Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du mardi 16 novembre 2021 à 21h45
Motion de rejet préalable (projet de loi ordinaire) — Texte de la commission mixte paritaire

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

S'agissant du secret professionnel de la défense, voilà ce que ce texte apporte. Désormais, ce ne sont pas le procureur de la République ou le juge d'instruction qui décideront d'une perquisition mais le JLD. C'était une revendication forte du barreau : nous l'avons fait ! Nous avons tenu compte de l'idée légitime, défendue par les avocats, selon laquelle le juge chargé d'examiner la situation devait être éloigné des investigations ou de l'enquête.

Les avocats voulaient qu'un recours contre la décision du juge des libertés et de la détention en matière de saisie de documents soit ouvert. Cela aussi, nous l'avons fait. Ce texte permet qu'un recours contre la validation par le JLD soit présenté devant le président de la chambre d'instruction.

Nous avons prévu que les perquisitions soient spécifiquement motivées lorsque l'avocat lui-même est mis en cause. Voilà un degré supplémentaire de protection. La relation entre l'avocat et le client – écoutez-moi bien – est couverte par le secret avant même l'ouverture d'une procédure pénale, depuis une jurisprudence de 2014 qui avait considérablement restreint la protection que l'on doit au justiciable.

Je dois encore indiquer que si un document est découvert lors de la perquisition chez le client, il sera protégé comme s'il avait été découvert chez l'avocat. Un recours du client lui-même devant le JLD et devant le président de la chambre d'instruction sera possible. Toujours dans le cadre du renforcement du secret professionnel de l'avocat, la consultation des fadettes sera assimilée à une écoute téléphonique, ce qui n'était pas le cas autrefois.

Je dois aussi être précis sur le conseil. Il convient de dire que le secret du conseil est enfin consacré et protégé dans le code de procédure pénale, ce qui n'avait jamais été le cas jusqu'à présent. Il s'agit d'une avancée incontestable. Il faut cependant préciser – et là est toute l'ambiguïté que certains n'ont aucune envie de dissiper – que le secret du conseil ne bénéficie pas de la même protection constitutionnelle et conventionnelle que le secret de la défense. Cela explique les trois exceptions citées, prévues pour les infractions suivantes : terrorisme, fraude fiscale et corruption. Je dis ici, en toute responsabilité, qu'aucun Français ne comprendrait qu'il en soit autrement.

Aujourd'hui même, la CEDH a condamné l'Estonie dans un arrêt Särgava contre Estonie, dans lequel elle rappelle, d'une part, l'importance des garanties procédurales pour protéger la confidentialité des échanges entre l'avocat et le client et, d'autre part, que la Convention européenne des droits de l'homme n'interdit pas d'imposer aux avocats certaines obligations susceptibles de concerner leurs relations avec leurs clients, notamment dans le cadre de la lutte contre certaines pratiques. Nous y sommes.

L'amendement du Gouvernement vise à apporter deux clarifications. Oui, le bâtonnier sera toujours présent lors des perquisitions. Il suffisait de lire le texte pour s'en convaincre. Pourtant, d'aucuns ont cru pouvoir dire qu'un doute existait à ce sujet et que l'absence supposée du bâtonnier – dont la présence est si importante, notamment lors des perquisitions – était de nature à restreindre la protection du secret professionnel de l'avocat. Je le dis ici de façon claire : le texte lèvera toute ambiguïté même si – pardon, mais je l'assume – il est un peu bavard. À l'évidence, personne n'a jamais eu ici l'intention d'interdire la présence du bâtonnier – ou, pire, de la supprimer.

La deuxième clarification porte sur l'alinéa 2, que nous pouvons considérer trop vaste et trop imprécis. Il doit donc naturellement être supprimé.

Sur cette question, j'ai toujours été à l'écoute et j'ai toujours recherché la contestation. La semaine dernière, j'ai écrit à l'ensemble des bâtonniers en leur demandant de diffuser une lettre que j'avais rédigée à l'attention de tous leurs confrères. Je dois à la vérité de dire que, parmi les réponses que j'ai reçues, de nombreux avocats ont fait part de leur satisfaction. Je prends naturellement acte de la position exprimée par le CNB. Cependant, en conscience et en responsabilité, je veux consacrer, avec les parlementaires, les avancées majeures que je viens de vous exposer. Tel est le sens de cet amendement.

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