avertissement et, si le délinquant commet une nouvelle infraction dans les deux ans suivants – je proposais un an, le Sénat a proposé trois ans, vous vous êtes entendus, dans une démarche de coconstruction, sur ce compromis –, il sera sanctionné non seulement pour cette nouvelle infraction, mais également pour celle qui lui avait valu l'avertissement pénal probatoire. Il convient de préciser que les violences seront exclues de cet avertissement.

En matière d'application des peines, je réaffirme et vous réaffirmez avec moi que le détenu, parce qu'il est un être humain, a non seulement des droits, mais aussi des devoirs. Nous avons mis un terme aux réductions automatiques de peines, cet hypocrite système de régulation carcérale qui ne disait pas son nom, afin de les remplacer par des réductions de peines accordées à l'effort. L'effort, pour un jeune complètement désocialisé, ce peut être de se lever le matin ; ce peut être de se désintoxiquer, de travailler, d'apprendre. Voilà ce que j'ai voulu, si j'ose dire, remettre à l'ordre du jour – celui de nos compatriotes qui, eux aussi, font des efforts en se levant tôt tous les matins pour aller travailler. Bien qu'elle en soit séparée par ses murs d'enceinte, la prison fait partie intégrante de la société ; c'est pourquoi le sens de l'effort n'y est pas un sens interdit.

J'ai également souhaité instaurer avec vous une grande nouveauté : un contrat de travail du détenu, associé à la codification des règles pénitentiaires qu'appelaient de leurs vœux tous les praticiens. Ce contrat permettra aux employeurs de savoir très exactement comment et dans quelles conditions il est possible de faire travailler des détenus. Devant la représentation nationale, je m'engage – si vous me permettez cette formule quelque peu familière – à faire venir des patrons en prison, à leur demander d'apporter du travail. Nous sommes en train d'accomplir cela ; grâce à ce contrat, nous renouerons avec un taux de travail en détention malheureusement oublié depuis des années. C'est là un pacte gagnant pour le détenu qui ne connaît plus l'oisiveté, pour la société qui reçoit l'assurance de sa réinsertion, pour l'employeur qui y trouve un bénéfice à la fois humain et, disons-le, pécuniaire.

Nous avons renforcé la médiation, c'est-à-dire la justice rendue à laquelle ont participé les deux parties, si bien que le seuil et le taux d'acceptabilité de ces décisions consensuelles dépassent largement ceux des décisions imposées. En outre, la médiation assure une justice plus rapide et plus proche. J'évoquerai bien sûr les dispositions adoptées en matière de déontologie des professions du droit : il n'était pas acceptable qu'en cas de litige avec un avocat, un huissier ou un notaire, nos compatriotes doivent s'en remettre exclusivement à l'arbitrage d'avocats, d'huissiers ou de notaires. J'ai donc souhaité introduire un échevinage, afin de rendre équitables les juridictions chargées de trancher entre justiciables et professionnels du droit : c'est là une mesure de nature à recréer la confiance. Enfin, je veux m'arrêter sur le secret professionnel des avocats.

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