Intervention de Alexandra Louis

Séance en hémicycle du mercredi 17 novembre 2021 à 15h00
Améliorer la protection des lanceurs d'alerte - rôle du défenseur des droits en matière d'alerte — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandra Louis :

Ce qui se joue dans les deux propositions de loi que nous examinons aujourd'hui, ce n'est pas seulement la protection des lanceurs d'alerte : c'est la protection de notre démocratie et de notre État de droit ; c'est notre responsabilité face aux grandes problématiques du XXIe siècle et aux défis qu'elles nous invitent à relever.

Ainsi, à ceux qui mettent en danger leur carrière, leur famille, parfois leur vie, souvent au service de l'intérêt général, nous devons fournir l'assurance que la loi sera de leur côté. Depuis 2016, grâce à la loi Sapin 2, la France est à la pointe des législations européennes et mondiales en la matière. Néanmoins, il subsiste de nombreuses marges d'amélioration, comme l'a signalé dès 2019 un rapport de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, produit par l'auteur et rapporteur des textes examinés aujourd'hui, Sylvain Waserman, dont je tiens à saluer le travail.

Il y a deux ans, avec mes collègues Olivier Becht et Dimitri Houbron, nous avions voté avec conviction en faveur de ce rapport, et c'est en toute logique que nous soutiendrons les propositions de loi présentées aujourd'hui dans l'hémicycle. Elles viennent transposer la directive du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union, qui harmonise la protection des lanceurs d'alerte dans l'Union européenne.

Mais sur de nombreux points, elles vont plus loin que le droit européen : par exemple, alors que la directive n'incluait que les personnes physiques, les personnes morales pourront être considérées comme « facilitateurs » et bénéficier des protections afférentes. Plus précisément, par la proposition de loi ordinaire visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte, nous élargissons la définition juridique de ces derniers. Surtout, nous supprimons l'obligation de lancer l'alerte d'abord en interne, afin que les autorités compétentes, voire la presse – en cas de danger imminent –, puissent être saisies au plus vite.

En outre, nous renforçons l'anonymat des auteurs de signalements ; il ne pourra être levé qu'avec leur consentement. Plus encore, nous instaurons un principe de privilège s'appliquant aux dispositifs les plus favorables à l'égard des lanceurs d'alerte. Mais pour leur permettre de jouer leur rôle, nous devons aussi lutter contre toute forme de représailles, et on sait à quel point elles peuvent être nombreuses. Ainsi, nous dressons la liste de toutes les actions pouvant être considérées comme des intimidations ou des vengeances, lorsque leur auteur n'est pas en mesure de prouver leur légitimité.

Par ailleurs, pour rendre justice aux auteurs de signalements, il ne faut pas seulement les protéger : il faut également les soutenir. C'est pourquoi nous permettons au juge de leur allouer une provision pour frais d'instance, qui sera à la charge des auteurs de procès abusifs. Dans le même esprit, nous facilitons la réinsertion professionnelle des lanceurs d'alerte : ils pourront voir leur compte personnel de formation (CPF) abondé par leur employeur à l'issue d'une procédure aux prud'hommes, mais aussi bénéficier d'un soutien financier et psychologique organisé par les autorités externes compétentes.

Enfin, les pouvoirs publics doivent être les premiers à être exemplaires sur de tels sujets. Nous actons donc clairement le fait qu'un agent public puisse bénéficier des mesures de protection s'appliquant aux lanceurs d'alerte et saisir le juge administratif par la voie d'un référé-liberté, si son droit d'alerter était remis en cause.

Je souhaite aussi remercier la commission des lois d'avoir adopté un amendement du groupe Agir ensemble, grâce auquel seuls les documents couverts par le secret professionnel des avocats, et non l'ensemble des relations entre ces derniers et leurs clients, sont exclus du régime de l'alerte.

De façon corrélative, la proposition de loi organique peut avoir des implications majeures pour les lanceurs d'alerte et pour leurs proches. Le Défenseur des droits, dont l'existence et le fonctionnement sont systématiquement salués à l'échelle internationale, sera le point de repère idéal pour ceux qui souhaitent effectuer un signalement. Son action s'articulera pleinement avec les avancées apportées par la loi ordinaire, puisqu'il pourra orienter les signalements, traiter ceux qui relèvent de sa compétence et être saisi par toute personne pour rendre un avis sur sa qualité de lanceur d'alerte.

J'ajoute enfin que le groupe Agir ensemble et les autres groupes de la majorité ont déposé un amendement qui, s'il est adopté – ce que j'espère –, permettra au juge d'allouer une provision pour les lanceurs d'alerte dont la situation financière se serait gravement dégradée en raison d'un signalement. C'est un sujet qui nous a beaucoup occupés en commission des lois.

Pour conclure, je tiens à rappeler que dans l'Union européenne, le manque de protection dont pâtissent les lanceurs d'alerte coûte chaque année 6 à 10 milliards d'euros, rien que sur les marchés publics. Face à ce constat, nous ne pouvons que nous satisfaire du large consensus qui se dégage en faveur d'une protection plus efficace, plus juste et plus complète les concernant. Le groupe Agir ensemble, cosignataire des deux propositions de loi, les votera évidemment avec conviction.

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